Le Maasvlakte, une zone artificielle au fort potentiel ornithologique

Situation du Maasvlakte 2 (Pays-Bas)

Situation du Maasvlakte (Pays-Bas).
Carte : Ornithomedia.com

Le Maasvlakte est un gigantesque projet d’ingénierie civile, le plus important des Pays-Bas depuis le fameux “Plan Delta”, un ensemble d’infrastructures composé d’un barrage anti-inondations marines et d’un ensemble de digues et de voies de communication dont les travaux ont duré quarante ans (1958-1997).
Le Maasvlakte a été réalisé en deux phases : la première a débuté dans les années 1970, tandis que la seconde, appelée Maasvlakte 2, a été lancée en 2004. Sa réalisation a nécessité l’édification d’une digue de forme circulaire, à l’intérieur de laquelle près de 200 millions de mètres cubes de sédiments marins issus de la mer du Nord ont été injectés grâce à des pompes puissantes. Avec un agrandissement de près de 2 000 hectares à l’ouest du Maasvlakte 1, le Maasvlakte 2 a pour objectif de tripler la capacité d’accueil et de développer les activités industrielles et commerciales du port de Rotterdam.
Il a profondément transformé l’écosystème marin littoral et la partie maritime du delta de la Meuse et du Rhin, connu sous le nom de Voordelta ou Pré-delta, qui se caractérise notamment par de nombreux bancs de sable peu profonds exondés à marée basse. 

Vue typique de la zone Natura 2000 du Voordelta

Vue typique de la zone Natura 2000 du Voordelta, la partie maritime du delta de la Meuse et du Rhin (Pays-Bas) : les bancs de sable exondés à marée basse sont extrêmement attractifs pour les limicoles et autres oiseaux marins (cliquez sur la photo pour l’agrandir).
Photographie : Marc Fasol

La zone étant inscrite dans le réseau Natura 2000, le lancement des travaux du Maasvlakte 2 a nécessité plusieurs études d’impact. L’Union Européenne les a finalement autorisés à condition que les surfaces naturelles détruites et la biodiversité perdue soient « contrebalancées » par des mesures compensatoires : 750 hectares ont ainsi été consacrés à la faune et à la flore.  
Comme elle s’avance loin en mer, comme l’avant-port de Zeebruges en Belgique (lire Où observer les oiseaux dans le port de Zeebruges ?), cette extension constitue un excellent poste d’observation pour le passage des oiseaux pélagiques et pour l’accueil des passereaux migrateurs au printemps et surtout en automne, épuisés par leur trajet au-dessus de la mer du Nord ou cherchant une étape le long de la côte.
Des raretés y sont observées chaque année.
La zone est également intéressante durant la période de nidification : on y trouve par exemple une très grande colonie mixte (de plusieurs milliers de couples) de Goélands argentés (Larus argentatus) et bruns (L. fuscus), de Mouettes rieuses (Chroicocephalus ridibundus) et mélanocéphales (Ichthyaetus melanocephalus). Une colonie de Spatules blanches (Platalea leucorodia) s’est aussi installée (30 couples en 2021), et de nombreux nids d’Avocettes élégantes (Recurvirostra avosetta) y sont visibles.
Par ailleurs, à marée basse, plusieurs bandes de Phoques gris (Halichoerus grypus) et veaux-marins (Phoca vitulina) se reposent sur les bancs de sable.
Une nouvelle plage née à la suite de travaux a par ailleurs un grand intérêt paléontologique : en s’y promenant après une tempête, on peut en effet trouver des fossiles de l’époque glaciaire, raison pour laquelle elle a été surnommée la “plage aux mammouths”.  
Comme c’est souvent le cas aux Pays-Bas, une zone artificielle est ainsi devenue un site remarquable pour l’observation des oiseaux (lire Observer les oiseaux près de Stellendam).

1- Les bons sites d’observation du Maasvlakte 2 : l’Oostvoornse Meer 

Carte du Maasvlakte 2 (Pays-Bas) et bons sites d'observation

Carte du Maasvlakte phases 1 et 2 (Pays-Bas) et bons sites d’observation : (1) l’Oostvoornse Meer, (2) la Vogelvallei, (3) le Slikke van Voorne, (4) le Vogeltelpost et (5) la Stuifdijk et le Luzerneveld (cliquez sur la carte pour l’agrandir).
Carte : Ornithomedia.com d’après Marc Fasol

