Brèves
Planter des orties pour aider le Râle des genêts sur l’île de Rathlin (Grande-Bretagne)
Râle des genêts (Crex crex) mâle chanteur et Grandes Orties (Urtica dioica).
Photographies : Sergey Yeliseev et Frank Vincentz / Wikimedia Commons
Le Râle des genêts (Crex crex) est un oiseau migrateur, discret et farouche appartenant à la famille des rallidés. Il est omnivore et se nourrit principalement d’insectes, d’escargots, de limaces et de vers, mais aussi de graines. Le chant typique du mâle (un « krek-kerr » répété inlassablement) retentit du crépuscule à l’aube en mai et en juin. La femelle niche au sol dans les prairies humides et de fauche des plaines alluviales (lire Observer le Râle des genêts dans la vallée de l’Oise), dans les prés de montagne (lire Aurélie Torres : recenser les Râles des genêts « montagnards » mal connus des Alpes du Sud), et même dans les champs de céréales riches en flore rudérale (lire Forte augmentation surprise du nombre de chanteurs de Râles des genêts en 2024 aux Pays-Bas). La femelle recherche pour nicher une végétation assez haute (au moins 30 cm) mais pas trop dense à la base. Une offre alimentaire adéquate (insectes, escargots, vers et graines) est également nécessaire.
La répartition de l’espèce dépend largement de la présence d’une couverture végétale d’accueil suffisamment haute au moment de son retour de migration d’Afrique, entre la fin avril et la mi-mai : il s’agit principalement de cariçaies, de prairies humides et de formations composées de grandes plantes herbacées vivaces (mégaphorbiaies), comme la Grande Ortie (Urtica dioica) et le Cerfeuil des bois (Anthriscus sylvestris). Les sites de nidification sont ensuite occupés lorsque leur végétation atteint une hauteur suffisante.
Autrefois commune, l’espèce subit depuis plusieurs décennies un déclin marqué dans la plupart des pays d’Europe occidentale à cause de l’intensification de l’agriculture, des fauches précoces fatales aux jeunes et même aux adultes, de la transformation des prairies humides en cultures ou en peupleraies et de l’activité d’extraction de granulats dans les vallées alluviales.
En France, le Râle des genêts est intégralement protégé et est inscrit sur la Liste Rouge des espèces menacées, mais malgré cela, sa population est en baisse constante depuis quarante ans : seuls 80 mâles chanteurs ont été comptabilisés en 2022, contre 223 en 2020, de 344 à 359 en 2012, de 495 à 551 en 2009, de 1 140 à 1 280 en 1998 et près de 2 450 dan les années 1980. Il ne survit actuellement que dans quelques vallées alluviales, par exemple dans les Basses Prairies Angevines (lire Louis-Marie Préau et le livre « Basses Vallées Angevines, nature discrète et sauvage ») ou dans celle de l’Oise (lire Observer le Râle des genêts dans la vallée de l’Oise).
La tendance est différente en Irlande : 218 chanteurs ont été comptés en 2023, soit une augmentation de 35 % au cours des cinq dernières années (lire La population irlandaise de Râles des genêts a augmenté de 35 % depuis 2018). Le Corncrake/Traonach LIFE Project, un projet sur cinq ans financé par l’Union Européenne et coordonné par le NPWS, a soutenu plusieurs mesures pour empêcher le déclin du Râle des genêts en impliquant 250 agriculteurs et propriétaires fonciers représentant près de 1 500 hectares. Parmi les actions qui semblent avoir été efficaces figurent la création de bandes d’orties et de cultures servant d’abris aux râles, le report de la fauche à la mi-août pour épargner les couvées et la pratique de la coupe du centre vers l’extérieur des prairies pour réduire la mortalité des poussins (jusqu’à – 60 %). Des subventions ont été distribuées pour soutenir les exploitants impliqués. D’autres actions sont prévues, comme la mise en place d’une fiche notant la qualité d’une parcelle (« corncrake habitat scorecard« ) en fonction de différents paramètres (richesse et structure de la végétation, etc.).
Situation de l’île de Rathlin, en Irlande du Nord (Grande-Bretagne). |
En Grande-Bretagne, 870 chanteurs ont été comptés en 2023, contre 828 en 2022, soit une légère augmentation après une série d’années décevantes. L’Écosse concentre la quasi-totalité de la population britannique, avec 824 chanteurs comptés en 2022. Les agriculteurs sont soutenus par le Gouvernement écossais pour favoriser la conservation de l’espèce, mais le système de financement agricole a changé suite au Brexit.
En Irlande du Nord, l’espèce est pratiquement éteinte, mais quelques chanteurs sont encore notés chaque année dans de rares endroits, comme sur l’île de Rathlin, située dans le comté d’Antrim. Afin de tenter d’augmenter le nombre de mâles sur cette île, la Royal Society for the Protection of Birds (RSPB) a lancé en 2014 le projet « Giving Corncrake a Home » : outre une gestion favorable des prairies (technique de fauche adaptée, suppression de l’usage de produits chimiques, etc.), des bandes d’orties sont plantées chaque hiver, s’inspirant ainsi de ce qui a été réalisé en Irlande. En effet, lorsque ces oiseaux reviennent de migration en avril, la végétation des prairies est encore trop courte, et les orties, dont la croissance est rapide, offrent un refuge où ces oiseaux peuvent chanter et se cacher en attendant que l’herbe pousse.
Les racines sont prélevées dans plusieurs sites en Irlande du Nord, lavées pour retirer la terre et éliminer les graines et invertébrés indésirables, placées dans des sacs puis transportées sur l’île de Rathlin. Durant l’hiver 2024-2025, la RSPB et ses partenaires ont par exemple planté 250 m² d’orties.
Ce plan semble porter ses fruits, même si les résultats obtenus sont encore limités et fragiles : alors qu’un seul mâle chanteurs avait été compté en 2014, deux l’ont été en 2019, et entre trois et cinq chaque année entre 2022 et 2024. Outre les actions directement dédiées à la conservation du Râle des genêts, la réduction des populations de rats et de putois par la pose d’appâts, destinée à protéger les oiseaux marins nicheurs, pourrait aussi avoir joué un rôle.
Documentaire sur le projet « Giving Corncrake a Home » lancé en 2014 sur l’île de Rathlin (Grande-Bretagne) et incluant la plantation de bandes d’orties.
Source : RSPB
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Compléments
Ouvrages recommandés
- Le guide Ornitho de Killian Mullarney
- Where to Watch Birds in Ireland de Paul Milne et Clive D. Hutchinson
- Bill Oddie’s Birding Map of Britain and Ireland de Bill Oddie
Sources
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- Holly Fleck (2025). How nettles are saving an endangered bird. BBC. Date : 08/02. www.bbc.com
- Bloom magazine (2025). The Corncrake Call is Back Again on Rathlin Island. Date : 22/04. www.bloommagazine.co.uk
- Farming Life (2020). Corncrake on Rathlin Island. Date : 7/05. www.farminglife.com
- Eva Inderwildi, Lorenz Heer, Lionel Maumary, Jacques Laesser et Werner Müller (2017). Plan d’action Râle des genêts Suisse. Birdlife Suisse. www.birdlife.ch




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