Présentation du Courvite isabelle (Cursorius cursor)

Courvite isabelle (Cursorius cursor)

Courvite isabelle (Cursorius cursor) de première année près de la bergerie du petit Abondoux, dans la plaine de la Crau (Bouches-du-Rhône), le 24 août 2025.
Photographie : Robin Rolland

Longueur : 24 à 27 cm.

Description : limicole unique, au plumage entièrement de couleur sable et aux pattes pâles. Il est assez semblable aux pluviers par la forme générale et ses habitudes, mais les pattes beige-gris sont plus longues et le bec est arqué. Sourcils blancs très nets, dessus de la tête gris-bleu. Le juvénile a la tête moins nettement marquée, et le plumage est diffusément tacheté de sombre dessus (manteau et ailes).
Le dessous des ailes et la main sont noirs, contrastant nettement avec le reste du plumage de couleur sable. Il court fréquemment (avec la tête levée), puis s’arrête brusquement.

Voix : il émet généralement des cris graves, légèrement nasillards (« couit »), aussi bien en vol que posé. 

Biologie : il niche dans les terrains plats, nus et secs où il peut aisément courir. Il creuse une simple dépression, dans laquelle il pond deux œufs (rarement trois) incubés par les deux parents. Les poussins sont nidifuges . Il se nourrit principalement d’insectes. Il forme parfois de grandes bandes. Il est sédentaire ou migrateur partiel selon la sous-espèce. 

Aire de répartition et taxonomie

Le Courvite isabelle niche dans les îles Canaries et du Cap-Vert, en Afrique du Nord, au Moyen-Orient, au nord-ouest de l’Inde et en Asie Centrale (nord de l’Iran, de l’Afghanistan, et Turkménistan). Au Moyen-Orient, il se reproduit en Syrie, en Israël, en Irak et dans le sud-est de la Turquie. Dans ce dernier pays, sa nidification a été découverte en 2022 en Anatolie, ce qui pourrait suggérer une expansion vers l’Ouest (lire Le Courvite isabelle pourrait être en expansion vers l’ouest de la Turquie). 
Cinq sous-espèces sont officiellement reconnues :

  • C. c. cursor : niche sur les îles Canaries, en Afrique du Nord, dans la péninsule Arabique et sur l’île de Socotra (Yémen) et hiverne au nord du Kenya et en Somalie.
  • C. c. bogolubovi : niche en Turquie jusqu’en Iran, en Afghanistan, au sud du Pakistan et au nord-ouest de l’Inde.
  • C. c. exsul : endémique des îles du Cap-Vert.
  • C. c. somalensis : niche en Érythrée, en Éthiopie et en Somalie.
  • C. c. littoralis : niche au sud-est du Soudan, au Kenya et en Somalie.

Une espèce désertique capable d’effectuer de grands mouvements en automne

Répartition du Courvite isabelle en Afrique et au Moyen-Orient

Répartition du Courvite isabelle (Cursorius cursor) en Afrique et au Moyen-Orient : en violet, les zones où il est sédentaire, en jaune les zones où il n’est présent qu’au printemps et en bleu, les zones d’hivernage.
Carte : Ornithomedia.com

Si la sous-espèce C. c. exsul du Cap-Vert est sédentaire, la sous-espèce nominale C. c. cursor est migratrice. Elle quitte ses sites de nidification entre août et octobre et hiverne au sud du Sahara (du Sahel au Kenya) et au Moyen-Orient, par exemple en Israël (lire Observer les oiseaux dans le nord-ouest du Néguev). Elle est rare au nord du Sahara en hiver, toutefois des cas de reproduction en automne ou en hiver ne seraient pas exceptionnels lors de pluies favorables, comme au Maroc, dans l’archipel des Canaries ou sur l’île de Socotra (Yémen). 
La sous-espèce C. c. littoralis séjourne au Kenya de septembre à mai, tandis que la sous-espèce C. c. bogolubovi hiverne d’août à avril en troupes lâches au Pakistan et dans le nord-ouest de l’Inde.
Les mouvements de retour de la sous-espèce nominale vers ses sites de migration du nord du Sahara ont lieu surtout en mars et en avril, parfois jusqu’en juin : ainsi, près de 1 000 oiseaux ont déjà été comptés en mars sur un front de quelques kilomètres en Tunisie, et des troupes de plusieurs dizaines d’oiseaux ont été vues en Égypte en mai. Les nicheurs arrivent en Jordanie au début du mois de mars.

Une espèce accidentelle en Europe, en dehors de l’Espagne 

L’espèce est occasionnelle et rarissime en Europe, mais un groupe de dix oiseaux a été observé aux Pays-Bas en septembre 1969. Il y a 31 données en Grande-Bretagne jusqu’en septembre 1996, et un individu a été noté à Saint-Martins, sur les îles Scilly en septembre et en octobre 2004 (lire Les îles Scilly ou Sorlingues, l’archipel aux oiseaux accidentels rares).
Elle a toutefois principalement été notée dans le sud de l’Europe : en France, en Grèce, en Italie, au Portugal (six observations jusqu’en 2007), à Malte et surtout en Espagne.
Selon le site web du Comité d’Homologation National, dix données ont été homologuées en France entre 1981 et 2017, avec des pics au printemps  (avril) et à la fin de l’été (septembre). D’autres observations ont été faites depuis (voir notre sélection d’observations récentes en France). 

