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Observer les oiseaux dans le marais de Grée (Loire-Atlantique), une vaste zone inondable liée à la Loire
Vue sur le marais de Grée (Loire-Atlantique) inondé depuis l’observatoire.
Photographie : Hugo Touzé
Introduction
Le cours inférieur de la Loire, entre Angers et l’embouchure, est jalonné de zones humides d’un grand intérêt ornithologique et botanique. Si certaines sont relativement bien connues des observateurs, comme les basses vallées angevines, d’autres le sont moins : c’est le cas du marais de Grée, situé à l’est du département de la Loire-Atlantique, tout près de la ville d’Ancenis-Saint-Géréon. Cette vaste zone inondable, s’étendant sur 4 km du nord au sud et sur 8,5 km d’est en ouest, est connectée avec la Loire, mais des travaux d’assèchement menés au XIXe siècle et l’abaissement du niveau du lit du fleuve, lié aux extractions de sédiments, ont altéré son fonctionnement hydraulique : une vanne à clapet a donc été installée en 1991 afin de régler artificiellement son niveau d’eau. Ses portes sont fermées à partir du mois d’octobre pour collecter les eaux apportées par les ruisseaux, puis ouvertes au cours de l’hiver et au printemps pour permettre la circulation des poissons reproducteurs, puis des alevins, entre le marais et la Loire.
Si la flore des prairies inondables du marais de Grée est riche et comprend des espèces emblématiques, comme la Fritillaire pintade, son avifaune est aussi remarquable, avec près de 220 espèces d’oiseaux déjà notées. La fin de l’hiver et le printemps sont certainement les meilleures périodes pour les observateurs : le nombre de canards culmine en effet au début du mois de mars, les limicoles sont nombreux jusqu’au début du mois de juin, profitant de la baisse progressive du niveau d’eau, et plusieurs nicheurs remarquables sont alors visibles, le plus récemment installé étant l’Élanion blanc en 2024.
Grâce à Hugo Touzé, un ingénieur écologue qui fréquente le site depuis 25 ans, Thierry Roger, Patrick Berthelot, Rodolphe Tourneux, Denise Mazeau (Ligue pour la Protection des Oiseaux de Loire-Atlantique) et Hubert Ouvrard, nous vous proposons une présentation du marais de Grée, de son avifaune et de ses bons points d’observation.
Abstract
The lower course of the Loire, between Angers and the mouth, is dotted with wetlands of great ornithological and botanical interest. While some are relatively well known to observers, such as the lower valleys of Angers, others are less so: this is the case of the Grée marsh, located in the east of the Loire-Atlantique department, very close to the town of Ancenis-Saint-Géréon. This vast floodplain, extending 4 km from north to south and 8.5 km from east to west, is connected to the Loire, but drainage work carried out in the 19th century and the lowering of the riverbed level, linked to sediment extraction, altered its hydraulic functioning: a flap gate was therefore installed in 1991 to artificially regulate its water level. Its gates are closed from October to collect water brought in by the streams, then opened during the winter and spring to allow the movement of breeding fish, then fry, between the marsh and the Loire.
While the flora of the floodplain meadows of the Grée marsh is rich and includes emblematic species, such as the Snake’s head Fritillary, its birdlife is also remarkable, with nearly 220 bird species already recorded. Late winter and spring are certainly the best times for birdwatchers: duck numbers peak at the beginning of March, waders are numerous until the beginning of June, taking advantage of the gradual drop in water levels, and several remarkable breeding birds are visible, the most recent being the Black-winged Kite in 2024.
Thanks to Hugo Touzé, an ecological engineer who is birdwatching in the site for 25 years, Thierry Roger, Patrick Berthelot, Rodolphe Tourneux, Denise Mazeau(Ligue pour la Protection des Oiseaux de Loire-Atlantique) and Hubert Ouvrard, we offer you a presentation of the Grée marsh, its birdlife, and its good birfwatching points.
Une zone humide au niveau d’eau contrôlé
Situation du marais de Grée (Loire-Atlantique). |
Le marais de Grée, situé à l’est d’Ancenis (Loire-Atlantique), s’est formé il y a près de 2 000 ans par l’apport d’alluvions par la Loire lors de ses crues successives, qui ont comblé progressivement la dépression schisteuse qu’il occupe et où aboutissent plusieurs ruisseaux. Le mot d’origine celte « grée » signifie « pierre » ou « endroit pierreux », et une légende locale évoque la présence d’une ancienne ville sur le site, une croyance qui pourrait être étayée par la découverte au XIXe siècle de briques, de pierres, de vestiges de charpentes et même de vaisselle.
