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Comment gérer au mieux et limiter l’impact de la grippe aviaire sur les colonies d’oiseaux marins ?
Introduction
Le sous-type H5N1 du virus de la grippe aviaire de type A est hautement pathogène pour de nombreuses espèces d’oiseaux. Il a été détecté dès 1996 chez des oies en Chine continentale, puis l’année suivante à Hong Kong, où il a touché des humains et des élevages de poulets. Une vague a frappé l’Asie du Sud-est en 2004, puis s’est répandue en 2005 et en 2006 en Europe. Un autre épisode majeur a été observé en 2015 en Afrique et en Amérique du Nord. Depuis 2020 et surtout 2021, une sévère épizootie touche l’Europe de l’Ouest : en 2022, une mortalité massive a notamment été observée au sein de plusieurs colonies de Sternes caugeks (Thalasseus sandvicensis) et pierregarins (Sterna hirundo), de Fous de Bassan (Morus bassanus), de Mouettes rieuses (Chroicocephalus ridibundus), et de Guilemots de Troïl (Uria aalge), mais aussi chez le Grand Cormoran (Phalacrocorax carbo) en mer Baltique et la Spatule blanche (Platalea leucorodia) aux Pays-Bas.
Après les exemples des impacts de cette épizootie sur les colonies de plusieurs espèces sur le polder de Sébastopol en Vendée (France) en 2023 et en Allemagne en 2022, nous publions une synthèse des recommandations rédigées par les biologistes danois et allemands Thomas Bregnballe, Kristine Meise et Florian Packmor et destinées aux gestionnaires, ornithologues, bagueurs et autres publics concernés devant faire face à ces hécatombes. Elles ont été élaborées dans le cas des colonies de Sternes caugeks de la mer des Wadden, qui s’étend des Pays-Bas à l’Allemagne, mais elles peuvent être utiles pour d’autres espèces et d’autres secteurs.
Nous remercions Joëlle Quentel pour ses photos d’oiseaux touchés par la grippe aviaire prises à la fin du mois de juin 2023 sur le polder de Sébastopol, sur l’île de Noirmoutier (Vendée).
Abstract
The H5N1 subtype of the avian influenza A virus is highly pathogenic for many bird species. It was detected as early as 1996 in geese in mainland China, then the following year in Hong Kong, where it affected humans and chickens. A wave hit Southeast Asia in 2004, that spread in 2005 and 2006 to Europe. Another major episode was observed in 2015 in Africa and North America.
Since 2020 and especially 2021, a severe epizootic is affecting Western Europe: in 2022, a massive mortality was observed in several colonies of Sandwich (Thalasseus sandvicensis) and Common Terns (Sterna hirundo), Northern Gannets (Morus bassanus), Black-headed Gulls (Chroicocephalus ridibundus) and Common Guillemots (Uria aalge), but also in Great Cormorants (Phalacrocorax carbo) colonies in the Baltic Sea and Eurasian Spoonbills (Platalea leucorodia) in the Netherlands.
After the examples of the impacts of this epizootic on the colonies of several species on the Sebastopol polder in Vendée (France) in 2023 and in Germany in 2022, we propose to you a synthesis of some recommendations written by the Danish and German biologists Thomas Bregnballe, Kristine Meise and Florian Packmor and intended for managers, ornithologists, ringers and other public concerned with these disasters. They have been written for the case of the Sandwich Terns colonies of the Wadden Sea, which stretches from the Netherlands to Germany, but they can be useful for other bird species and other areas.
We would like to thank Joëlle Quentel for her photos of birds affected by avian flu taken at the end of the month of June 2023 on the polder of Sébastopol, on the island of Noirmoutier (Vendée).