Une espèce nicheuse régulière sur les îles Canaries et occasionnelle en Espagne continentale

Le Courvite isabelle se reproduit sur les îles Canaries, principalement sur Lanzarote et Fuerteventura (lire Observer les oiseaux sur l’île de Fuerteventura), et dans une moindre mesure sur La Graciosa, la Grande Canarie et à Tenerife. La population de l’archipel serait comprise 625 et 1 675 individus (en 2012) et serait en déclin : elle serait inférieure à 1 000 individus actuellement. 
Plus d’une trentaine d’observations ont été effectuées en Espagne continentale depuis 1870, avec une augmentation progressive depuis le début des années 2000. L’espèce a même niché dans les communautés autonomes de Castille-La Manche et d’Andalousie en 2001, en 2012 et en 2017 (lire Le Courvite isabelle a de nouveau niché en Espagne continentale en 2017).

Observation d’un Courvite isabelle dans la plaine de la Crau en août 2025

Situation de la plaine de la Crau (Bouches-du-Rhône)

Situation de la plaine de la Crau (Bouches-du-Rhône).
Carte : Ornithomedia.com

La découverte le 23 août 2025 d’un Courvite isabelle de première année (présence de vagues motifs sombres sur le dessus) près de la bergerie du Petit Abondoux, dans le centre de la Crau (lire Une carte des bons sites d’observation dans le cœur de la Crau à télécharger) a été annoncée sur le site web Faune-france.org. L’oiseau était encore présent le 27 août au moins. La faune et la flore du secteur étant sensibles aux dérangements, les observateurs sont priés de rester sur les pistes. 
Il a été trouvé dans une troupe de Pluviers guignards (Eudromias morinellus) (plus de 55 comptés le 26 août). Son comportement était typique : il courrait fréquemment, accélérant parfois, puis s’arrêtait brusquement. Il picorait ici et là, comme les Pluviers guignards, et il poursuivait parfois des orthoptères.
La date de découverte de cette observation est conforme au schéma général des données européennes, qui atteignent un pic à la fin de l’été. C’était d’ailleurs aussi le cas de deux données précédentes situées dans le secteur de la Crau : un oiseau le 11 septembre 2004 dans un coussoul près de la bergerie de Terme Blanc et un oiseau de première année le 3 septembre 2011 dans un champ labouré à l’est d’Eyragues, au nord du massif des Alpilles (lire Deux Courvites isabelle en 2004 et en 2011 dans les Bouches-du-Rhône).  

Comment expliquer les observations de Courvites isabelle dans la plaine de la Crau ?

La plaine de la Crau (Bouches-du-Rhône) ressemble au biotope de nidification du Courvite isabelle et constitue donc un site idéal pour y faire une halte. Outre les observations d’août 2025, de septembre 2004 et de septembre 2011, l’espèce y avait déjà été observée le 3 avril 1989, et un visiteur nous a signalé qu’un oiseau avait été tué à Saint-Martin-de-Crau au début des années 1980.
La sous-espèce nominale, dont l’aire de nidification est la plus proche de l’Europe, niche au nord du Sahara et hiverne normalement au sud de ce dernier après avoir quitté ses sites de reproduction entre août et octobre. L’oiseau observé dans la Crau en août 2025 se serait donc dirigé dans la mauvaise direction, ce qui pourrait s’expliquer par son manque d’expérience : en effet, comme celui du 11 septembre 2004, il s’agit d’un individu de premier hiver. Il pourrait aussi s’agir d’un cas de migration inverse, causée par un dysfonctionnement de son « compas magnétique interne » (lire Comment arrivent les oiseaux rares ?). Il pourrait par ailleurs également avoir été dévié de sa voie migratoire par des conditions météorologiques particulières (vents forts ?), même si aucun élément précis ne semble plaider en faveur de cette explication.

Couloirs de migration (marron) et zones d'hivernage (bleu) du Pluvier guignard

Couloirs de migration (en marron) et zones d’hivernage (en bleu) du Pluvier guignard (Eudromias morinellus) dans le sud de l’Europe.
Carte : Ornithomedia.com

La canicule qui a frappé le sud de l’Europe et le nord de l’Afrique durant l’été 2025, a-t-elle pu jouer un rôle, en poussant des oiseaux originaires de zones semi-désertiques à explorer de nouveaux secteurs plus accueillants et plus riches en insectes vers le nord, comme cela est observé par exemple chez le Rollier d’Europe (Coracias garrulus), dont des jeunes de l’année s’éparpillent dans des départements non méditerranéens à la fin de l’été (lire La croissance de la population française de rolliers, une exception en Europe). 
Le Courvite isabelle trouvé le 23 août 2025 dans la Crau, comme celui découvert le 11 septembre 2004, accompagnait des Pluviers guignards. Le 22 septembre 1991, un individu observé à Esparragosa de Lares, dans la province de Badajoz, en Estrémadure (Espagne), avait aussi été vu en compagnie de Pluviers guignards. Cette dernière espèce niche dans le nord de l’Europe, migre entre août et octobre et hiverne dans la péninsule ibérique et en Afrique du Nord, la plaine de la Crau constituant une halte postnuptiale régulière (lire Quelques conseils pour rechercher le Pluvier guignard en migration). Des Courvites isabelle auraient-ils pu suivre ces oiseaux, ou bien leur présence au sein d’une de leurs troupes ne constitue-t-elle qu’un hasard et/ou une association de circonstance, afin de profiter de leur vigilance pour détecter d’éventuels prédateurs ? 
Le Courvite isabelle a déjà niché à trois reprises au moins en Espagne, et le nombre de données dans ce pays a augmenté depuis le début du XXIe siècle : les oiseaux trouvés dans la plaine de la Crau pourraient-ils provenir de la péninsule ibérique ? Du fait du réchauffement climatique, l’espèce pourrait en effet peut-être s’établir dans le futur de façon pérenne dans le sud de l’Europe, comme c’est le cas d’autres espèces nord-africaines (lire Une population d’au moins 18 Bruants du Sahara a été recensée à Algésiras, en Andalousie, en décembre 2024).

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