Le Bruant du Sahara (Emberiza sahari) est un petit passereau (longueur : 13–14 cm) avec une tête et une poitrine grises, des sourcils gris clair, un trait sourcilier noir, des « moustaches » sombres, et un ventre et des ailes brun rouille. Il était autrefois considéré comme conspécifique avec le Bruant striolé (E. striolata). C’est une espèce sédentaire et peu craintive, vivant volontiers à proximité des humains dans les villes et les villages et les jardins et espaces cultivés proches. Il niche dans les cavités des bâtiments et des falaises. Son aire de répartition s’étend du Maroc à l’ouest de la Libye, et de façon discontinue de la Mauritanie au nord-ouest du Tchad.

En Algérie, il est présent sur le versant méridional des zones montagneuses du nord (versant saharien de l’Aurès et ses oasis et versant sud de l’Atlas saharien), ainsi que dans le Hoggar et le Tassili. Dans les années 1970, il a étendu son aire vers le nord des massifs de l’Aurès, du Hodna, de l’Atlas Saharien, ainsi que sur les hauts-plateaux, et il a atteint le sud-ouest de Sétif. Le 23 mars 2017, lors d’une visite dans la haute Casbah d’Alger, Riadh Moulaï et al ont été attirés par les chants et les cris caractéristiques du Bruant du Sahara, et de nombreux individus ont été observés dans divers endroits de la vieille ville et dans les environs (quartiers de Soustara et de Bab Djeddid, boulevard Mohamed Taleb et alentours de la mosquée Sidi-Abderrahmane), Dans la haute Casbah, les Bruants des Sahara semblaient aussi nombreux que les Moineaux domestiques (Passer domesticus) ! La nidification de l’espèce a été confirmée le 7 avril 2017 dans les trous et les anfractuosités des vieilles bâtisses. Cette population est-elle d’origine captive ou s’agit il d’une colonisation naturelle de l’espèce ? D’après la dynamique d’expansion de l’espèce vers le nord, c’est tout à fait envisageable : d’ailleurs, de nouvelles localités ont aussi été découvertes dans la ville de Tissemsilt, au nord-ouest du pays, et dans les alentours de la ville de Bordj Bou-Arreridj, sur les hauts-plateaux du centre-est.

En Tunisie, l’expansion semble moins rapide, mais des observations récentes dans le centre du pays et à Sfax suggèrent également un développement de son aire.

Aire de nidification du Bruant du Sahara dans le Maghreb

Aire de nidification du Bruant du Sahara (Emberiza sahari) dans le Maghreb et axes de progression vers le Nord (flèches noires). La situation d’Algésiras (Andalousie), où l’espèce a niché en 2023, est également indiquée.
Carte : Ornithomedia.com d’après Manuel Schweizer et al

Au Maroc, il progresse vers le nord depuis les années 1960-1980 : il a alors commencé à coloniser les villes du littoral atlantique (Casablanca, Mohamedia et Rabat), ainsi que les localités de Fès, d’Oujda et de Berkane, à l’intérieur des terres. Au milieu des années 2000, il a atteint la ville de Tanger, sur les rives du détroit de Gibraltar , puis il a colonisé Tétouan en 2010, où sa nidification dans la médina a été notée en 2013 au moins. Depuis, il se disperse en dehors des villes, et il a été observé dans le massif montagneux du Jbel Moussa, que l’on peut voir depuis Tarifa en Espagne.

Le Bruant du Sahara a été observé en septembre 1975 et en novembre 2016 (capture) dans l’enclave espagnole de Ceuta, à l’extrémité nord du Maroc, juste en face de Gibraltar. Un mâle a été capturé en juin 1987 dans le port d’Algésiras, en Andalousie, mais son origine sauvage n’est pas entièrement certaine. En 2009, un oiseau été noté dans la ville de Tarifa, et depuis, plusieurs observations ont été faites dans cette municipalité et dans celle de Tarifa. Par ailleurs, il existe également trois données dans les municipalités de Nerja, de Frigiliana et de Fuengirola (province de Málaga), et une dans celle de Gibraltar. 