L’épidémie de grippe aviaire a fortement touché la réserve du polder de Sébastopol (Vendée) en 2023
Situation du polder de Sébastopol, sur l’île de Noirmoutier (Vendée). |
Le polder de Sébastopol est situé dans la commune de Barbâtre, sur l’île de Noirmoutier (Vendée). C’est un site protégé classé en réserve naturelle régionale d’une superficie de 133 hectares. Près de 210 espèces d’oiseaux, sédentaires ou migratrices y ont été recensées. Le polder accueille notamment au printemps plusieurs milliers de couples d’oiseaux marins : Sternes caugek (Thalasseus sandvicensis) (près de 3 000 couples, l’une des plus importantes colonies de France) et pierregarin (Sterna hirundo), Mouettes rieuses (Chroicocephalus ridibundus) et mélanocéphales (Ichthyaetus melanocephalus) (près de 4 600 couples, la plus grande colonie de France). Les jeunes de cette dernière espèce sont bagués tous les ans.
Le site est connu depuis quelques années pour ses observations régulières de Sternes élégantes (Thalasseus elegans), une espèce originaire d’Amérique centrale. Des couples « purs » et mixtes avec des Sternes caugeks y ont même été notés (lire Les deux jeunes Sternes élégantes « pures » nées en Vendée en juin 2021 se portent bien).
Sur le blog MedGull Breizh Team, des ornithologues ont publié le 3 juillet 2023 un article décrivant leur visite du polder du 23 au 28 juin : ils ont vu des centaines de poussins morts de Sternes caugeks et de Mouettes mélanocéphales et rieuses, ainsi que des cadavres d’Avocettes élégantes (Recurvirostra avosetta). Ils ont précisé que le virus aurait atteint le polder vers la mi-avril 2023, probablement via une Mouette rieuse porteuse du sous-type H5N1 en provenance d’une colonie installée sur la Loire à Blois (Loire-et-Cher). Vers la mi-mai, une soixantaine de cadavres de Sternes caugeks et quelques Mouettes mélanocéphales mortes ont été trouvés.
La mortalité des poussins chez les deux espèces n’a commencé à devenir détectable que dix à quinze jours après l’éclosion, c’est-à-dire vers le 20 juin. Une semaine plu tard, la situation était devenue catastrophique, avec près de 90 % de mortalité chez les petites Sternes caugeks sur la grande lagune, les poussins de mouettes étant aussi été fortement impactés.
Dans le même article, les auteurs précisent que les informations en provenance d’autres sites de reproduction en France, comme la Camargue (Bouches-du-Rhône), étaient tout aussi alarmantes.
L’impact de la grippe aviaire sur plusieurs colonies d’oiseaux marins en Allemagne en 2022
Une mortalité massive due au sous-type H5N1 du virus A de la grippe aviaire avait été observée durant l’été 2022 en Allemagne au sein de plusieurs colonies de Sternes caugeks et pierregarins et de Mouettes rieuses, ainsi que dans la seule de Fous de Bassan (Morus bassanus) du pays, installée sur l’île d’Heligoland
Les plus grandes colonies de Sternes caugeks d’Allemagne, installées sur l’île de Minsener Oog (Basse-Saxe) et sur celle de Noorderoog (Schleswig-Holstein) ont été affectées différemment : pour la première, la mortalité des adultes s’est élevée à 31,1 %, tandis que pour la seconde, elle n’était que de 5 %.
La plus grande colonie de Sternes pierregarins d’Allemagne, installée à Neufelderkoog (Schleswig-Holstein) n’a presque pas été impactée, avec un taux de mortalité de 0,3 %, les nids étant séparés par de grandes distances, alors que celles de la Banter See et du Minsener Oog, toutes deux situées en Basse-Saxe, ont été durement touchées, avec des taux de mortalité des adultes de plus de 37 %.
Dans la colonie de Mouettes rieuses de l’île de Minsener Oog, le taux de mortalité était de 2,1 %, similaire à celui noté sur celle de Norderoog.
Dans la seule colonie allemande de Fous de Bassan, un taux de mortalité de 8,7 %, strictement basé sur les oiseaux morts comptés au sein de la colonie, a été calculé. Étant donné que plus de 400 individus ont également été trouvés morts en mer, la mortalité réelle a été probablement plus élevée, atteignant peut-être 22,5 %.