Les travaux d’assèchement décidés au cours du XIXe siècle par Louis Philippe ont donné son aspect actuel au marais, et l’abaissement du niveau du lit de la Loire (de trois mètres à Ancenis), causé par les extractions de sédiments, ont altéré son fonctionnement et son importance pour la reproduction des poissons, et notamment du Brochet commun (Esox lucius). En 1991, une vanne à clapet a été installée afin de contrôler artificiellement le régime hydraulique, pour que le marais ne soit plus tributaire du régime de la Loire : ses portes sont fermées à partir du mois d’octobre pour conserver l’eau des précipitations et des trois ruisseaux (l’Aubinière, le Clairet et la Motte) qui y convergent, et le site est entièrement inondé du début du mois de décembre à la mi-mai environ.
Les portes sont ouvertes en novembre et en décembre, afin d’autoriser l’arrivée de brochets reproducteurs venus du fleuve, puis au printemps (entre avril et juin) pour permettre aux alevins d’emprunter l’exutoire se jetant dans la Loire. Le marais se vide alors progressivement, découvrant des prairies humides qui sont pâturées après les fauches, qui se déroulent de juillet à août.
Cette gestion hydraulique contrôlée a redonné une certaine importance piscicole au marais de Grée, qui constitue le second site d’intérêt régional pour le frai du Brochet commun dans la vallée de la Loire. La pêche est réglementée et effectuée par les propriétaires des terrains, qui ont le droit de poser quelques filets et nasses.
Le marais est chassable pendant l’hiver (huttes fixes et mobiles) sur l’ensemble de sa surface, à l’exception d’une parcelle appartenant à la Ligue pour la Protection des Oiseaux, ce qui limite drastiquement ses capacités d’accueil durant cette période cruciale. Il fait partie de la Zone Naturelle d’Intérêt Ecologique et faunistique (ZNIEFF) « Marais de Méron et de Grée et leurs abords » et de la Zone de Protection Spéciale « Vallée de la Loire de Nantes aux Ponts-de-Cé et ses annexes ». Il reste toutefois un milieu sensible soumis à une forte pression industrielle et urbaine : il est en effet bordé à l’ouest par un espace économique en développement composé notamment de la Zone Industrielle de l’Hermitage et des Zones d’Activités de l’Aubinière et du Château Rouge.
Une maison du marais, un observatoire, une passerelle et un sentier
Passerelle d’observation à l’ouest du marais de Grée (Loire-Atlantique) (cliquez sur la photo pour l’agrandir). |
Le marais de Grée occupe une superficie totale de près de 450 hectares en période de crue hivernale, tandis qu’en été, il ne subsiste plus que quelques canaux. Il a longtemps été entièrement privé et géré par le syndicat des propriétaires (qui en regroupe 70), jusqu’à l’achat de 17 hectares par le département de la Loire-Atlantique, qui ont été classés en Espace Naturel Sensible. Le département a également acquis en 1995 une propriété pour en faire la maison du marais, ouverte au public en 2006 grâce à des subventions du Conseil Général de Loire-Atlantique : située sur une hauteur, elle permet aux visiteurs de rejoindre un observatoire créé en 2004. Elle propose une présentation du marais sur 30 m² et possède des toilettes. Le Syndicat d’Initiative d’Ancenis-Saint-Géréon coordonne son ouverture avec les associations qui tiennent une permanence le dimanche matin : il faut le contacter pour la visiter en dehors de cette période.
Des sorties naturalistes gratuites (sur réservation) sont fréquemment organisées, notamment en hiver et au printemps, par le groupe Ancenis de la Ligue pour la Protection des Oiseaux de Loire-Atlantique (quatre sorties sont programmées le dimanche matin : une en février, une en mars, une en avril et une en mai), mais aussi par l’association Vair Environnement et par les étudiants du BTS Gestion et Protection de la Nature du lycée agricole de Briacé.
Une passerelle (avec platelage en bois) a été créée dans la partie sud-ouest du marais et inaugurée en 2016. Des panneaux pédagogiques ont aussi été installés.
Un circuit pédestre balisé d’une longueur de 2,4 km permet enfin de découvrir le site et ses environs.
Accès et bons points d’observation
Carte du marais de Grée (Loire-Atlantique). En rouge, trajet et points d’observation recommandés (voir notre texte ci-contre). |
Depuis Nantes à l’ouest ou Angers à l’est, il faut rejoindre Ancenis-Saint-Géréon, puis se garer dans l’aire de stationnement située au lieu-dit « La Gréserie », à proximité de la maison du marais (voir notre carte).
