Le Grand Corbeau (Corvus corax) est le plus grand passereau au monde, avec une longueur comprise entre 52 et 69 cm et une envergure de 116 à 118 cm. Il ressemble à une Corneille noire (C. corone), mais il est nettement plus grand, son bec est plus fort, sa queue est cunéiforme et ses cris typiques sont plus rauques (lire Distinguer la Corneille noire des autres Corvidés européens sombres).

Il vit dans des habitats variés, des falaises côtières et des zones désertiques aux hautes montagnes, en passant par les forêts et parfois les zones urbaines. À partir de l’âge de quatre ans, il niche dès la fin de l’hiver sur des parois rocheuses et dans de grands arbres, utilisant parfois d’anciens nids de rapaces ou de hérons.

Son aire de répartition est très vaste, s’étendant de l’Alaska à la Sibérie orientale et à l’Asie du Sud en passant par l’Amérique du Nord, l’Europe, l’Afrique du Nord et le Moyen-Orient. Au moins huit sous-espèces sont reconnues.

Le Grand Corbeau est sédentaire et territorial et forme des couples durables. Il ne migre pas, mais en dehors de la saisons de nidification, il peut effectuer des mouvements saisonniers, qui concernent toutefois surtout les immatures, qui se rassemblent en groupes erratiques en automne et en hiver, formant des pré-dortoirs puis des dortoirs en fin de journée, qui peuvent être pérennes et fixes ou temporaires et mobiles (lire Les pré-dortoirs, dortoirs et post-dortoirs chez les oiseaux).

Situation de Mochamps (Belgique)

Situation de Mochamps (Belgique).
Carte : Ornithomedia.com

En Belgique, l’espèce avait disparu au cours du XXe siècle, mais elle a été réintroduite en Wallonie dans les années 1970 et a recommencé à nicher en 1980. Depuis, sa population n’a cessé de croître, et elle a progressivement recolonisé des territoires qu’elle occupait autrefois. Selon l’Atlas des oiseaux nicheurs de Wallonie de 2001-2007, la population wallonne était comprise entre 67 et 87 couples : ce nombre aurait décuplé depuis.

Les premières mentions d’un groupe dépassant la vingtaine d’individus remontent à l’automne 2009, dans la commune de Nassogne (Wallonie). Les observations de rassemblements de Grands Corbeaux sont ensuite devenues de plus en plus fréquentes : en mars 2016, un pré-dortoir qui a compté jusqu’à 268 individus avait ainsi été découvert près de Baillamont (Wallonie).

À la fin de l’année 2023, un impressionnant pré-dortoir a été découvert par Didier Vieuxtemps près de Mochamps, dans la forêt de Saint-Hubert (Wallonie) : le 18 décembre 2023, entre 488 à 620 individus ont été comptés au crépuscule depuis le mirador de Priesse, qui offre une belle vue sur les tourbières du Parc Naturel des deux Ourthes. (lire Observer le Tétras lyre depuis un podium dans les Ardennes belges). Ce jour-là, les oiseaux ont commencé à arriver vers 16 h pour se poser au sommet des grands hêtres. Certains étaient en couple, mais la plupart étaient probablement des immatures. Les différents groupes ont continué d’affluer jusqu’à environ 17 h. Régulièrement, les oiseaux s’envolaient tous avant de se reposer à nouveau.

Grands Corbeaux

Grands Corbeaux (Corvus corax) près de leur dortoir à Mochamps (Belgique) le 18 décembre 2023 (cliquez sur la photo pour l’agrandir).
Photographie : Marc Fasol

Ce rassemblement remarquable pourrait être lié à la présence d’une source de nourriture abondante : en effet, depuis l’automne 2023, les battues aux sangliers se sont succédées et prolongées bien plus qu’à l’accoutumée, et les chasseurs ont laissé sur place des cadavres attirant les corvidés.

Selon Harry Mardulyn, naturaliste qui étudie depuis une dizaine d’années le comportement et le langage des Grands Corbeaux près d’Houffalize (Wallonie),  un tel rassemblement serait le résultat d’un regroupement d’oiseaux venus non seulement de Belgique, mais aussi des pays voisins, confirmant ainsi le rôle social des dortoirs : pour Bernd Heinrich, auteur du livre « Mind of the Raven: Investigations and Adventures with Wolf-Birds« , ils serviraient notamment à faire des rencontres et à partager des informations sur les sources de nourriture disponibles.

Si le dortoir de Mochamps constitue un record pour la Belgique, des rassemblements crépusculaires regroupant plusieurs centaines d’oiseaux ont déjà été signalés. Par exemple, deux remarquables dortoirs, comptant respectivement 500 et 800 individus environ, avaient été suivis lors de l’hiver 2012-2013 dans le massif du Jura. Sur l’île d’Anglesey, située dans le nord du Pays de Galles (Grande-Bretagne), un dortoir existe depuis plus de 25 ans et dépasse régulièrement les 1 500 individus en hiver, ce qui en ferait le plus grand d’Europe. Mathieu Ausanneau, qui étudie un grand dortoir dans le Livradois (Puy-de-Dôme), nous a indiqué qu’un naturaliste en avait suivi un durant plusieurs années qui dépassait les 500 individus, et que dans le Cantal, deux dortoirs de 250 individus étaient installés près d’une décharge. 

Entre 1983 et 1987, jusqu’à 2 103 Grands Corbeaux adultes et juvéniles ont été comptés dans un dortoir occupant six kilomètres de lignes de transmission électriques dans le nord-ouest des États-Unis. Au total, treize dortoirs ont été recensés sur 597 km de lignes entre l’Idaho et l’Oregon. La plupart n’étaient occupés qu’entre le printemps et l’automne, mais l’un d’entre eux était utilisé toute l’année. Les oiseaux arrivaient généralement au coucher du soleil.

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