Le Fou brun fait partie de la famille des Sulidés. Il est environ 30 % plus petit que le Fou de Bassan (Morus bassanus), avec une longueur de 64 à 74 cm et une envergure de 132 à 150 cm. L’adulte est brun-chocolat, avec le ventre blanc et le dessous des ailes blanchâtre bordé de brun. Le juvénile est brun foncé, avec peu de contraste entre la poitrine et l’abdomen teinté de brun. Son bec est grand et pointu. Ses pattes et ses doigts sont jaunes chez l’adulte et grisâtres chez le juvénile.

Fou brun (Sula leucogaster)

Fou brun (Sula leucogaster) dans la réserve naturelle des Sept-Îles (Côtes-d’Armor) le 18 juillet 2023 (cliquez sur la photo pour l’agrandir).
Photographie : Maude Lerenard

Il se reproduit sur des îles rocheuses et atolls coralliens dans les océans Atlantique, Pacifique et Indien, et quatre sous-espèces sont reconnues :

  • S. l. leucogaster : îles au sud du golfe du Mexique, des Antilles et de l’Atlantique tropical
  • S. l. plotus : mer Rouge et océan Indien tropical de l’est de l’Afrique au nord de l’Australie et au centre de l’océan Pacifique (lire Philippe Borsa nous dresse le bilan de l’avifaune des atolls Chesterfield-Bampton et d’Entrecasteaux).
  • S. l. brewsteri : extrémité orientale de l’océan Pacifique (îles du golfe de Californie, îles de Tres Marías et de Clipperton, et peut-être ailleurs).
  • S. l. etesiaca : côtes du Pacifique de l’Amérique centrale et du nord de l’Amérique du Sud (jusqu’au sud de la Colombie).

En Europe, c’est un oiseau accidentel rare, qui a déjà été observé notamment au Portugal, en Italie, en France, en Grande-Bretagne (lire Trois Fous bruns dans les eaux françaises et anglaises durant l’été 2019) et même en Suède. C’est toutefois en Espagne que les données sont les plus nombreuses : huit entre 1983 et 2011, et au moins six entre 2016 et 2022, principalement le long de la côte Atlantique nord, et particulièrement depuis le cap de la Estace de Bares en Galice (lire Le cap de la Estaca de Bares, l’un des meilleurs sites européens de suivi du passage des oiseaux marins).
Un oiseau a séjourné quelques jours en mars 2022 à la frontière franco-espagnole (lire Un Fou brun observé en mars 2022 dans les eaux basques, à la frontière franco-espagnole).

Situation de la réserve naturelle des Sept-Îles (Côtes-d'Armor)

Situation de la réserve naturelle des Sept-Îles (Côtes-d’Armor).
Carte : Ornithomedia.com 

La réserve naturelle des Sept-Îles est située dans département des Côtes-d’Armor, à 4 km au large de Perros-Guirec (lire Une visite printanière de la réserve naturelle des Sept-Îles). Créée en 1912 par la Ligue pour la Protection des Oiseaux (LPO) et d’une superficie de 280 hectares, dont 40 de terres toujours émergées, elle accueille notamment la seule colonie française de Fous de Bassan (Morus bassanus), qui comptait 18 967 couples en 2021, concentrés sur l’île Rouzic, un chiffre en déclin depuis plusieurs années sous l’effet conjugué du réchauffement des eaux océaniques et de la baisse de leurs ressources alimentaires. Durant l’été 2022, elle a en outre été fortement touchée par l’épizootie de grippe aviaire, avec près de 20 000 oiseaux morts et 80 % des poussins décimés (lire Comment gérer au mieux et limiter l’impact de la grippe aviaire sur les colonies d’oiseaux marins ?). Toutefois, en cette année 2023, la colonie s’est reformée partiellement, les premiers oiseaux étant arrivés le 22 février, environ un mois plus tard que lors d’une année moyenne selon Pascal Provost, le conservateur de la réserve. 