Rejoindre ensuite (1) l’observatoire ornithologique du marais de Grée (voir sa localisation sur Google Maps) en suivant un sentier pédestre. L’accès à l’observatoire est libre toute l’année.
Reprendre son véhicule (stationnement possible) ou marcher ensuite sur la petite route vers le hameau de la Basse Île et observer depuis le pont sur le ruisseau de Grée (2) (voir sa localisation sur Google Maps).
Poursuivre jusqu’au chemin de la Basse Île (3) (voir sa localisation sur Google Maps).
Vous pouvez revenir vers Ancenis-Saint-Géréon et suivre le chemin qui part de l’étang de la Planche (4) (voir sa localisation sur Google Maps).
Prendre ensuite la rocade D923 vers la Loire et se garer le long de celle-ci, devant l’entrepôt de la société de transport Avilog (5) (voir sa localisation sur Google Maps).
Poursuivre vers le sud jusqu’à la passerelle d’observation (6) (voir sa localisation sur Google Maps).
Hébergement et restauration
Des restaurants et des hébergements sont disponibles dans la ville voisine d’Ancenis. Plus près encore, la chambre d’hôtes « Au gré du Marais » est située à 500 mètres de l’observatoire.
Une flore comprenant des espèces rares
Près de la moitié du marais de Grée est occupée par des prairies humides et des cariçaies, aucune roselière haute n’étant présente du fait des fortes variations hydrauliques interannuelles. La flore comprend des cortèges floristiques remarquables, associés entre autres à la présence de dalles schisteuses, d’un dense réseau bocager, caractérisé notamment par ses frênes taillés en « têtards », aux prairies inondables, aux canaux et aux roselières basses : la rare Gagée de Bohème (Gagea bohemica) pousse ainsi sur un sol schisteux, le très localisé Orpin à cinq étamines (Sedum pentandrum) est présent en bordure de marais, et la Fritillaire pintade (Fritillaria meleagris), également appelée « fleur à damier » ou encore localement « gogane », fleurit à la fin du mois de mars dans les prairies humides, où poussent aussi les Laîches à épis noirs (Carex melanostachya), des renards (C. vulpina) et précoce (C. praecox).
Les zones plus sèches et de transition accueillent entre autres l’Inule d’Angleterre (Inula britannica), l’Orchis à fleurs lâches (Anacamptis laxiflora), la Gratiole officinale (Gratiola officinalis), le Céraiste douteux (Cerastium dubium), la Gesse de Pannonie (Lathyrus pannonicus subsp. Asphodeloides), la Pulicaire vulgaire (Pulicaria vulgaris) ou encore l’Ophioglosse commun (Ophioglossum vulgatum).
Le marais est toutefois envahi sur un tiers de sa surface par la Jussie rampante (Ludwigia peploides), et certains secteurs sont surpâturés.
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De l’Aeschne affine au Campagnol amphibie en passant par une belle diversité d’amphibiens
Pélodyte ponctué (Pelodytes punctatus) dans le marais de Grée (Loire-Atlantique) (cliquez sur la photo pour l’agrandir). |
Parmi les odonates, l’Aeschne affine (Aeshna affinis) est bien présente dans les milieux aquatiques temporaires, tandis que le peu commun Agrion de Mercure (Coenagrion mercuriale) occupe les suintements et fossés. La proximité directe du marais de Grée avec la Loire offre des habitats de chasse très favorables aux cinq espèces de gomphes (genre Gomphus) se reproduisant localement le long du fleuve. Notons aussi la reproduction de l’Anax porte-selle (Anax ephippiger) au printemps 2023 (observation d’accouplements et de pontes), en lien avec l’afflux important observé en Europe de l’Ouest cette année-là.
Parmi les Orthoptères recensés, citons notamment les Criquets des roseaux (Mecostethus parapleurus) et ensanglanté (Stethophyma grossum) et le Conocéphale des roseaux (Conocephalus dorsalis).
Outre la présence évoquée plus haut du Brochet commun, celle de la Bouvière commune (Rhodeus amarus) est aussi à signaler.
Bien que l’Écrevisse de Louisiane (Procambarus clarkii) soit désormais bien installée, les amphibiens sont encore nombreux : le très localisé et localement menacé Triton ponctué (Lissotriton vulgaris), redécouvert en 2017, fréquente le réseau de canaux, la Rainette verte (Hyla arborea), le Triton palmé (Lissotriton helveticus) et le Pélodyte ponctué (Pelodytes punctatus) vivent dans les mares bocagères, tandis que les prairies humides accueillent des populations de Grenouilles rieuses (Pelophylax ridibundus) et de Grenouilles vertes communes (Pelophylax kl. Esculentus).
