L’Aigle des steppes (Aquila nipalensis)

Aigle des steppes (Aquila nipalensis) de deuxième année

Aigle des steppes (Aquila nipalensis) de deuxième année au-dessus de l’île d’Ouessant (Finistère), le 17 octobre 2025. Notez les (1) couvertures brun assez clair, (2) la bande alaire sus-alaire blanche, (3) les rémiges secondaires et primaires brun sombre bordées de blanc et (4) le croupion blanc (cliquez sur la photo pour l’agrandir).
Photographie : Grégory Picard

Longueur : 62 – 74 cm.

Envergure : 165 – 200 cm.

Description : l’Aigle des steppes est un grand rapace robuste aux longues et larges ailes rectangulaires aux extrémités profondément digitées (les extrémités des rémiges primaires sont bien distinctes et écartées quand l’oiseau plane), nettement arquées quand il est vu de face. Ses « culottes » (les plumes couvrant les tibias) sont fournies. Son bec est fort avec des narines et des commissures jaunes bien visibles, et ses pattes sont jaunes également.
Le plumage est brun foncé chez l’adulte, tandis que le juvénile et l’immature sont plus clairs et présentent des bandes claires sous les ailes.
Les ailes sont souvent tenues arquées.
Il formait autrefois une seule espèce avec l’Aigle ravisseur (Aquila rapax), qui est sédentaire en Afrique et en Asie.

Un plumage adulte atteint en quatre ans

Le plumage adulte est atteint après quatre mues annuelles (donc lors de la quatrième année), même si des adultes peuvent parfois conserver des restes du plumage immature. On peut distinguer cinq plumages :

  • le juvénile a un corps brun clair dessus et dessous, une large bande claire (= sur les grandes couvertures) sous l’aile (mais parfois absente), une barre alaire blanche au-dessus de l’aile, un bord de fuite (= arrière de l’aile) de l’aile pâle, large et régulier, un croupion pâle et pas de tache carpienne (= poignet) sombre.
  • L’oiseau de deuxième année a le corps brun moyen marqué de sombre dessus et dessous, une large bande blanc crème sous l’aile (parfois absente), une barre alaire blanche au-dessus de l’aile, un bord de fuite (= arrière de l’aile) pâle large et irrégulier, un croupion pâle, des sous-caudales blanches et pas de tache carpienne sombre.
Aigle des steppes (Aquila nipalensis) de deuxième année

Aigle des steppes (Aquila nipalensis) de deuxième année au-dessus de l’île d’Ouessant (Finistère), le 17 octobre 2025. Notez (1) le dessous brun clair mélangé de brun sombre, (2) les sous-caudales blanches, (3) la bande blanche sous-alaire et (4) les rémiges secondaires et primaires brun sombre bordées de blanc (cliquez sur la photo pour l’agrandir).
Photographie : Vassily Reach

  • L’oiseau de troisième année a le corps brun moyen légèrement marqué de sombre dessus et dessous, une large bande blanc crème sous l’aile (parfois absente), une étroite barre alaire blanche au-dessus de l’aile, un bord de fuite (arrière de l’aile) pâle étroit et irrégulier, un croupion blanc et une tache carpienne légèrement plus sombre que les petites couvertures.
  • L’oiseau de quatrième année a le corps brun assez sombre dessus et dessous, n’a pas de bande blanc crème sous l’aile (seulement quelques stries pâles), un bord de fuite sombre de l’aile, un croupion blanc strié de sombre et une tache carpienne plus sombre que les petites couvertures.
  • L’adulte a le corps brun assez sombre dessus et dessous, n’a pas de bande claire sous l’aile, présente un large bord de fuite sombre de l’aile, a un croupion sombre et une tache carpienne noirâtre.

Dans tous les plumages, les rémiges et les rectrices sont gris barré de sombre, et le menton et la gorge sont pâles. Beaucoup d’oiseaux ont une tache blanche au milieu du dos.

Voix

L’Aigle des steppes est généralement assez silencieux. Ses cris, plus graves que ceux de l’Aigle pomarin (Clanga pomarina), et surtout émis durant la parade et en cas de danger, ressemblent à des aboiements ou à des croassements.

