Le Grand Cormoran (Phalacrocorax carbo) mesure de 77 à 94 cm de long pour une envergure comprise entre 121 et 149 cm. C’est un oiseau pêcheur et plongeur au long cou, au long bec fort à l’extrémité crochue et aux pattes palmées. Une zone de peau nue jaune est visible à la base de la mandibule inférieure. Le plumage adulte est globalement noir avec des reflets métalliques bleu-vert (sur le cou et le ventre) et bronze (sur les ailes). Les joues et la gorge sont blanches. Durant la période de nidification, une tache blanche est visible sur la cuisse. Le juvénile est brun foncé et le dessous est blanchâtre (lire Identifier les cormorans juvéniles en Europe). Ses yeux sont vert émeraude.

Grands Cormorans continental (Phalacrocorax carbo sinensis) et atlantique (P. c. carbo)

Grands Cormorans continental (Phalacrocorax carbo sinensis) à gauche et atlantique (P. c. carbo) en plumage nuptial à Abbotsbury Swannery, dans le Dorset (Grande-Bretagne), le 12 mars 2024. Notez la taille nettement inférieure du premier, et l’étendue de blanc plus importante sur sa tête et son cou, cette différence étant toutefois assez limitée (cliquez sur la photo pour l’agrandir).
Photographie : Steve Groves / Sa page X

Son aire de répartition est très vaste, s’étendant de l’est de l’Amérique du Nord et du Groenland à l’Asie du Sud-est à l’Australie en passant par le nord-ouest de l’Afrique et l’Europe. Huit à neuf sous-espèces sont reconnues, dont trois en Europe : P. c. carbo (nominale, marine ou atlantique) le long des côtes du nord-ouest du continent (dont la France), P. c. sinensis (continentale) à l’intérieur des terres, de la France à l’Asie du Sud-est, et P. c. norvegicus, principalement le long des côtes de Norvège, mais récemment découverte en Bretagne.

Si l’identification sur le terrain des sous-espèces nominale et P. c. norvegicus est délicate (voire impossible ?), la sous-espèce continentale est plus distincte : elle est  plus petite et elle présente plus de blanc sur la couronne et sur le cou (voir  photo ci-contre). Toutefois, ce dernier critère n’est pas totalement fiable, une partie des oiseaux britanniques de la sous-espèce P. c. carbo ressemblant par exemple fortement aux individus continentaux (on estime que globalement, près de 15 % des oiseaux de la sous-espèce nominale, certainement les plus âgés, ressembleraient à ceux de la sous-espèce P. c. sinensis)

Le Grand Cormoran niche en colonies dans les arbres et sur les falaises et se disperse en automne le long des côtes et sur les plans et cours d’eau, où ils forment des dortoirs. Accusé de réduire les stocks de poissons dans les lacs et les étangs, il a fortement décliné au cours du XXe siècle, à cause principalement des campagnes de tirs et de la destruction de ses colonies. Il était ainsi devenu rare dans les années 1970, mais des mesures de protection ont été prises et ses effectifs se sont progressivement reconstitués.

Cette croissance démographique a entraîné une augmentation des effectifs de Grands Cormorans hivernant dans les pays méditerranéens et du sud-ouest de l’Europe, notamment en France, qui est devenu le principal pays d’accueil durant la mauvaise saison (plus de 115 000 individus comptés en décembre 2020), entraînant parfois des conflits avec les pisciculteurs et les pêcheurs. Des colonies de la sous-espèce continentale se sont installées dans l’hexagone, entrant en contact avec les oiseaux atlantiques, également en progression, la population totale de ces derniers restant toutefois modeste, avec moins de 2 000 couples en 2021, pour un nombre total de plus de 11 000 couples de Grands Cormorans.

Situation du lac de Grand-Lieu (Loire-Atlantique)

Situation du lac de Grand-Lieu (Loire-Atlantique).
Carte : Ornithomedia.com

Les deux sous-espèces nichent depuis les années 1980 sur le lac marécageux de Grand-Lieu (Loire-Atlantique), situé à une vingtaine de kilomètres à l’intérieur des terres (lire Observer les oiseaux du lac de Grand-Lieu), qui accueille la plus grande colonie française de Grands Cormorans : en 2018, 996 couples ont été comptés, un record de 1 379 couples ayant même été atteint en 2007.

Dans un article publié en 2022, Loïc Marion et Jérôme Le Gentil ont présenté les résultats de leur étude de la spécialisation écologique de ces deux sous-espèces qui cohabitent et s’hybrident même dans cette grande zone humide. L’origine sous-spécifique des couvées a été déterminée à l’aide d’analyses génétiques, et d’intéressantes découvertes ont été faites. Bien qu’il n’y avait pas de différences dans la taille des couvées et dans la date de ponte des deux sous-espèces, le succès moyen d’envol des jeunes était nettement plus faible (au moins 30 % plus bas) pour la sous-espèce atlantique, le résultat étant intermédiaire pour les couples mixtes. 

La sous-espèce P. c. carbo semble donc moins bien adaptée que la sous-espèce continentale aux zones humides de l’intérieur des terres durant la période de reproduction, et les auteurs suggèrent que l’expansion de P. c. sinensis empêchera probablement l’aire de nidification de P. c. carbo de s’étendre de façon significative loin des côtes.  

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