Les Couleuvres vipérine (Natrix maura) et helvétique (N. helvetica) occupent le marais, tandis que la Coronelle lisse (Coronella austriaca) est présente dans les bordures bocagères riveraines de la Loire. La Vipère aspic (Vipera aspis) et la Couleuvre d’Esculape (Zamenis longissimus) occupent enfin le bocage et les zones schisteuses.
Le discret Campagnol amphibie (Arvicola sapidus) est à rechercher dans les prairies humides, tandis que quelques indices laissent espérer à moyen terme une présence plus constante de la Loutre d’Europe (Lutra lutra). Le Castor d’Europe (Castor fiber) est fréquent le long de la Loire, mais il n’a pas encore été détecté dans le marais de Grée.
Une avifaune nicheuse intéressante et variée
Le Vanneau huppé (Vanellus vanellus) niche dans le marais de Grée (Loire-Atlantique) (cliquez sur la photo pour l’agrandir). |
Le marais de Grée accueille une avifaune riche, aux effectifs remarquables suivant les saisons : près de 220 espèces d’oiseaux y ont déjà été observées. Ce site reste pourtant peu connu des observateurs, peut-être du fait de l’existence d’autres zones humides plus importantes dans le département de la Loire-Atlantique, comme la Grande Brière (lire Observer les oiseaux au pays du roseau : la Grande Brière Mottière) et le lac de Grand-Lieu (lire Observer les oiseaux du lac de Grand-Lieu).
Dès la fin avril, les prairies humides accueillent les nidifications de l’Alouette des champs (Alauda arvensis), des Bruants des roseaux (Emberiza schoeniclus) et proyer (E. calandra), de la Cisticole des joncs (Cisticola juncidis) et de la Bergeronnette printanière (Motacilla flava). Le Tarier des prés (Saxicola rubetra) a disparu en tant que reproducteur en 2009, en lien avec sa forte diminution dans la vallée de la Loire. Le dernier Râle des genêts (Crex crex) chanteur a été observé en 2011, et l’espèce ne se reproduit plus en Loire-Atlantique.
La Cigogne blanche (Ciconia ciconia) nidifie depuis peu sur un pylône dans le marais.
En fonction du niveau d’eau, plusieurs chanteurs de Marouettes ponctuées (Porzana porzana) peuvent occuper le site. Observée à différentes reprises, notamment en 1993 et 1995 (trois adultes cette année-là), la Marouette de Baillon (Zapornia pusilla) s’est très probablement déjà reproduite dans les vastes scirpaies inondées du marais. Lorsque les niveaux d’eau sont favorables en juin, sa présence doit être y être plus régulière que ne le laissent penser les quelques données connues.
Une petite population de Vanneaux huppés (Vanellus vanellus) se reproduit dans les zones exondées, et l’Échasse blanche (Himantopus himantopus) a déjà niché.
Plusieurs couples de Sarcelles d’été (Spatula querquedula) se reproduisent dans le marais de Grée (Loire-Atlantique) (cliquez sur la photo pour l’agrandir). |
Les canaux et les roselières basses accueillent chaque année les reproductions du Cygne tuberculé (Cygnus olor), de la Sarcelle d’été (Spatula querquedula), des Canards souchet (Spatula clypeata), chipeau (Mareca strepera) et colvert (Anas playrhynchos), et plus irrégulièrement du Fuligule milouin (Aythya ferina). Le Canard pilet (Anas acuta) est par contre un nicheur très exceptionnel.
La Gallinule poule-d’eau (Gallinula chloropus), la Foulque macroule (Fulica atra) et les Grèbes huppé (Podiceps cristatus) et castagneux (Tachybaptus ruficollis) se reproduisent également sur le site. Un couple de Grèbes jougris (Podiceps grisegena) a même construit un nid et paradait activement au printemps 1983, avant le départ des deux individus le 28 mai. Des Grèbes à cou noir (P. nigricollis) stationnent chaque année au printemps, permettant l’observation de comportements nuptiaux, qui n’aboutissent toutefois pas.
En bordure de marais et dans les semis de maïs environnants, une belle densité d’Œdicnèmes criards (Burhinus oedicnemus) est à signaler. Le Rossignol philomèle (Luscinia megarhynchos) est également commun, et un couple de Pies-grièches à tête rousse (Lanius excubitor) a tenté une reproduction en 2010. Plusieurs couples de Tadornes de Belon (Tadorna tadorna) occupent les nombreux terriers de Lapins de garenne (Oryctolagus cuniculus) sur les coteaux dominant le marais.