Sa nidification à Algésiras a été confirmée en septembre 2023 (lire Le Bruant du Sahara a niché pour la première fois en Europe en 2023). Étant donné sa progression vers les rivages de la Méditerranée, sa nidification sur notre continent était prévisible, à l’mage de ce qui s’est passé pour un autre passereau d’origine désertique, le Roselin githagine (Bucanetes githagineus), pour lequel le premier cas de nidification espagnol confirmé remonte à 1971, et qui est désormais bien installé dans le sud-est de l’Espagne (lire Le Roselin githagine en Espagne : un grand gagnant du réchauffement ?).  

Dans un article publié en 2025 dans la revue Birds, on apprend que lors d’un recensement effectué le 14 décembre 2024 dans la ville d’Algésiras, une équipe d’observateurs a dénombré au moins 18 individus, dont des juvéniles, dans un secteur d’environ 0,47 km². La plupart des oiseaux ont été vus dans le quartier où la première reproduction avait été découverte en 2023. 

Ce comptage a été réalisé en dehors de la saison de reproduction, mais les Bruants du Sahara ont un comportement territorial toute l’année et les mâles chantent même en hiver, ce qui facilite leur détection. Les oiseaux ont principalement été vus sur des bâtiments bas à toits plats, un habitat similaire à celui que l’espèce occupe au Maroc. Ils étaient peu craintifs, comme c’est le cas en Afrique du Nord.

Bruants du Sahara (Emberiza sahari)

Bruants du Sahara (Emberiza sahari) adulte et deux juvéniles à Algésiras (Espagne) en décembre 2024.
Photographie : Antonio-Román Muñoz / Birds

L’augmentation rapide de la population en un an suggère à la fois un taux élevé de reproduction et une arrivée possible d’individus, facilitée par la faible distance séparant Algésiras de la côte marocaine. Ces oiseaux ont pu arriver en survolant le détroit de Gibraltar, dont la largeur minimum n’est que de 14 km, ou bien effectuer la traversée à bord de bateaux, des ferries effectuant des allers-retours quotidiens avec l’Afrique du Nord (lire Ces oiseaux qui voyagent sur des bateaux). Aucun élément ne suppose une origine captive, alors que l’arrivée naturelle d’un oiseau en Isère en décembre 2023 était plus surprenante (lire Un cadeau de Noël inattendu : découverte d’un Bruant du Sahara à Fontaine (Isère) le 25 décembre 2023).

L’observation de juvéniles en plumage frais en décembre 2024 suggère que l’espèce pourrait aussi se reproduire en automne, une longue période de nidification qui pourrait constituer un avantage dans son processus d’installation. En quelques années, le Bruant de Sahara est devenue une espèce commune dans d’autres villes côtières, comme Ceuta (Espagne) et Fnideq (Maroc), et cela pourrait aussi être le cas à Algésiras dans un avenir proche : ce port pourrait alors servir de source pour coloniser des villes espagnoles voisines, comme Los Barrios, San Roque, Gibraltar ou La Línea (lire Séjour ornithologique dans le parc naturel du détroit de Gibraltar en octobre 2017).

Bien que la présence de ce passereau africain dans le sud de l’Espagne ne pose pas actuellement de problème écologique, ses interactions avec l’avifaune locale nécessiteraient des études plus approfondies étalées sur plusieurs années. En particulier, il pourrait entrer en compétition avec le Moineau domestique (Passer domesticus) dans les zones urbaines, et son aire de répartition pourrait toucher celle du Bruant fou (Emberiza cia), même si, malgré leur proximité taxonomique, il n’existe aucune preuve d’hybridation entre ces deux espèces, probablement en raison de différences de préférences d’habitat et de phénologie de reproduction.

D’autres espèces africaines se sont récemment installées dans la péninsule ibérique, comme les Martinets des maisons (Apus affinis) et cafre (A. caffer) (lire La principale colonie espagnole de Martinets des maisons a atteint environ 50 couples), profitant entre autres des effets du réchauffement climatique sur les écosystèmes ibériques. 

Bruant du Sahara (Emberiza sahari) dans le parc naturel de los Alcornocales, dans la province de Cadix (Espagne), le 17 février 2020.
Source :: La Fauna Alrededor

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