Les actions menées pour inciter une colonie à s’installer dans un bâtiment voisin

Vue de la charpente du hangar à bateaux

Vue de la charpente du hangar à bateaux, situé dans le Silvio O. Conte National Fish and Wildlife Refuge (États-Unis), où plusieurs types de supports fabriqués à partir de matériaux de récupération ont été fixés sur les poutres de la charpente pour inciter les Hirondelles rustiques (Hirundo rustica) à nicher. Les matériaux utilisés pour fabriquer les supports de nids  : (A) conduit électrique, (B) boîtier électrique, (C) treillis métallique, (D) étagère en bois, (E) protection anti-ouragan et (F)  support d’angle.
Des nids (G) ont aussi été récupérés dans l’écurie démolie, puis placés sur ces supports.
Photographie : Jonathan L. Atwood et al / Journal of Field Ornithology 

Le Silvio O. Conte National Fish and Wildlife Refuge s’étend sur 153 km² répartis dans quatre États américains (Connecticut, Massachusetts, New Hampshire et Vermont). Son paysage comprend de vastes zones agricoles, qui offrent notamment aux Hirondelles rustiques (Hirundo rustica) des zones pour chasser les insectes, des sites pour collecter de la boue pour construire leurs nids (lire Comment fournir de la boue aux hirondelles pour les aider à construire ou à réparer leurs nids ?) et des bâtiments pour les installer. 
Pour assurer la sécurité du public, l’U.S. Fish and Wildlife Service (USFWS) a décidé de faire démolir l’écurie BRI-MAR pour chevaux construite il y a trente ans et considérée comme vétuste, d’une superficie au sol de 1 045 m² et où nichaient environ 40 couples d’Hirondelles rustiques. Un hangar à bateaux, d’une superficie de 149 m² et situé à 70 mètres de l’écurie, accueillait de son côté cinq nids actifs. 
En mars 2019, des biologistes ont déplacé 12 nids non encore occupés de l’écurie vers le hangar. En novembre 2019, 24 autres nids ont été récupérés et fixés sur des supports en bois de 13 x 14 cm installés sous la charpente. Par ailleurs, en mars 2020, 264 supports, inspirés de ceux qui accueillaient des nids dans l’écurie et fabriqués à partir de matériaux divers de récupération (boîtiers, morceaux de grillage, portions d’étagères, etc.), ont aussi été fixés sur les poutres.
Entre mai et juillet 2019, des enregistrements d’Hirondelles rustiques ont été diffusés quotidiennement, entre 6 h et midi, à l’aide d’un haut-parleur placé sur la fenêtre d’entrée du hangar, à environ 6 m du sol. Aucune repasse n’a été réutilisée après 2020, car plusieurs nids étaient actifs dès 2019.
L’écurie a été détruite le 7 janvier 2020.

La méthode utilisée pour évaluer les effets du déménagement forcé de la colonie

Pour vérifier si les Hirondelles rustiques ont adopté le nouveau site de nidification proposé, à savoir un hangar distant de 70 mètres de l’écurie démolie, les auteurs de l’article publié en 2025 dans le Journal of Field Ornithology, ont comparé le comportement nicheur et l’état apparent des oiseaux avant (en 2019) et après (à partir de 2020) le déplacement de leurs nids à l’aide de cinq indicateurs : le nombre de premiers nids construits avant le 1er juillet, la fréquence des doubles couvées (nids commencés après le 1er juillet et réutilisation au cours de l’année), la taille moyenne des couvées avant et après le 1er juillet, la masse corporelle des individus capturés au cours des années de suivi et le taux de survie des oiseaux déplacés, qui avaient été bagués en 2019 dans l’écurie et qui ont été recapturés en 2020 dans le hangar. Le nombre de nids construits à partir de ceux qui avaient été déplacés et sur des supports vierges a aussi été compté. Des analyses statistiques ont été effectuées pour comparer ces éléments.
La période passée sur les aires de reproduction (du 25 avril au 30 août) a été définie en se basant sur les enregistrements de la plateforme eBird.
Les nids actifs dans l’écurie ont été dénombrés toutes les semaines entre la mi-mai et la mi-août 2019. Le contenu des nids a été examiné à l’aide d’un miroir télescopique. Un suivi similaire a été effectué dans le hangar entre 2020 et 2022.
Les Hirondelles rustiques ont souvent une double couvée, la seconde ponte étant généralement effectuée environ 50 jours après le début de la première couvée. La première nidification débutait généralement vers le 15 mai, et la deuxième au cours de la première semaine de juillet. Les nids commencés avant le 1er juillet ont été qualifiés de nids de première couvée, tandis que ceux dont la ponte a débuté après le 1er juillet ont été classés en nids de deuxième couvée.
La taille maximale de la couvée par nid a été notée, et le taux de survie des individus entre deux saisons a été évalué.