Le bocage, avec ses vieux frênes, est occupé par l’Alouette lulu (Lullula arborea), la Huppe fasciée (Upupa epops), le Pigeon colombin (Columba oenas), la Tourterelle des bois (Streptopelia turtur), la Chevêche d’Athéna (Athene noctua), le Milan noir (Milvus migrans), le Faucon hobereau (Falco subbuteo) et l’Élanion blanc (Elanus caeruleus) (première nidification en 2024).
Les Hérons cendré (Ardea cinerea) et gardebœufs (Bubulcus/Ardea ibis), l’Aigrette garzette (Egretta garzetta) et le Grand cormoran (Phalacrocoax carbo) ont établi plusieurs colonies au sein des saulaies du marais, et la Spatule blanche (Platalea leucorodia) se reproduit au sein de ces héronnières depuis 2021. Devenu de plus en plus régulier, l’ibis falcinelle (Plegadis falcinellus) pourrait aussi s’installer à moyen terme, sa population nicheuse étant désormais importante ailleurs dans le département. Le Crabier chevelu (Ardeola ralloides) n’a par contre été observé qu’à une seule reprise.
L’observation du Balbuzard pêcheur (Pandion haliaetus) est quasiment assurée du 25 mars au 20 avril environ, avec jusqu’à trois individus pouvant être présents simultanément, et une tentative de reproduction non aboutie d’un couple a été notée en 2007 sur un pylône électrique (ébauche de nid) : l’expansion naturelle de l’espèce le long de la Loire angevine laisse espérer une reproduction prochaine non loin du marais.
Le Busard cendré (Circus pygargus), nicheur irrégulier dans les environs, peut être observé occasionnellement.
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De nombreux canards et limicoles dès la fin de l’hiver et au printemps
Fuligule à bec cerclé (Aythya collaris) femelle et Fuligules morillons (A. fuligula) mâles dans le marais de Grée (Loire-Atlantique) en mars 2015 (cliquez sur la photo pour l’agrandir). |
Dès la fin du mois de février, l’arrêt de la chasse permet l’accueil de nombreuses espèces ayant débuté leur migration prénuptiale, et la capacité d’accueil du marais de Grée peut alors s’exprimer pleinement. Des groupes d’Oies cendrées (Anser anser) pâturent dans les prairies humides qui répondent parfaitement aux besoins écologiques de cette espèce, et l’hivernage complet de cette espèce serait très vraisemblablement assuré sans la forte pression cynégétique.
Au début du mois de mars, les effectifs de canards culminent, avec jusqu’à 1 000 Canards souchets et 1 200 Canards pilets recensés. Plusieurs dizaines de Sarcelles d’hiver (Anas crecca) sont aussi visibles, bientôt rejointes par les premières Sarcelles d’été, le marais de Grée offrant de superbes conditions d’observation de cette migratrice transsaharienne.
De beaux effectifs de canards plongeurs sont également présents, avec jusqu’à 348 Fuligules milouins comptés en mars 2019. Les Fuligules morillons (A. fuligula) sont moins nombreux, le Fuligule nyroca (A. nyroca) a été observé à trois reprises, tandis que le Fuligule à bec cerclé (A. collaris) a été noté plus fréquemment au cours des dernières années, notamment du fait des hivernages successifs d’une femelle entre 2015 et en 2018 et de la présence d’un couple en mars 2024. En fin d’hiver, le Fuligule milouinan (A. marila) et la Nette rousse (Netta rufina) sont parfois signalés.
Le marais de Grée constitue probablement la dernière zone humide de la région des Pays de Loire, avec le lac de Grand-Lieu qui accueille encore le Garrot à œil d’or (Bucephala clangula) chaque année en fin d’hiver et au début du printemps, et notamment en mars. Autrefois beaucoup plus fréquent dans l’ouest de la France, ce canard plongeur nordique s’est en effet largement raréfié. D’autres espèces peu communes, comme l’Érismature rousse (Oxyura jamaicensis), la Macreuse noire (Melanitta fusca) et les Harles bièvre (Mergus merganser), huppé (M. serrator) et piette (Mergellus albellus), ont déjà été observées.
