L’Hirondelle de fenêtre (Delichon urbicum) se distingue de l’Hirondelle rustique ou de cheminée (Hirundo rustica), l’autre membre de la famille des Hirundinidés le plus répandu en Europe, par sa queue plus courte et par la tache blanche bien visible sur son croupion (lire Identifier les oiseaux des jardins et des parcs au printemps et en été).

C’est un passereau migrateur, dont la population nicheuse européenne hiverne principalement en Afrique tropicale. En France, les premiers oiseaux sont de retour de leurs zones d’hivernage dès le mois de février, mais le passage prénuptial de l’espèce ne débute vraiment qu’à la fin du mois de mars et culmine, selon les régions, entre la fin du mois d’avril et le début du mois de mai. Des oiseaux nettement plus tardifs (fin mai, voire début juin) sont aussi notés dans le nord du pays.

Les mâles arrivent en premier, suivis quelques jours plus tard les femelles. Peu de temps après leur retour, ils chantent à proximité du site de nidification choisi (souvent réutilisé d’une année sur l’autre) pour trouver et séduire une partenaire (généralement la même plusieurs années de suite). Après la formation du couple ou les retrouvailles, un nid en forme de coupe fermée est construit ou restauré par les deux partenaires. Il est composé de boulettes de boue (lire Comment fournir de la boue aux hirondelles pour les aider à construire ou à réparer leurs nids ?), tapissé de matériaux (herbes, cheveux, plumes, etc.) et fixé sur une paroi rocheuse ou sur le mur d’un bâtiment (lire Un exemple réussi d’installation et d’occupation de nichoirs pour Hirondelles de fenêtre sur une maison).

Les Moineaux domestiques (Passer domesticus) utilisent occasionnellement les nids d’Hirondelles de fenêtre pour se reproduire ou passer l’hiver (lire Installer un nichoir en novembre et le transformer en abri nocturne hivernal). L’entrée de ceux-ci étant trop étroite, ils perturbent souvent leur construction avant qu’ils ne soit complètement achevés en attaquant ou en chassant le couple.

Les hirondelles ne se laissent toutefois pas toujours faire : en mars 2018, dans le village de Panagia (Chypre), deux ornithologues ont ainsi observé une réaction de défense collective impliquant un couple et d’autres membres de la colonie suite aux tentatives de deux moineaux d’empêcher l’achèvement de la construction d’un nid et de l’occuper. En quelques minutes, des « voisins », qui construisaient aussi des nids à proximité, ont aidé le couple visé à finir rapidement le leur et ont empêcher les intrus d’y pénétrer en se plaçant dedans. Dans trois autres colonies, les auteurs ont constaté que sur un total de 1 637 nids d’hirondelles, 22 avaient été usurpés, et lors d’une enquête menée au printemps 2019, 20,5 % des 478 nids d’hirondelles avaient été détruits ou occupés par des moineaux. Il existe des solutions pour diminuer le risque d’usurpation (lire Comment protéger les nichoirs pour oiseaux contre les attaques des prédateurs ?).

L’impact des moineaux sur le succès de la reproduction des Hirondelles de fenêtre peut donc être localement significatif : Schuster et al. (1983) avaient indiqué qu’ils pouvaient occuper jusqu’à 13 % des nids lors des mauvaises années, et même jusqu’à 40 % selon Müller (1987) et Piskorska (1992). Ce phénomène aurait incité certaines hirondelles à nicher à l’intérieur des bâtiments.  

Situation de Theix-Noyalo (Morbihan)

Situation de Theix-Noyalo (Morbihan).
Carte : Ornithomedia.com

Lorsque les Moineaux domestiques usurpent des nids actifs d’hirondelles, ces dernières peuvent en construire rapidement des nouveaux à la paroi plus mince. Le comportement apparemment altruiste des hirondelles de Panagia pourrait être le fait d’individus ayant des liens de parenté, peut-être des oiseaux issues de nichées des saisons précédentes (lire Les oiseaux peuvent faire preuve d’empathie et d’altruisme).

Dan ce contexte, Paul Bienvenu a fait une observation atypique sur un immeuble de Theix-Noyalo (Morbihan), sur lequel avaient été installés une dizaine de nids artificiels pour Hirondelles de fenêtre, dont au moins la moitié était occupée, y compris un par un couple de moineaux. Le 18 juin 2023, il a vu un moineau qui nourrissait toutes les trois ou cinq minutes de jeunes hirondelles en l’absences des parents naturels de ces dernières, dont au moins un revenait au nid toutes les dix minutes environ. N’étant resté que trente minutes, l’observateur n’a pas pu vérifier si les deux hirondelles adultes étaient encore en vie.

Plusieurs exemples de nourrissage interspécifique sont connus, et différentes explications ont été avancées : pour les parents adoptifs, ce serait un moyen de se perfectionner dans « l’art » d’élever des petits, surtout pour de jeunes adultes encore inexpérimentés, ou bien cela pourrait être un effet de l’instinct parental d’un ou de deux adultes ayant perdu leur propre nichée (lire Le nourrissage interspécifique : le cas d’une Sittelle torchepot et d’un Pic épeiche).

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