La construction des nids d’Hirondelles rustique et de cheminée

Hirondelle de fenêtre (Delichon urbicum)

Hirondelle de fenêtre (Delichon urbicum) construisant son nid à La Feuillie (Manche) le 20 mai 2017.
Photographie : Charlie Potier

En Europe de l’Ouest, les Hirondelles rustique (Hirundo rustica) et de fenêtre (Delichon urbicum) sont les deux espèces les plus communes et les plus répandues en ville et à la campagne, même si leurs effectifs ont fortement baissé depuis les années 1970, un déclin encore accentué à partir des années 1990.
Sur notre continent, on rencontre également l’Hirondelle de rivage (Riparia riparia),qui niche dans les berges des cours d’eau et dans les carrières, l’Hirondelle rousseline (Cecropis daurica), localisée dans les régions méditerranéennes (lire La population française d’Hirondelles rousselines est-elle nettement sous-estimée ?), ainsi que l’Hirondelle de rochers (Ptyonoprogne rupestris), qui est essentiellement montagnarde.
Ce sont deux passereaux migrateurs, qui hivernent essentiellement en Afrique. En France, les premières Hirondelles rustiques peuvent être observées dès la mi-février, mais c’est à la fin du mois de mars que débute réellement leur migration. Leur retour printanier culmine entre le 15 avril et le début de mai, puis diminue progressivement, les derniers oiseaux arrivant en juin dans le nord du pays (lire La date du retour des hirondelles au printemps a-t-elle changé depuis 30 ans ?).
L’Hirondelle de fenêtre revient généralement un peu plus tard : même si les premiers oiseaux peuvent aussi être vus dès le mois de février, son passage ne débute vraiment qu’à la fin mars et culmine, selon les régions de France, entre la fin avril et le début du mois de mai. Des oiseaux nettement plus tardifs (fin mai, voire début juin) sont notés dans le nord du pays.
Lors du printemps 2018, les hirondelles sont revenues globalement tardivement en Europe à cause d’un temps pluvieux (lire Le retard des hirondelles ce printemps pourrait être lié à la météo en Espagne).
Les mâles arrivent en premier, suivis quelques jours plus tard des femelles. Peu de temps après leur retour, ils chantent à proximité du site de nidification choisi (souvent réutilisé d’une année sur l’autre) pour trouver et séduire une partenaire (généralement la même plusieurs années de suite). Après la formation du couple ou les retrouvailles, un nid composé en grande partie de boulettes de boue est bâti ou restauré par les deux  

Hirondelles rustiques (Hirundo rustica)

Jeunes Hirondelles rustiques (Hirundo rustica) dans leur nid à Vic-la-Gardiole (Hérault) le 30 mai 2017 : notez la forme de coupe et la présence de végétaux et autres matériaux mélangés  à la boue.
Photographie : Sabine Nadal

Le nid de l’Hirondelle de fenêtre est un hémisphère presque entièrement fermé (avec seulement une petite entrée),  construit généralement à l’extérieur d’un bâtiment (façades, avant-toits, corniches, ponts, etc.), tandis que celui de l’Hirondelle rustique, qui est plus fréquente à la campagne qu’en ville, est une coupe construite dans un bâtiment largement ouvert (étables, écuries, granges, garages, ponts, etc.).
Avant que les constructions humaines ne deviennent très courantes, les Hirondelles rustique et de fenêtre nichaient fréquemment sur les parois des falaises et dans les grottes.
La construction dure entre une dizaine et une vingtaine de jours suivant les conditions météorologiques. L’accouplement a lieu une fois le nid achevé. Une seconde nidification, et donc parfois une seconde construction ou restauration du nid, est parfois notée.

La boue est une matière première parfois limitante

La boue (terre humide et de préférence argileuse) constitue la matière première des nids des Hirondelles de fenêtre et rustique. Elle est prélevée sur les bords des étangs, des flaques et des cours d’eau. En ville, les hirondelles visitent les parcs et les grands jardins après les averses ou les arrosages : à Paris, les Hirondelles de fenêtre sont par exemple souvent notées sur le Champ de Mars, dans le jardin des Tuileries, dans le parc de la Villette ou dans les jardins du Trocadéro, qui sont riches en terre battue.