Lorsque la décrue s’amorce, des étendues de vasières très favorables aux limicoles se découvrent à partir de la février jusqu’à début du mois de juin (certaines années), même si leurs effectifs sont de moins en moins nombreux et stationnent moins longtemps à la fin de l’hiver. Une belle diversité peut être observée : les espèces régulières incluent les Bécasseaux variable (Calidris alpina), minute (C. minuta), cocorli (C. ferruginea), sanderling (C alba) et maubèche (C. canutus), le Combattant varié (Calidris pugnax) et les Chevaliers sylvain (Tringa glareola), gambette (T. totanus), aboyeur (T. nebularia) et arlequin (T. erythrinus), mais aussi l’Avocette élégante (Recurvirostra avosetta) et l’Échasse blanche.
De belles troupes de Barges à queue noire (Limosa limosa) animent le site dès la deuxième décade du mois de mars. D’autres espèces moins communes, comme l’Huitrier pie (Haematopus ostralegus), la Barge rousse (Limosa lapponica) et le Courlis corlieu (Numenius phaeopus), sont également notées à cette période. Le Bécasseau de Temminck (Calidris temminckii) est observé presque chaque printemps sur les zones exondées.
Les groupes de Grands (Charadrius hiaticula) et de Petits Gravelots (C. dubius) peuvent accueillir des visiteurs plus rares, comme le Gravelot à collier interrompu (Anarhynchus alexandrinus), voire un visiteur exceptionnel : un Gravelot pâtre (A. pecuarius) a ainsi été observé du 26 mars au 4 avril 2000, ce qui constitue l’unique donnée française et la première observation européenne de ce petit échassier africain.
Vautour fauve (Gyps fulvus) immature au-dessus du marais de Grée (Loire-Atlantique) le 12 juin 2010 (cliquez sur la photo pour l’agrandir). |
Au printemps, les passages de la Mouette pygmée (Hydrocoloeus minutus) et de la Guifette noire (Chlidonias niger) sont quasiment annuels, avec des effectifs pouvant atteindre une dizaine d’individus. Il est également possible d’observer à cette période la Guifette moustac (Chlidonias hybridus), dont une petite colonie de quatre couples (nids et pontes observées) s’était installée en 1999, mais la gestion brutale du niveau d’eau et une séance de ball-trap lui ont fait déserter le site. La Guifette leucoptère (C. leucopterus) n’a été notée qu’une fois, en mai 2017.
Il est toujours intéressant de détailler les rassemblements de laridés lors du passage prénuptial, car la Sterne caspienne (Hydroprogne caspia) est annuelle en avril (le marais de Grée est même le site le plus régulier de Loire-Atlantique pour cette espèce), et la Sterne hansel (Gelochelidon nilotica) a été observée à deux reprises, en mars et en mai.
La Sterne pierregarin (Sterna hirundo) est assez commune, des comportements nuptiaux étant parfois notés sur les toits des huttes de chasse qui ponctuent le marais. Nicheuse sur des bancs de sable de Loire à Varades et à Montrelais, à moins de deux kilomètres du marais, la Sterne naine (Sternula albifrons) est essentiellement repérée en mai et en juin, son passage étant plus marqué lorsque le niveau du fleuve est haut.
Des surprises sont toujours possibles au printemps, comme le montre l’observation d’un Vautour fauve (Gyps fulvus) immature le 12 juin 2010 (lire Comment expliquer les mouvements printaniers de vautours dans le nord et l’ouest de l’Europe ?).
Un passage automnal intéressant également
Pouillot à grands sourcils (Phylloscopus inornatus) dans le marais de Grée (Loire-Atlantique) le 1er octobre 2015 (cliquez sur la photo pour l’agrandir). |
Dès la fin du mois de juillet, la végétation qui borde les canaux qui parcourent le marais de Grée accueille les premiers migrateurs, dont la Gorgebleue à miroir (Luscinia svecica), le Râle d’eau (Rallus aquaticus) et la Bécassine des marais (Gallinago gallinago).
Le Phragmite aquatique (Acrocephalus paludicola) exploite probablement les roselières basses du site durant sa halte migratoire postnuptiale, bien qu’il n’ait jamais été observé et qu’aucune opération de baguage n’ait été réalisée. Une étude récente menée par la LPO Loire-Atlantique précise que 13 hectares de roselières basses et de prairies humides seraient favorables à cette espèce, ce qui témoigne de l’intérêt majeur du marais pour ce passereau nicheur rare et menacé.
En août, des rassemblements de Vanneaux huppés, de Spatules blanches (Platalea leucorodia) et d’ardéidés, dont le Héron pourpré (Ardea purpurea) et le Bihoreau gris (Nycticorax nycticorax), sont observés.