Des analyses spatio-temporelles ont suggéré que ce virus aurait pu atteindre l’Allemagne à partir des îles britanniques, tandis que les données phylogénétiques ont monté l’existence d’un lien étroit entre les virus des colonies de sternes de la partie allemande de la mer des Wadden allemande et celles de Belgique et des Pays-Bas, et qu’ils se sont ensuite propagés au Danemark et en Pologne.
Comment repérer les oiseaux infectés ?
La présence d’un nombre anormalement élevé d’individus morts et/ou apparemment malades, par exemple plus de quatre adultes, dans une colonie ou à proximité rend probable une infection par le virus de la grippe aviaire.
Le nombre de poussins morts est moins significatif car leur mortalité peut être liée à d’autres facteurs, par exemple de mauvaises conditions météorologiques.
Les symptômes des individus potentiellement malades sont les suivants :
- des yeux fermés et/ou très larmoyants.
- Une léthargie, un corps allongé et une absence de réaction.
- Un problème de coordination et une perte d’équilibre.
- Des tremblements de la tête et du corps.
- Des ailes abaissées ou des pattes traînantes.
- Une tête et/ou un cou penchés ou tordus.
Bien que les signes ci-dessus soient des indicateurs pertinents d’une infection par la grippe aviaire, la présence du virus ne pourra être confirmée que par des tests en laboratoire ou des kits de détection rapide.
Les différents modes de transmission et de propagation du virus de la grippe aviaire
Pour en savoir plus sur le virus de la grippe aviaire, vous pouvez lire notre article intitulé La grippe aviaire.
La grippe aviaire se propage à grande distance par les mouvements migratoires, les oiseaux aquatiques et marins peuvent en effet être porteurs du virus tout au long de leur trajet. Les canards de surface, comme les Canards colverts (Anas platyrhynchos), ne présentent pas de signes cliniques d’infection, mais peuvent excréter le virus pendant les épisodes d’infection, contribuant ainsi à sa propagation. En outre, il est courant que les oiseaux sociables se déplacent entre colonies durant leur période de reproduction, disséminant ainsi le virus d’un site à un autre.
Le virus de la grippe aviaire peut aussi se disséminer par contact direct entre individus d’une même espèce ou lors d’interactions avec d’autres espèces, par exemple en cas de cleptoparasitisme ou d’agressions. Des cadavres d’oiseaux ayant succombé à la maladie constituent une menace pour les oiseaux vivants évoluant à proximité.
Le virus est également transféré via des fluides corporels contaminés et lors d’interactions avec des individus malades ou morts, par exemple du fait du comportement charognard de certains oiseaux (goélands, etc.).
La grippe aviaire peut se propager indirectement par ingestion de matériel infectieux, comme de l’eau douce contaminée ou par contact avec les matières fécales d’oiseaux infectés ou d’autres objets et surfaces : par exemple, les virus de la grippe A sont connus pour rester actifs plusieurs mois dans l’eau douce à basse température, ce qui suggère que la transmission par l’eau constitue un important facteur d’infection entre oiseaux aquatiques. Un oiseau mort restant longtemps dans un bassin d’eau douce peut contaminer l’eau où plusieurs espèces se nourrissent et se baignent : de tels plans d’eau sont ainsi parfois appelés « piscines de la mort ».
Les oiseaux sauvages peuvent également transporter des virus vivants dans leur plumage.
Les humains peuvent enfin également contribuer à la propagation de la grippe aviaire, par exemple en manipulant des oiseaux infectés et en ne se nettoyant pas suffisamment par la suite, ou par transfert de matières fécales ou de plumes. On ne sait pas pendant combien de temps le virus H5N1 peut survivre dans le sol et sur les matériaux de nidification, mais il pourrait rester actif pendant plusieurs semaines s’il n’est pas exposé aux rayons UV, à des températures élevées ou à des conditions très sèches.