Le déplacement de la colonie a été un succès

Hirondelle rustique (Hirundo rustica) retirant un sac fécal

Hirondelle rustique (Hirundo rustica) retirant un sac fécal à Chasseneuil-sur-Bonnieure (Charente).
Photographie : Pascal

En 2019, environ 40 couples d’Hirondelles rustiques nichaient dans l’écurie et cinq dans le hangar à bateaux. Le nombre de nids de première couvée dans ce dernier est passé à 28 en 2020, à 32 en 2021 et à 37 en 2022, soit 93 % de la population présente dans l’écurie avant sa démolition.
Tous les individus reproducteurs n’ont pas été capturés et bagués pendant l’étude, mais la majorité de ceux observés dans le hangar à partir de 2020 provient probablement du bâtiment détruit. Sur les 91 individus bagués dans l’écurie en 2019, 28 (31 %) ont été recapturés dans le hangar entre 2020 à 2022. La majorité (27 sur 36) des nids déplacés dans le hangar ont été réutilisés dès 2020, par contre, seulement 11 plateformes de nidification sur 264 ont servi à construire de nouveaux nids. 
Aucun élément ne semble montrer un changement du comportement des oiseaux nicheurs avant et après leur déplacement : les fréquences relatives des premières et deuxièmes couvées n’étaient pas significativement différentes, Le nombre moyen d’œufs des premières couvées dans le hangar en 2020 était même supérieur à celui dans l’écurie en 2019. Aucun effet apparent sur leur état corporel (masse) et sur leur taux de survie n’a été mesuré.

Les leçons de cet exemple instructif

Les démolitions de bâtiments accueillant des nids d’hirondelles sont hélas fréquentes, même s’il est difficile d’évaluer son impact sur leurs populations. Pour compenser ces destructions, de nombreuses initiatives ont consisté à construire des structures d’accueil alternatives, comme des « kiosques » et à poser des nichoirs artificiels, l’utilisation de leurres et la diffusion de vocalisations étant également employées (lire Comment inciter les Hirondelles rustiques à s’installer ou à nicher à nouveau dans un bâtiment ?). Malgré tous ces efforts, ces mesures ont eu un succès limité. Campomizzi et al. (2019) ont même constaté que les vocalisations et les leurres n’étaient pas efficaces pour attirer des couples nicheurs. 

Hirondelle rustique (Hirundo rustica) dans un nichoir en béton de bois en Charente-Maritime

Hirondelle rustique (Hirundo rustica) dans un nichoir en béton de bois en Charente-Maritime.
Photographie : Nathalie Santa Maria

Dans le cas présenté dans cette étude, la démarche a consisté à agir sur une période de deux ans : durant la première année, l’attractivité du bâtiment d’accueil, un hangar situé à 70 mètres de l’écurie démolie qui était occupée par un petit nombre de couples, a été améliorée grâce au déplacement de nids récupérés en dehors de la saison de reproduction, la pose de supports de nidification et la diffusion de vocalisations. Durant la deuxième année, d’autres nids ont été déplacés avant le début de la saison de reproduction.
Ces efforts ont permis d’établir dans le hangar une colonie dans le hangar, qui, après trois ans, abritait environ 93 % du nombre de couples reproducteurs initialement présents dans l’écurie démolie. Près de 33 % des 89 oiseaux bagués en 2019 dans l’écurie ont été recapturés dans le hangar au cours des trois ans suivants. Plusieurs études ont montré que la plupart des Hirondelles rustiques âgées d’un an ne retournait pas dans leur colonie natale, mais une fois le site de nidification sélectionné, le taux de retour des reproducteurs est plus élevé, allant de 20 % dans l’Oklahoma à 42 % dans l’État de New York.
75 % des 36 des nids déplacés ont été utilisés, contre 4 % des 264 supports installés. Le comportement et le succès de nidification, ainsi que les taux de survie intra- et intersaisonniers, ne semblent pas avoir été affectés par le déplacement des nids.
La collecte de nids ne doit toutefois être effectuée que dans les cas où la démolition d’un bâtiment accueillant une colonie est inévitable. En effet, prélever des nids dans une colonie active pourrait avoir un impact négatif sur celle-ci. La réutilisation d’anciens nids pourrait conférer un léger avantage reproductif en réduisant les coûts de construction : Donahue et al. (2018) avaient d’ailleurs constaté que de 45 à 82 % des couples réutilisaient des nids déjà construits, malgré le risque de persistance de parasites. Le déplacement de nids récoltés dans l’ancien bâtiment constituerait une mesure importante pour améliorer le succès du déplacement d’une colonie.

Un reportage sur la consultation du public avant la démolition de l’écurie du Silvio O. Conte National Fish and Wildlife Refuge 

Un reportage sur la consultation du public avant la démolition de l’écurie du Silvio O. Conte National Fish and Wildlife Refuge (États-Unis).
Source : WWLP-22News

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