Aire de répartition

L’Aigle des steppes se reproduit du sud-ouest de la Russie à la Mongolie en passant par les steppes kirghizes, le nord du Kazakhstan, la Transbaïkalie (Russie), l’ouest de la Mandchourie (Chine), le massif du Tien Shan (Asie centrale) et le nord du Tibet, et il hiverne en Afrique orientale et australe, dans la péninsule Arabique, dans le sous-continent indien et en Asie du Sud-est. Près de 80 % de la population mondiale nichent au Kazakhstan (lire Séjour ornithologique estival dans les steppes et la taïga du Kazakhstan) et en Ouzbékistan, et presque tous ces oiseaux survolent Israël, puis l’Azerbaïdjan (lire Besh Barmag : un très important site pour la migration des oiseaux d’Eurasie) lors de leur migration de printemps, qui débutent dès janvier-février. En automne, les oiseaux migrent principalement à partir du mois d’octobre sur un front assez large : les populations occidentales survolent la mer Caspienne puis rejoignent l’Afrique de l’est après avoir survolé Israël ou Suez ou traversé l’Arabie saoudite jusqu’au Yémen.   

Deux sous-espèces sont reconnues

Aigle des steppes (Aquila nipalensis) de deuxième année

Aigle des steppes (Aquila nipalensis)  de deuxième année au-dessus de l’île d’Ouessant (Finistère) le 17 octobre 2025 (cliquez sur la photo pour l’agrandir).
Photographie : Benjamin Luneau

Deux sous-espèces sont reconnues :

  • A. n. orientalis, qui se reproduit du sud de la Russie au lac Balkhash au Kazakhstan, localement en Turquie (lire La population turque d’Aigles des steppes serait plus importante qu’on ne le pensait)
    et peut-être jusque dans les massifs du Tien Shan et de l’Altaï. Elle hiverne dans la péninsule Arabique et dans l’est et le sud de l’Afrique.
  • A. n. nipalensis, qui se reproduit des monts Altaï et du Tibet au nord-est de la Chine. Elle hiverne dans le sud et le sud-est de l’Asie. Elle est plus grande et plus sombre.

Habitats

L’Aigle des steppes niche dans des milieux arides (steppes, semi-déserts et forêts claires sèches), en plaine ou en montagne. La sous-espèce nominale niche plutôt dans les zones montagneuses, jusqu’à 2 000 mètres d’altitude, alors que la sous-espèce orientalis se reproduit dans les plaines. Il hiverne dans des habitats variés (savanes, cultures, steppes, etc.).

Un grand chasseur de rongeurs

L’Aigle des steppes est un rapace migrateur. Les premiers oiseaux retournent dès le mois de mars dans leurs zones de reproduction. Les deux sexes arrivent à peu près en même temps. Il se nourrit presque exclusivement de rongeurs, et principalement de Spermophiles européens (Spermophilus pygmaeus), et le succès de sa reproduction est soumis aux fluctuations de ces mammifères. Il peut aussi chasser de jeunes oiseaux terrestres, des insectes (criquets) et des reptiles. Il peut capturer ses proies en marchant ou en volant, et il n’hésite pas à dérober les proies d’autres individus ou espèces.
Les couples nichent isolément les uns des autres, à au moins 500 mètres de distance. Les nids sont construits sur le sol, des rochers ou des arbres. De un à trois œufs sont pondus en avril-mai. Les petits quittent leur nid après 60 jours environ, de la fin juin au début du mois d’août.
Les oiseaux repartent dès la fin du mois d’août, et principalement en septembre.
L’Aigle des steppes n’hésite pas à manger des charognes et à fréquenter les décharges durant la migration et en hiver (lire Près de 6 700 Aigles des steppes comptés dans deux décharges d’Arabie saoudite en novembre 2019).