Le développement de l’immunité chez les oiseaux touchés
De nouvelles souches du virus de la grippe aviaire apparaissent constamment, et bien que certaines ont un faible impact, d’autres peuvent être hautement pathogènes.
On sait peu de choses sur la capacité des oiseaux à développer une immunité contre les différentes souches et sur la durée de leur protection immunitaire, mais on peut espérer qu’au moins certains adultes développent cette protection, contribuant à terme à rendre les colonies plus résilientes.
Les poussins sont probablement incapables de développer une immunité lors des premières semaines après leur éclosion, ce qui les rend très vulnérables : cela explique pourquoi dans de nombreuses colonies de Sternes caugeks de la mer de Wadden suivies en 2022, un grand nombre de poussins (et parfois presque tous) sont morts avant leur envol, même dans les colonies avec un nombre relativement faible d’adultes ayant été emportés. La transmission généralement très efficace des anticorps maternels via le vitellus (« jaune ») de l’œuf laisse toutefois espérer une meilleure immunité future des poussins (lire Les œufs des oiseaux).
Un principe essentiel : limiter les « voies d’entrée » du virus dans les colonies
Des experts en virologie réunis en colloque à Wilhelmshaven (Allemagne) en mars 2023 ont identifié les « voies d’entrée » et d’exposition au virus dans les colonies de Sternes caugeks de la mer des Wadden. Il y a toutefois encore de nombreuses inconnues dans ce domaine, et il est probable que plusieurs facteurs contribuent simultanément à la transmission. Ils ont toutefois suggéré un certain nombre de mesures à prendre pour minimiser la probabilité d’introduction du virus de la grippe A :
- le personnel devant pénétrer dans une colonie pendant la saison de reproduction devrait recevoir une formation concernant l’utilisation appropriée des équipements de protection et des désinfectants et de l’élimination ou le nettoyage des équipements usagés et potentiellement contaminés en quittant le site et en y rentrant à nouveau afin de minimiser le risque de propager le virus.
- Les sites de reproduction actifs ou potentiels de sternes et de Laridés doivent être identifiés et toutes les carcasses fraîches d’oiseaux contaminés ou suspects devraient être retirées des sites de reproduction ou enterrées profondément avant le début de la saison de reproduction et si possible régulièrement au cours de celle-ci.
- Il faut inciter les oiseaux à occuper de nouveaux sites de nidification offrant de bonnes chances de réussir leur saison de reproduction en utilisant des leurres, afin de limiter les grandes concentrations.
- La situation épidémiologique des colonies doit être surveillée en permanence par différents moyens : drones, caméras et visites physiques. L’accent doit particulièrement être mis sur les espèces les plus vulnérables, comme les Sternes caugeks et les Mouettes rieuses, mais les cas suspects touchant les autres espèces doivent être pris en compte.
- Si des oiseaux morts ou malades ont été détectés dans une colonie, au moins cinq cadavres devraient être testés pour vérifier/confirmer la présence du virus et tous les individus morts devraient être enlevés ou enfouis profondément.
Réduire le risque de transmission au sein des colonies
Les interactions entre individus de la même espèce, y compris malades ou morts, jouent un rôle clé dans la transmission du virus. Les relations avec les autres espèces jouent aussi un rôle de premier plan. Les mesures suivantes ont été identifiées pour réduire les risques de transmission au sein des colonies :
- l’enlèvement, l’élimination ou l’enfouissement profond des cadavres doivent être réalisés, idéalement dès les premiers stades de l’épidémie. La zone où chaque individu mort a été trouvé sera si possible recouverte de sel pour réduire la charge virale. Les taux de mortalité doivent être suivis temporellement pour déterminer quand ces mesures pourront être arrêtées afin de minimiser les perturbations.
- Les emplacements des oiseaux malades présentant des signes cliniques clairs de grippe aviaire doivent être notés et contrôlés pour éliminer les futures carcasses potentielles.