Hirondelles de fenêtre (Delichon urbicum)

Hirondelles de fenêtre (Delichon urbicum) collectant de la boue sur les berges d’une rivière à La Feuillie (Manche) le 20 mai 2017.
Photographie : Charlie Potier

Les rues et les places des villes et des villages, mais aussi les cours des bâtiments agricoles, sont désormais toutes goudronnées, asphaltées ou gravillonnées, et les hirondelles doivent parfois parcourir de grandes distances pour trouver de la terre humide : une Hirondelle de fenêtre parisienne qui nichait dans la rue du Ranelagh (XVIe arrondissement) collectait par exemple de la boue sur les rives de l’Île aux Cygnes sur la Seine, à une distance de plus de 750 mètres. Les nombreux allers-retours nécessaires représentent une grande dépense d’énergie, et ces mouvements les exposent davantage aux prédateurs, comme l’Épervier d’Europe (Accipiter nisus).
Quand le printemps est sec, ce qui est de plus en plus souvent le cas, les oiseaux peuvent aussi avoir des difficultés à trouver de la boue. L’absence ou la rareté de ce matériau peuvent entraîner l’abandon du site de nidification ou la construction d’un nid trop fragile (parois trop fines), d’où des risques élevés de chutes d’œufs et de poussins. 
Sous le Pont Neuf (Paris), de jeunes Hirondelles de fenêtre inexpérimentées avaient été vues entre 2006 et 2009 s’acharnant à bâtir des nids avec du sable utilisé pour les travaux de ravalement du monument : leur échec était prévisible.

Aider les Hirondelles en leur fournissant de la boue

Bac à boue pour hirondelles

Un bac à boue pour hirondelles installé en Belgique : il s’agit d’un simple cadre posé sur une bâche. 
Photographie : Vincent Bulteau / Aves-Natagora

On peut aider les hirondelles de différentes façons : en conservant leurs nids et sites de nidification), par exemple durant un ravalement de façade (lire Favoriser l’Hirondelle de fenêtre dans la ville : l’exemple de Gembloux), en conservant l’accès à l’intérieur des bâtiments (granges, étables, etc.) pour les Hirondelles rustiques, en posant des nichoirs, en installant des planchettes sous les nids pour réduire les nuisances liées aux fientes (lire Installer des planches sous les nids d’hirondelles) ou bien en mettant à leur disposition de la boue dans les secteurs où elle est rare et/ou quand le printemps est particulièrement sec.
La méthode la plus écologique consiste à conserver, voire à creuser une mare, qui profitera à de nombreux autres animaux (lire Créer une mare favorable aux oiseaux dans son jardin). Une autre solution est d’entretenir des flaques déjà utilisées par les hirondelles en y déversant des seaux en période de sécheresse (lire Fournir de l’eau aux oiseaux toute l’année). 
On peut aussi installer un « bac à boue », qui sera assez grand mais peu profond. On peut utiliser un récipient assez grand (au moins un mètre de long ou de diamètre), par exemple une grande soucoupe de pot, une plaque en bois, en métal ou en plastique bordée de tasseaux ou de piquets de bois cloués entre eux, ou un cadre recouvert d’une bâche. Il est aussi possible de creuser une dépression rectangulaire que l’on couvrira d’une structure imperméable. L’association belge Plumalia ASBL présente sur son site web un exemple de bac à boue pliable et simple composé d’une bâche et de lattes de bois.

Dessous de pot et de jardinière

On peut aussi utiliser des dessous de grands pots et de grandes jardinières remplis de terre et d’eau.
Source : LPO Limousin