Une espèce en déclin et menacée

Aigle des steppes (Aquila nipalensis) de deuxième année

Aigle des steppes (Aquila nipalensis) de deuxième année au-dessus du phare du Créac’h, île d’Ouessant (Finistère), le 17 octobre 2025.
Photographie : Alexandre Crégu

Autrefois très commun, l’Aigle des steppes est aujourd’hui en déclin dans une grande partie de son aire de répartition à cause de la transformation de son habitat en cultures, des feux de steppes, des persécutions et des collisions avec les lignes électriques. Il a disparu de Roumanie, de Moldavie et d’Ukraine, et il est désormais considéré comme étant « globalement menacé » par l’Union Internationale pour la Conservation de la Nature. Le nombre d’adultes serait inférieur à 50 000, mais ce chiffre est probablement sous-estimé.

Un rapace accidentel très rare en Europe de l’Ouest

L’Aigle des steppes est un oiseau accidentel très rare en Europe, mais il a déjà été vu dans la plupart des pays du continent. En France, selon le site web du Comité d’Homologation National, huit données ont été acceptées avant 2022 :

  • un adulte à Plouaret (Côtes-d’Armor) le 4 mai 1960.
  • Un immature à Rémuzat (Drôme) le 23 mai 2001.
  • Un immature (de troisième année) dans la commune d’Arles (Bouches-du-Rhône) du 6 décembre 2004 au 31 janvier 2005.
  • Un adulte près du Mas du Petit Badon en Camargue (Bouches-du-Rhône) le 4 janvier 2006. 
  • Un immature à Chevrier (Haute-Savoie) le 2 octobre 2013.
  • Un immature (deuxième ou troisième année) à Pexiora (Aude) le 27 novembre 2017.
  • Un oiseau de deuxième année à Bailleul (Nord) le 21 mai 2020. 
  • Un oiseau de deuxième année à Vallorcine (Haute-Savoie) le 12 septembre 2021.

Par ailleurs, un oiseau de deuxième année dans la vallée de la Bresle (Seine-Maritime) en mai 2022 (lire Un Aigle des steppes découvert en Normandie en mai 2022 : une donnée remarquable qui en rappelle deux autres). 
Au moins quatre données ont été confirmées au Belgique, sept aux-Pays-Bas (lire Deux jeunes Aigles des steppes visitent la Belgique et les Pays-Bas en mai 2020), trois en Allemagne, une au Danemark et en Suède (le même oiseau vu entre novembre 2019 et juillet 2020) et une en Espagne.  

Le surprenant parcours d’un Aigle des steppes à la pointe de la Bretagne en octobre 2025

Situations de Porspoder, Plogoff et l'île d'Ouessant (Finistère)

Situations de (1) Porspoder, (2) Plogoff et (3) l’île d’Ouessant (Finistère).
Carte : Ornithomedia.com

Le 12 octobre 2025, l’observation d’un jeune Aigle des steppes au-dessus de Porspoder (Finistère) a été annoncée sur Faune-france.org. Il a été revu le 16 octobre depuis la route de la baie des Trépassés au-dessus de l’étang de Laoual, à l’ouest de Plogoff. Il s’est dirigé ensuite vers la pointe du Raz, où il est passé au-dessus du sémaphore. Il était « accompagné » par des Choucas des tours (Coloeus monedula) et des Corneilles noires (Corvus corone) et a cerclé un instant avec une Buse variable (Buteo buteo) et un Milan royal (Milvus milvus). Il a ensuite été observé au-dessus de Cléden-Cap-Sizun.
Le 17 octobre, il a été repéré au-dessus du phare du Créac’h, sur l’île d’Ouessant. Il est parti vers Yusin, suivi par un goéland, a été noté depuis Penn Kejou et s’est déplacé vers l’Est. Il a été revu depuis Ker Here, où il a cerclé à haute altitude avec un Épervier d’Europe (Accipiter nisus) à proximité de Lann Vraz durant une trentaine de minutes. Il a enfin effectué un vol battu en direction du port du Stiff et vers le continent vers 17 h, et a finalement été perdu de vue (voir les emplacements de ces lieux sur notre carte d’Ouessant à télécharger). Il a été observé le même jour à Cléden-Cap-Sizun, puis retrouvé le 22 octobre à Brignogan-Plages, donc plus à l’est.