- Les informations sur tous les cas confirmés et potentiels de grippe aviaire à proximité des colonies doivent immédiatement être partagées entre toutes les personnes concernées.
- Dans certaines colonies, des séparations, par exemple des clôtures basses, peuvent être installées pour réduire les mouvements des poussins au sein de la colonie.
- Pendant la période de circulation active du virus, qui est déterminée par le recensement de cas au cours des trois ou quatre semaines précédentes, le nourrissage public des mouettes et des goélands, qui peuvent contribuer à la propagation du virus dans les colonies, devrait être surveillé et interdit.
- Les étangs d’eau douce situés à proximité des colonies devraient être surveillés étant donné leur rôle potentiel dans la propagation du virus. Pour cela, il est conseillé de retirer les éventuelles carcasses qui s’y trouveraient.
- Les gestionnaires (ou les autres personne concernées) des sites de nidification devraient conserver une trace de toutes leurs interventions, par exemple si des cadavres ont été retirés ou laissés sur place, car cela aidera à mieux évaluer les impacts des actions et à améliorer les orientations futures.
Visites physiques, drones et caméras
On peut surveiller les colonies par des visites physiques, mais elles peuvent causer des dérangements. Il peut ainsi être intéressant d’utiliser un drone pour déterminer si ou quand des oiseaux commencent à mourir et/ou pendant combien de temps cette phase de mortalité dure. Il est alors recommandé de recueillir des informations en filmant et en prenant des photos. Il est préférable de le faire à faible hauteur, par exemple à 15-20 mètres au-dessus de la colonie, pour réduire le risque que des cadavres dissimulés dans la végétation ne soient négligés. Les Sternes caugeks et les Mouettes rieuses couvant ne quittent normalement pas leur nid malgré le survol d’un drone à basse altitude, mais en cas de dérangement apparent, il faut bien entendu cesser immédiatement l’usage de cet équipement. L’utilisation de drones doit de toute façon suivre les réglementations en vigueur.
Il peut également être possible d’installer et d’utiliser des caméras de surveillance transmettant en continu des photos ou des vidéos vers un smartphone ou un ordinateur. Néanmoins, ces dispositifs ne couvrent couvrent que des sections restreintes. Étant donné qu’il est peu probable que les cas de mortalité soient uniformément répartis dans la zone de reproduction et que des individus malades peuvent finir par mourir en dehors de la colonie, il y a ainsi un risque de rater le début d’un épisode d’infection.
La croissance de la végétation peut rendre plus difficile l’utilisation de la télédétection pour repérer des cas tardifs d’infections : l’utilisation d’outils à infrarouges pourrait potentiellement aider à trouver des cadavres dans la végétation.
Retirer les cadavres en limitant les dérangements
Des carcasses, parfois nombreuses, peuvent joncher les colonies et leurs environs, or elles peuvent contenir une charge virale extrêmement élevée pouvant infecter les oiseaux et les autres animaux. Leur ramassage et leur élimination empêcheront ainsi d’autres individus d’entrer en contact avec le virus : cela est particulièrement vrai pour les espèces nécrophages comme les goélands et les corvidés, mais également pour les mammifères comme les renards, les loutres ou les phoques.
Une étude récente a montré que l’enlèvement précoce des carcasses de Sternes caugeks au stade précoce d’une épidémie pouvait réduire la mortalité des adultes et des poussins. Or plus elles sont fraîches, plus elles sont chargées en virus : il est donc recommandé de les enlever au fur et à mesure et le plus vite possible après la mort. La zone où l’oiseau mort a été enlevé sera idéalement recouverte de sel pour réduire la charge virale dans le sol.
Dans certaines colonies et à certaines phases du cycle de reproduction, la recherche et l’élimination des oiseaux morts peuvent augmenter l’agressivité des oiseaux et provoquer l’abandon des nids et la dispersion de ces individus, ce qui peut potentiellement augmenter le risque de propagation de la maladie à d’autres colonies. Une intervention trop tardive au cours de la saison de reproduction peut par ailleurs avoir un impact négatif sur le succès de la reproduction. Néanmoins, compte tenu de l’impact de la maladie sur la survie des oiseaux adultes, il est recommandé d’effectuer des visites régulières, en minimisant toujours les dérangements, afin d’enlever dès que possible les oiseaux morts, malgré les dérangements causés.