La Cigogne noire (Ciconia nigra), qui niche dans la vallée de la Loire, est observée en fin d’été (maximum de cinq oiseaux simultanément), lorsque le niveau d’eau est au plus bas. Le seul individu marqué contrôlé sur le site avait été bagué dans le département de la Nièvre. Précisons que les données printanières, qui concernent des immatures, sont aussi de plus en plus fréquentes.
En automne, plusieurs espèces de limicoles, dont le Bécasseau cocorli, peuvent être observées, leurs effectifs dépendant toutefois du niveau d’eau; en particulier, des milliers de Vanneaux huppés et de Pluviers dorés (Pluvialis apricaria) sont présents dès le mois de novembre.
Ces rassemblements attirent des rapaces dès la fin de l’été, comme le Faucon pèlerin (Falco peregrinus) et le Busard des roseaux (Circus aeruginosus).
La Grue cendrée (Grus grus) est vue presque chaque année, essentiellement en novembre, le marais étant sa seule halte régulière en Loire-Atlantique.
Les saulaies qui bordent le marais peuvent accueillir des passereaux rares, comme un Pouillot à grands sourcils (Phylloscopus inornatus) observé le 1er octobre 2015.
Un ancien important dortoir hivernal de laridés
Goéland à ailes blanches (L. glaucoides) de premier hiver parmi des Goélands argentés (L. argentatus), marins (L. marinus) et pontique (L. cachinnans) (un oiseau de 1er hiver) dans le marais de Grée le 4 mars 2015 (cliquez sur la photo pour l’agrandir). |
En période hivernale, un important dortoir de laridés se forme dans le marais, mais sa taille a diminué depuis la récente fermeture du Centre d’Enfouissement Technique de la Coutume, situé à 4 kilomètres. Cette décharge accueillait en effet plusieurs milliers de goélands, qui utilisaient le marais comme pré-dortoir et dortoir (lire Les pré-dortoirs, dortoirs et post-dortoirs chez les oiseaux). Les Goélands à ailes blanches (Larus glaucoides), bourgmestre (L. hyperboreus) et pontique (L. cachinnans) étaient régulièrement observés parmi les espèces plus communes, comme les Goélands argenté (L. argentatus) et brun (L. fuscus) : l’afflux de laridés néarctiques de 2009 avait, par exemple, permis l’observation d’un Goéland bourgmestre et de deux à trois Goélands à ailes blanches. Le Goéland marin (L. marinus) est désormais fréquemment noté, l’espèce nichant depuis quelques années le long de la Loire angevine, tandis que la Mouette tridactyle (Rissa tridactyla) n’a été observée qu’une fois en janvier 1984, après un fort coup de vent venant de l’océan Atlantique (lire La tempête du 24 janvier 2009 a poussé des Mouettes tridactyles loin à l’intérieur des terres). La grande zone industrielle et commerciale qui borde à l’ouest le marais accueille encore quelques dizaines de goélands, qui dorment parfois sur les toits.
L’hiver est aussi la saison des anatidés : ils arrivent dans le marais dès le mois de décembre, lorsqu’il est inondé. Le site est reconnu notamment pour l’importance de sa population hivernante de Canards siffleurs (Mareca penelope), qui peut atteindre 1 400 individus. Le Canard à front blanc (M. americana) a été observé à deux reprises (en avril 2017 et en mars 2025) au sein de ces grandes troupes.
L’Oie rieuse (Anser albifrons), qui était régulièrement observée jusqu’en 2013, semble se raréfier, une tendance à mettre en relation avec la diminution de ses effectifs hivernants dans l’estuaire de la Loire et dans la baie de l’Aiguillon (Vendée) (lire La réserve naturelle de la baie de l’Aiguillon : slikke, schorre et oiseaux).
Canard à front blanc (Mareca americana) mâle adulte dans le marais de Grée en mars 2025 (cliquez sur la photo pour l’agrandir). |
Les Bernaches cravant (Branta bernicla) et nonnette (B. leucopsis) sont parfois observées en petit nombre.
Les vastes prairies humides inondables du marais de Grée accueillent d’importants effectifs de Cygnes tuberculés (Cygnus olor), pouvant atteindre une centaine d’individus.
Le Cygne de Bewick (C. columbianus bewickii) était régulièrement observé lors des vagues de froid jusqu’au milieu des années 1990, la dernière mention remontant à janvier 2012. L’espèce hivernait autrefois chaque année dans la région, notamment dans les proches basses vallées angevines (Maine-et-Loire) (lire Louis-Marie Préau et le livre « Basses Vallées Angevines, nature discrète et sauvage ») et dans le marais de Sougéal (Ille-et-Vilaine).