Un oiseau de deuxième année

Aigle des steppes (Aquila nipalensis) de seconde année

Aigle des steppes (Aquila nipalensis) de deuxième année au-dessus de l’île d’Ouessant (Finistère) le 17 octobre 2025 (cliquez sur la photo pour l’agrandir).
Photographie : Grégory Picard

Cet Aigle des steppes était visiblement un immature, probablement de deuxième année, d’après les critères suivants :

  • un bord de fuite de l’aile pâle. Il est irrégulier car de nouvelles rémiges secondaires ont poussé et sont plus longues que celles du plumage juvénile de l’année dernière.
  • Une large bande claire sous l’aile, au niveau des grandes couvertures.
  • Une extrémité de la queue bordée de blanc.  
  • Un croupion blanchâtre. 
  • Un dessous du corps brun moyen marqué de sombre.

Comment un Aigle des steppes a-t-il pu arriver à l’extrémité de la Bretagne ?

L’Aigle des steppes est une espèce accidentelle rarissime en Europe de l’Ouest, ses zones de nidification, de migration et d’hivernage étant situées nettement plus à l’Est : il se reproduit en effet du sud-ouest de la Russie à la Mongolie et hiverne  en Afrique de l’Est et australe et en Asie du Sud.  
L’oiseau observé en Bretagne est un immature : or les jeunes sont davantage susceptibles que les adultes de s’aventurer loin de l’aire de répartition normale de l’espèce, du fait de leur caractère plus « aventureux » et de leur inexpérience.
En outre, cette donnée n’est pas unique à l’ouest du continent, y compris en France, même si les observations sont plutôt printanières. 

Aire de répartition de l'Aigle des steppes (Aquila nipalensis)

Aire de répartition de l’Aigle des steppes (Aquila nipalensis) et trajet possible (flèche orange) suivi par l’oiseau découvert dans le Finistère en octobre 2025 (en rouge, la zone de nidification au printemps, en jaune, les zones survolées durant les migrations et en bleu, la zone d’hivernage).
Carte : Ornithomedia.com

En automne, les Aigles des steppes ayant niché dans le sud-ouest de la Russie (ce qui correspond à la population la plus occidentale) migrent à partir du mois d’octobre (principalement) sur un front assez large : ils survolent en effet la mer Caspienne, puis rejoignent l’Afrique de l’Est après avoir survolé Israël ou le canal de Suez ou traversé l’Arabie saoudite jusqu’au Yémen. Il est donc possible que l’immature observé en Bretagne en octobre 2025 soit passé par la Turquie en septembre ou au début du mois d’octobre, mais qu’au lieu ensuite de se diriger vers Israël, il ait bifurqué vers l’ouest pour une raison inconnue, traversant alors peut-être le détroit de Bosphore, un point de passage très important pour des centaines de milliers de rapaces en migration (lire Observer la migration le long du détroit du Bosphore). Il aurait ensuite poursuivi son trajet vers l’ouest jusqu’à atteindre une barrière géographique : le littoral du Finistère.
La majorité des observations ouest-européennes d’Aigles des steppes étant printanières et correspondant à des cas de dépassements printaniers d’aire de répartition (« spring overshooting ») (lire Comment arrivent les oiseaux rares ?), l’oiseau observé en Bretagne pourrait aussi éventuellement être arrivé au printemps 2025 en Europe de l’Ouest et n’avoir été repéré qu’en automne; toutefois, n’étant ni bagué ni équipé d’une balise, il est impossible d’avoir des certitudes concernant son parcours depuis les sites de nidification de l’espèce. 
Enfin, une origine captive n’est peut-être pas totalement à exclure, même si aucun indice ne semble a priori plaider en faveur de cette hypothèse : en effet, des cas d’Aigles des steppes « suspects » ont déjà été signalés en Europe, comme celui d’un oiseau bagué au comportement familier observé en septembre et en octobre 2022 près d’Asten, dans le Brabant-Septentrional (Belgique).  

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