Le bac sera ensuite rempli de terre argileuse ou limoneuse sans humus ou d’un mélange de sable et d’argile. L’ensemble sera maintenu humide, sans pour autant être liquide, par des arrosages réguliers avec un tuyau ou un seau d’eau. La consistance idéale est obtenue quand il est possible de faire de petites boulettes, comme avec de la pâte à modeler.
Le bac sera placé dans un endroit calme et dégagé, loin de tout buisson qui pourrait servir d’affût aux chats et autres prédateurs. Il pourra être placé au sol, sur un toit ou une terrasse.
Il sera laissé sur place entre mars et juin, suivant son utilisation par les oiseaux.
Pour les Hirondelles rustiques, placez aussi du foin ou de la paille à proximité car elles ont besoin de végétaux pour consolider les parois de leur nid.
Pour les inciter à utiliser votre bac, vous pouvez essayer de diffuser des enregistrements de chants d’hirondelles, une technique utilisée pour favoriser la nidification d’autres espèces (lire Un CD pour attirer les martinets).
Les rassemblements d’hirondelles ainsi attirées pourront être facilement photographiées, une récompense supplémentaire pour les amoureux des oiseaux.

Votre bac à boue ne sera pas forcément utilisé par les hirondelles

Bien que ce type d’aménagement soit très utile si des hirondelles nichent à proximité, il ne sera pas forcément utilisé par celles-ci. Dans les villes de Watermael-Boitsfort et de Wezembeek-Oppem, situées près de Bruxelles (Belgique), l’association Aves-Natagora avait par exemple disposé plusieurs bacs à boue aux abords des colonies d’Hirondelles de fenêtre, dans des endroits calmes et dégagés, mais aucun n’avait été visité. Un couple a même complètement ignoré un bac placé à son intention juste devant la maison sur laquelle il bâtissait leur nid, préférant se ravitailler dans une flaque de boue située à 950 mètres, faisant ainsi de très nombreux allers-retours malgré la présence de terre humide à 30 mètres !

Un bac à boue sur le toit d'un abribus

Bruno Marchal ajoutant de l’eau dans un bac à boue placé sur le toit d’un arrêt de bus à Court-Saint-Etienne (Belgique) (cliquez sur la photo pour l’agrandir).
Photographie : Mélina Maillez

Mais cette technique peut aussi avoir de très bons résultats : un bac placé sur le toit plat de l’école Athénée Royal à Saint-Georges sur Meuse (Belgique) a permis de « redynamiser » en une seule saison une colonie moribonde : les hirondelles l’ont immédiatement adopté pour s’y ravitailler et reconstruire de nombreux nids, alors qu’aucune nouvelle construction n’avait été constatée lors des saisons précédentes.
Les facteurs expliquant l’utilisation ou non d’un bac ne sont pas très bien connus, et des études seraient utiles.

Un bac à boue sur le toit d’un arrêt de bus du village de Court-Saint-Etienne (Belgique)

Bruno Marchal, président de l’association Plumalia ASBL, a eu une initiative originale pour aider les Hirondelles de fenêtre nichant à Court-Saint-Etienne (Belgique) : à l’aide d’une échelle, il a installé un bac à boue (un simple cadre de bois recouvert d’une bâche imperméable de trois à quatre m², sur lequel a été déposé un mélange de terre argileuse et d’eau) sur le toit plat de l’arrêt de bus de la place centrale du village. Il est  rempli d’un peu d’eau chaque jour pour empêcher son évaporation qui est très rapide quand il fait chaud. Cet emplacement original a plusieurs avantages : il est assez grand, dégagé (ce qui pour faciliter les allers et venues des oiseaux), à l’abri des chats et visible des habitants, ce qui les sensibilise à la protection des hirondelles. 

D’autres espèces d’oiseaux pourront aussi profiter de la boue

D’autres oiseaux utilisent aussi de la boue pour construire leur nid et pourront éventuellement profiter de votre bac : c’est le cas par exemple de la Sittelle torchepot (Sitta europaea) et de la Bergeronnette grise (Motacilla alba).

Une vidéo d’hirondelles collectant de la boue dans un village

Voici ci-dessous une vidéo montrant des Hirondelle de fenêtre et rustiques, ainsi qu’une Bergeronnette grise, collectant de la boue devant le lavoir de Combeaufontaine (Haute-Saône)  en juin 2011 :

Hirondelles de fenêtre (Delichon urbicum), Hirondelles rustiques (Hirundo rustica) et Bergeronnette grise (Motacilla alba) collectant de la boue devant le lavoir de Combeaufontaine en Haute-Saône  en juin 2011.
Vidéo : Michel Germain