Les perturbations pourraient être minimisées par une surveillance à distance via l’utilisation de caméras ou de drones, permettant ainsi de mieux décider si une visite peut être reportée.
En cas d’épidémie en cours s’accompagnant d’un grand nombre d’oiseaux infectés/morts, il conviendra de décider si l’élimination des carcasses doit être interrompue pour limiter les perturbations : il faudra prendre en compte, entre autres, le fait que d’autres espèces, notamment nécrophages, risquent aussi d’être exposées.
Un exemple de protocole de comptage des cadavres
Voici un exemple de protocole de collecte des oiseaux morts :
- Comptez tous les cadavres de chaque espèce.
- Faites la distinction entre adultes et poussins (et entre les sexes si possible) lors du comptage, et essayez de déterminer l’âge de ces derniers. Pour les Sternes caugeks par exemple, des photos des poussins à différents âges (de 0 à 3 jours, de 4 à 9 jours, de 10-20 jours et de 21-30 jours) sont disponibles.
- Comptez le nombre d’oiseaux malades de toutes les espèces présentes et prenez des notes sur leur emplacement au sein de la colonie, par rapport à la côte et aux plans d’eau voisins.
- Pour chaque cadavre, indiquez s’il est fraîchement mort, décédé depuis plus d’une semaine ou s’il s’agit d’un squelette.
- Collectez les bagues et transférez les informations au centre de baguage national. Ces informations fournissent en effet des informations précieuses sur les populations d’oiseaux sauvages et sur leurs déplacements, ainsi que des informations sur les cas de mortalité.
- Sélectionnez cinq (ou plus) individus fraîchement morts dans chaque colonie pour confirmer la présence de virus et procédez à une analyse génétique. Rangez-les ensuite dans des sacs en plastique et posez dessus des étiquettes contenant des informations sur l’espèce et sur la date de collecte. Les individus fraîchement morts collectés, sur lesquels devront être effectués des analyses en laboratoire, devront être conservés au froid (entre 5 et 8° C) pendant trois à quatre jours maximum. Ce n’est que si l’analyse ne peut être effectuée qu’après plus de quatre jours que les oiseaux devront être congelés tout de suite après avoir été collectés. La congélation réduit les possibilités d’examens histologiques et bactériologiques, mais pas celle des analyses PCR.
Des précautions sanitaires à prendre : équipement et nettoyage
- Toutes les personnes entrant en contact avec des oiseaux sauvages potentiellement infectés et contaminés doivent recevoir une formation adéquate concernant les mesures de santé et de sécurité à suivre avant le début des travaux sur le terrain.
- Utilisez toujours un équipement de protection individuelle (combinaisons jetables, bottes en caoutchouc/polyuréthane ou couvre-chaussures jetables, masques FFP2, lunettes de sécurité, jetables en nitrile/vinyle/résistant et gants en caoutchouc et pas en latex).
- Nettoyez les chaussures avant et après chaque visite de colonie, et également lors des déplacements entre les sous-colonies, à l’aide d’un désinfectant. Les chaussures doivent être exemptes de substrat (terre, sable) avant d’être désinfectées. Appliquez la solution désinfectante jusqu’à ce qu’elle s’écoule ou plongez les bottes dans cette dernière. Attention à la toxicité du produit sur l’environnement.
- Conservez les oiseaux morts dans des contenants étanches.
- Détruisez ou enfouissez les oiseaux morts conformément aux réglementations des autorités compétentes.
- Réduisez le risque de transmission du virus de la grippe aviaire en utilisant des conteneurs adaptés pour transporter les vêtements, équipements et matériels de désinfection. Éliminez les matériaux potentiellement contaminés dans les ordures ménagères ou commerciales.