Le Cygne chanteur (Cygnus cygnus), bien que très rare, est plus régulier : il a ainsi été observé aux printemps 2021 et 2022 (lire La remarquable progression européenne du Cygne chanteur).
Le Cygne noir (C. atratus) est assez fréquent, une importante population nicheuse de cette espèce férale originaire d’Australie étant présente en Loire-Atlantique, essentiellement sur le lac de Grand-Lieu.
Un à deux Faucons pèlerins et des Faucons émerillons (Falco columbarius) fréquentent enfin le marais en hiver.
Une vidéo d’un Canard à front blanc dans le marais de Grée en avril 2017
Canard à front blanc (Mareca americana) parmi les Canards siffleurs (M. penelope) dans le marais de Grée (Loire-Atlantique) en avril 2017.
Source : Hugo Touzé
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Compléments
À lire sur le Web
- La page consacrée au marais de Grée sur le site web du département de Loire-Atlantique : www.loire-atlantique.fr
- La page de la LPO Loire-Atlantique : www.lpo.fr
- Le site web de l’association Vair Environnement : www.vair-environnement.fr
Ouvrages recommandés
- Le guide ornitho de L. Svensson et al
- Estuaire – Monumentale nature d’Erwan Balança et Franck Latraube
- Le Petit Futé Loire-Atlantique de Dominique Auzias et Jean-Paul Labourdette
- Loire-Atlantique : Le guide des plus beaux sites en 58 balades et randonnées de Paul-André Coumes
- Loire-Atlantique, Vendée : 1/150 000 de Michelin
- Guide des oiseaux de Bretagne et de Loire-Atlantique de Serge Nicolle, Bruno Dubrac, Hervé Michel
Sources
- R. Batard et F. Laigneau (2020). Cartographie des habitats du Phragmite aquatique (Acrocephalus paludicola) du marais de Grée – Août 2020. LPO Loire-Atlantique, 15 pages.
- P. Berthelot, P. Dupont, B. Recorbet, J. le Bail, M. Pied et O. Ganne (2014). Rapport ZNIEFF marais de Grée et marais de Méron et leurs abords. INPN. ZNIEFF 520014631 – Vasière de Méan. Muséum d’histoire naturelle, Nantes. 11 pages. inpn.mnhn.fr
- P. Charrier (2000). Entre Anjou et Pays Nantais, interventions humaines et transformations hydro-morphologiques en Loire armoricaine (1750-1960). Annales de géographie. Tome : 109. Numéro : 612. Pages : 115-131.
- CORELA (Conservatoire Régional des rives de la Loire et de ses Affluents) (2004). La vallée de la Loire de Nantes aux Ponts-de-Cé et ses annexes, document d’objectifs Natura 2000. 114 pages.
- Z. Gazowski (1994). L’enfoncement du lit de la Loire, Revue de géographie de Lyon. Volume : 69. Numéro : 1. Pages : 41-45.
- GIP Loire-estuaire (2008). La Loire des Ponts-de-Cé à Nantes : le relèvement de la ligne d’eau d’étiage, Plan Loire Grandeur Nature 2007-2013, 15 pages.
- J. Le Bail (2010). Migration, nidification et hivernage des limicoles en vallée de la Loire entre le Fresne sur Loire et Nantes, Spatule, no 13, 42 p.
- R. Kerguillec (2016). Cahiers Nantais [En ligne], 1 | 2016, mis en ligne le 05 mars 2021 « Du déclin d’une zone humide à sa reconnaissance patrimoniale : l’évolution récente du marais de Grée (Loire-Atlantique) ». cahiers-nantais.fr
- B. Recorbet (1993). Présence prolongée de la Marouette de Baillon Porzana pusilla sur un marais de Loire-Atlantique. Alauda. Volume : 61. Numéro : 2. Pages : 119-120.
- B. Recorbet (1995). Avifaune des marais de Grée, Val Ancenis Nature / D.R.A.E des Pays de la Loire, Nantes. 204 pages.
- H. Touzé, L. Gouret et V. Gouret (2018). Regard contemporain sur les populations de Triton ponctué Lissotriton vulgaris en Loire-Atlantique. Rencontres des Naturalistes et Gestionnaires des Pays de la Loire des 15, 16, 17 et 18 novembre 2018
- Y. Trévoux (2000). Première mention française du Gravelot pâtre Charadrius pecuarius. Ornithos. Volume : 9-1 : 44-45.



















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