Le Cormoran pygmée (Microcarbo pygmaeus) ressemble globalement à un Grand Cormoran (Phalacrocorax carbo), mais il s’en distingue par sa taille nettement inférieure, comparable à celle d’une Foulque macroule (Fulica atra), avec laquelle il peut même être confondu si les conditions d’observation sont défavorables. Sa queue est proportionnellement plus longue que celle du Grand Cormoran, et son bec et son cou sont plus courts. L’adulte en plumage nuptial est brun sombre avec des mouchetures blanches sur la tête et le cou. En plumage internuptial, les mouchetures sont absentes et la gorge est plus pâle. Le juvénile est brun plus clair.

Cormorans pygmées (Microcarbo pygmaeus)

Cormorans pygmées (Microcarbo pygmaeus) de première année dans la réserve naturelle de la Petite Camargue Alsacienne dans le Haut-Rhin (France) le 12 août 2023 (cliquez sur la photo pour l’agrandir).
Photographie : Samuel Boulay-Miot

Il niche en groupes dans des arbres au bord des lacs et cours d’eau à l’eau peu profonde, souvent au sein de colonies mixtes de Grands Cormorans et d’échassiers (hérons, aigrettes, spatules). Il hiverne sur les plans d’eau côtiers et à l’intérieur des terres.

Son aire de répartition s’étend de l’Italie et de l’Autriche à l’Azerbaïdjan (lire Voyage ornithologique printanier en Azerbaïdjan – Première partie), l’Iran et l’Irak. Sa population mondiale, qui serait comprise entre 85 000 et 180 000 individus, dont plus de 70 % en Europe, est surtout concentrée dans quelques pays (Azerbaïdjan, Ukraine, Roumanie, Grèce, Turquie et Serbie).

Depuis les années 1980 et surtout 2000, la population de Cormorans pygmées est en forte augmentation en Europe après s’être effondrée à cause du drainage de nombreuses zones humides et de campagnes d’abattage et de destruction des colonies à la demande des pêcheurs. Il est en expansion vers l’ouest du continent : il se reproduit par exemple à nouveau en Hongrie depuis 1988, de nouvelles colonies se sont formées en Slovaquie, il recolonise progressivement les vallées du Danube et de son affluent la Tisza, il reniche sur le lac de Neusiedl (Autriche-Hongrie) depuis 2007 (lire Où observer les oiseaux dans la partie autrichienne du lac de Neusiedl ?) et il est en pleine expansion en Italie à partir de son bastion du delta du Pô, où il a commencé à nicher en 1981 (lire Le Cormoran pygmée poursuit sa progression en Italie).

Plusieurs facteurs peuvent expliquer cette augmentation : les différentes mesures de conservation prises dans la plupart des pays européens à partir des années 1970, la protection de certaines zones humides où l’espèce niche, les empoissonnements et les alevinages organisés par les pêcheurs, la création de gravières, de bassins piscicoles et de réservoirs, la diminution de la pollution chimique des eaux en Europe centrale et orientale suite à l’effondrement du Bloc de l’Est dans les années 1980, l’eutrophisation des fleuves, des rivières, des étangs et des lacs à cause des épandages agricoles de fumiers, de lisiers et d’engrais dans les champs, qui favorise des poissons appréciés par le Cormoran pygmée, le réchauffement climatique, qui contribuerait notamment à sa progression en Russie, et une vitesse de développement (croissance corporelle) et un taux de survie des jeunes plus importants que ceux du Grand Cormoran.

Cormoran pygmée (Microcarbo pygmaeus) et Fuligule nyroca (Aythya nyroca)

Cormoran pygmée (Microcarbo pygmaeus) et Fuligule nyroca (Aythya nyroca) dans la réserve naturelle de la Petite Camargue Alsacienne dans le Haut-Rhin (France) le 12 août 2023 : un ambiance très orientale (cliquez sur la photo pour l’agrandir).
Photographie : Samuel Boulay-Miot

En France, le Cormoran pygmée est un oiseau non nicheur et rare, mais le nombre d’observations est en nette progression depuis une dizaine d’années et l’espèce y est désormais annuelle (voir une synthèse des observations récentes en France). Si cette tendance se poursuit, une installation à moyen terme de l’espèce dans l’hexagone est à prévoir (lire Le Cormoran pygmée en France : vers une installation future ?).

Suite à la progression de la population nicheuse dans l’est et le sud du continent, on note depuis quelques années un accroissement significatif des données estivales en Europe centrale. En août 2021, un afflux remarquable a eu lieu en Allemagne (lire Un « afflux » remarquable de Cormorans pygmées en Allemagne en août 2021) : les oiseaux observés étaient surtout des jeunes de l’année en dispersion postnuptiale, ce qui s’explique probablement par un nombre élevé de naissances au printemps et une taille critique atteinte par plusieurs colonies installées à l’Est et au Sud, permettant un « essaimage » au-delà de l’aire de dispersion habituelle de l’espèce. Suite à cet afflux, les premiers cas de nidification ont été notés en Allemagne en 2022, et plus précisément en Bavière : au moins trois nids (au moins six poussins nés) ont trouvés dans l’arrondissement (« Landkreis ») de Bamberg et au moins six (environ 30 jeunes nés) dans celui de Schweinfurt. L’espèce a également niché en Tchéquie en 2022 (et en 2023), 

Au mois d’août 2023, un nouvel afflux semble se produire en Allemagne, mais également en Suisse, au Luxembourg et en France, avec comme il y a deux ans une proportion importante d’individus de première année.

Colonies et données de Cormorans pygmées

Principales colonies (pastilles rouges) de Cormorans pygmées (Microcarbo pygmaeus) en Europe et au Proche-Orient (plus le rond est grand, plus le nombre de couples est important) et emplacements de plusieurs observations en Allemagne, France, Luxembourg et Suisse en août 2023 (pastilles orange). En bleu, la zone d’hivernage.
Carte : Ornithomedia.com 

Parmi les observations publiées sur les sites web participatifs Ornitho.fr, Ornitho.de et Ornitho.ch, retenons notamment les suivantes (les dates indiquées sont indicatives, les oiseaux ayant pu être découverts avant et être présents depuis) :

  • 9 oiseaux sur le plan d’eau de Plobsheim dans le Bas-Rhin (France) le 18 août (lire Où observer les oiseaux en hiver dans la vallée française du Rhin ?).
  • 2 oiseaux dans la réserve naturelle de la Petite Camargue Alsacienne dans le Haut-Rhin (France) le 17 août (lire Observer les oiseaux dans la réserve naturelle de la Petite Camargue Alsacienne).
  • 1 oiseau sur le lac de Remerschen (Luxembourg), une première donnée pour le Duché, le 18 août.
  • 18 oiseaux sur le Danube à Aholfing en Bavière (Allemagne) le 17 août.
  • 11 oiseaux sur le Großer Rötelseeweiher en Bavière (Allemagne) le 17 août.
  • 11 oiseaux sur le Ohesee à Bergrheinfeld en Bavière (Allemagne) le 15 août.
  • 6 oiseaux sur l’étang de Salette à Courtenay en Isère (France) le 14 août.
  • 10 oiseaux sur le Ismaninger Speichersee en Bavière (Allemagne) le 14 août.
  • 12 oiseaux sur le lac de barrage de Verbois  dans le canton de Genève (Suisse) le 13 août.
  • 1 oiseau dans le centre nature de BirdLife du lac de Neerach dans le canton de Zurich (Suisse) découvert dès le 9 août.

Réagir à notre article

Réagissez à cet article en publiant un commentaire