- Évitez d’utiliser ensuite les vêtements à d’autres fins. N’importe quel vêtement en contact avec des oiseaux morts doit être lavé après le retour du terrain.
Que faire en cas de symptôme suspect chez l’Homme ?
La transmission de la grippe aviaire à l’Homme est rare mais ne peut être exclue lorsque l’on est exposé à des oiseaux malades ou morts infectés sans protection. Il est important de surveiller tout symptôme survenant 10 à 14 jours après l’exposition : conjonctivite, fièvre avec une température ≥ 38 °C, toux ou essoufflement, diarrhée gastro-entérite, vomissements ou des douleurs abdominales. Consultez alors immédiatement un médecin si vous présentez des symptômes pouvant être liés à un contact avec des oiseaux contaminés et demandez à effectuer un test de dépistage du virus de la grippe aviaire
Il est recommandé que les personnes devant être en contact avec des colonies touchées soient vaccinées contre la grippe humaine saisonnière : cela ne constitue pas une protection contre la grippe aviaire, mais cela peut réduire le risque de co-infection par un virus de la grippe saisonnière pouvant entraîner l’émergence d’un virus grippal réassorti.
Collecter et transmettre le maximum de données
Effectuer des comparaisons entre colonies infectées peut aider à déterminer les facteurs de transmission et de contamination. Par conséquent, il est essentiel de recueillir le maximum d’informations, qui pourront ensuite être analysées. Toutefois, mettre en place un protocole de recherche peut être difficile compte tenu de la nature très variable des infections, même entre colonies de la même espèce. Les données devraient donc toujours être collectées et partagées au fur et à mesure de leur collecte.
L’échantillonnage sur des oiseaux vivants, via des prélèvements pharyngés et cloacaux, peut aider à comprendre pourquoi certaines espèces semblent plus sensibles que d’autres à certaines souches du virus A que d’autres. S’agit-il d’une immunité innée ou acquise ? Quel est le taux de survie des oiseaux avec ou sans immunité ?
Il est intéressant de faire des prises de sang d’adultes ou d’œufs pour déterminer la proportion de la prévalence des anticorps naturels donnant une indication sur la sensibilité d’une population à l’infection. Cela nécessite bien sûr d’obtenir les autorisations des autorités, de disposer de l’équipement nécessaire, d’être en contact avec des laboratoires pouvant traiter les échantillons, qui seront stockés et expédiés de façon adéquate.
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Compléments
Ouvrages recommandés
- Avian Influenza: Prevention And Control de Remco S. Schrijver (Sous la direction de) et G. Koch (Sous la direction de)
- The Monster at Our Door: The Global Threat of Avian Flu de Mike Davis
- Avian Viruses: Function and Control de Branson W. Ritchie
Sources
- Thomas Bregnballe, Kristine Meise et Florian Packmor (2023). Management guidelines – Mitigation and data collection strategies for avian influenza in bird colonies in the Wadden Sea. Common Wadden Sea Secretariat, Wilhelmshaven (Germany). www.waddensea-worldheritage.org
- MedGull Breizh Team (2023). Amer Polder : les colonies du Sébastopol décimées. Date : 03/07. medgullbreizhteam.wordpress.com
- Anne Pohlmann, Ole Stejskal, Jacqueline King, Sandra Bouwhuis, Florian Packmor, Elmar Ballstaedt, Bernd Hälterlein, Veit Hennig, Lina Stacker, Annika Graaf, Christin Hennig, Anne Günther, Yuan Liang, Charlotte Hjulsager, Martin Beer et Timm Harder (2023). Mass mortality among colony-breeding seabirds in the German Wadden Sea in 2022 due to distinct genotypes of HPAIV H5N1 clade 2.3.4.4b. Microbiology Society. www.microbiologyresearch.org
- Carnets naturalistes (2022). Réserve naturelle régionale du Polder de Sébastopol. carnets-naturalistes.over-blog.com
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