Le 18 juillet 2023, lors d’une croisière dans la réserve, Maude Lerenard a repéré et photographié un Fou brun adulte posé et faisant sa toilette sur les rochers, à proximité des Fous de Bassan. Elle a aussitôt montré ses clichés  à Romain Morinière, membre de la LPO qui a confirmé l’identification et a annoncé la présence de cette espèce tropicale aux autres passagers du navire. Il a été revu le 19 juillet au moins, mais il n’a pas été resignalé a priori par la suite sur le site web collaboratif ornitho.fr, où l’observation avait été publiée.  

Ce n’est pas la première fois qu’une espèce tropicale de fou est observée dans la réserve des Sept-Îles : le 26 juin 2017, un Fou à pieds rouges (Sula sula) immature avait été repéré en vol depuis un canot pneumatique lors d’une séance de suivi de la nidification des Fous de Bassan. Il s’est posé quelques instants au sommet de l’île Rouzic (lire Une histoire de fous : un Fou à pieds rouges visite la colonie de Fous de Bassan des Sept-Îles). Le Fou à pieds rouges est la plus petite espèce de la famille des Sulidés : il niche sur les atolls coralliens et les îles volcaniques dans les eaux tropicales des océans Atlantique, Indien et Pacifique.

Cette donnée estivale est conforme à la période classique d’observation des oiseaux tropicaux accidentels en Europe, qui est comprise entre juillet et septembre et qui correspond à leur période dispersion : après leur saison de reproduction, de nombreuses espèces pélagiques quittent en effet leurs sites de nidification à la fin de l’été et au début de l’automne.  Les Fous bruns qui ont niché s’éloignent généralement peu de leurs sites de nidification, mais les jeunes et les non-nicheurs peuvent parcourir de grandes distances en suivant différentes directions, y compris vers le Nord : les Fous bruns provenant des colonies du sud de la mer Rouge remontent ainsi vers le Nord à la fin de l’été et atteignent le golfe d’Eilat (Israël et Jordanie). 

Fou brun (Sula leucogaster)r

Fou brun (Sula leucogaster) dans la réserve naturelle des Sept-Îles (Côtes-d’Armor) le 18 juillet 2023 (cliquez sur la photo pour l’agrandir).
Photographie : Maude Lerenard

Il est difficile de déterminer l’origine de cet oiseau : il pourrait provenir des Caraïbes, mais il est plus probablement issu des colonies de Fous bruns du Cap-Vert, qui sont les plus proches géographiquement (lire Découverte de nouveaux sites de nidification du Phaéton à bec rouge et du Fou brun au Cap-Vert), où nichent environ 1 000 couples (lire Observer les oiseaux dans l’archipel du Cap-Vert). Des Fous bruns en dispersion postnuptiale sont signalés assez régulièrement au banc d’Arguin, dans le sud de la Mauritanie, et plusieurs observations ont été faites au Maroc (au moins cinq).

Les Fous de Bassan peuvent s’aventurer en hiver jusqu’au large des côtes africaines, et ce Fou brun les a peut-être suivis lors de leur retour vers leur colonie des Sept-Îles.

Des fous non nicheurs d’une espèce donnée visitent parfois les colonies d’autres espèces : par exemple, des jeunes Fous masqués (Sula dactylatra) et à pieds rouges sont vus chaque année dans la colonie de Fous bruns de l’île de Nakanokamishima (Japon) entre mars et novembre, avec un pic en juin et en juillet.

Le réchauffement climatique, en entraînant une hausse de la température des eaux de surface de l’Atlantique du Nord, de la Méditerranée et de la Manche, favorise l’arrivée, voire l’installation progressive d’organismes marins (poissons, crustacés, algues, etc.) qui étaient autrefois uniquement présents dans les zones plus chaudes. Ce phénomène favorise peut-être aussi les arrivées d’oiseaux marins tropicaux au nord de leur aire de répartition.

Enfin, on ne peut exclure qu’il se soit posé sur un bateau, ce qui l’aurait aidé à atteindre les côtes bretonnes (lire Ces oiseaux qui voyagent sur des bateaux).

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