Pour rejoindre le Maasvlakte depuis Rotterdam, il faut emprunter l’autoroute A15 (“Europaweg”), puis prendre la sortie numéro 8 vers Oostvoorne. Suivre ensuite la route secondaire parallèle appelée “Noordoever Oostvoornse Meer” et longer l’Oostvoornse Meer, un grand lac assez profond créé lors de la construction de deux barrages dans les années 1950-1960. Se garer ensuite au niveau de l’intersection entre les routes “Prinses Maximaweg” et “Noordzee Boulevard”. On peut alors débuter l’exploration du secteur (et plus largement du Maasvlakte 2) en voiture ou à bicyclette (recommandé) : le réseau des pistes cyclables est en effet dense et sécurisé.
L’Oostvoornse Meer est intéressante pour l’observation des oiseaux aquatiques, et elle est équipée de plusieurs palissades d’observation. En hiver, les Cygnes chanteurs (Cygnus cygnus) y sont réguliers et évoluent parmi les groupes de harles et de grèbes. Les Grèbes castagneux (Tachybaptus ruficollis) sont souvent notamment visibles de près et donc plutôt faciles à photographier. Vérifiez également les berges car on y voit assez souvent le Martin-pêcheur d’Europe (Alcedo atthis) à la recherche d’une bonne prise.
Les buissons proches du lac sont intéressants pour observer les passereaux migrateurs (grives, fauvettes, pouillots, gobemouches, etc.), et des raretés sont possibles, comme cette jeune Pie-grièche isabelle (Lanius isabellinus) trouvée fin octobre 2022 (lire Identification d’une probable jeune Pie-grièche isabelle en Vendée en novembre 2017). 

2- La Vogelvallei, la “vallée aux oiseaux”

En continuant un peu plus loin le long de la “Prinses Maximaweg”, on atteint un site « naturel » un peu particulier et qui mérite le détour, la Vogelvallei ou « vallée aux oiseaux”. D’une superficie de 21 hectares, elle est entièrement d’origine artificielle. Depuis un belvédère, on a une bonne vue sur trois îlots, chacun d’entre eux présentant des caractéristiques différentes (hauteur, végétation et substrat) afin de satisfaire les exigences d’un maximum d’espèces d’oiseaux. Ils sont entourés de canaux pour attirer différentes espèces de canards de surface et plongeurs et de limicoles.

La Vogelvallei, dans le Maasvlakte (Pays-Bas)

Vue de l’observatoire et du mur à Hirondelles de rivage (Riparia riparia) dans la Vogelvallei, dans le Maasvlakte 2 (Pays-Bas) (cliquez sur la photo pour l’agrandir).
Photographie : Marc Fasol

Le Tadorne de Belon (Tadorna tadorna) et la Bernache nonnette (Branta leucopsis), une espèce férale aux Pays-Bas, nichent au sein d’une grande colonie mixte de Goélands bruns et argentés et de Mouettes rieuses et mélanocéphales. Les Spatules blanches forment également une petite colonie (30 couples en 2021) installée dans les roseaux. De nombreux nids d’Avocettes élégantes sont visibles depuis la palissade, même s’ils sont un peu difficiles à photographier en raison de leur éloignement. Le Tarier pâtre (Saxicola rubicola), la Gorgebleue à miroir blanc (Luscinia svecica cyanecula) et le Petit Gravelot (Charadrius dubius) sont nicheurs.
Le poste d’observation a été construit sur un socle en béton muni d’orifices qui accueille une très belle colonie d’Hirondelles de rivage (Riparia riparia) (lire Deux constructions originales pour aider les martinets et les Hirondelles de rivage). Elles sont alors très faciles à photographier quand elles se posent.

3- La plage et les vasières du Slikke van Voorne devant le bassin Slufter 

Faire ensuite demi-tour et prendre le Noordzeeboulevard. Stationner en haut de la côte devant une palissade décorée de silhouettes d’oiseaux en vol. Le Slufter, invisible depuis la route, est un grand bassin de décantation créé afin de stocker les boues de dragage du chenal portuaire : il accueille beaucoup d’oiseaux, mais c’est la plage et les vasières du Slikke van Voorne en contrebas qui retiendra votre attention : un affût permet d’avoir une bonne vue sur cette zone. Une quantité phénoménale de limicoles, de laridés et de Grands Cormorans (Phalacrocorax carbo) s’y rassemblent, les Sternes pierregarin (Sterna hirundo), caugek (Thalasseus sandvicensis) et naine (Sternula albifrons) sont communes au printemps, et plusieurs passereaux chanteurs sont visibles dans la végétation buissonnante, dont la Gorgebleue à miroir blanc.
Des Phoques gris se reposent à marée basse sur les bancs de sable.

4- Le Vogeltelpost, un bon site pour observer le passage des oiseaux de mer

Passage de Fous de Bassan (Morus bassanus)

Passage de Fous de Bassan (Morus bassanus) depuis le Vogeltelpost, dans le Maasvlakte 2 (Pays-Bas) (cliquez sur la photo pour l’agrandir).
Photographie : Marc Fasol

Poursuivre sur le Noordzeeboulevard, qui contourne le bassin Slufter, puis suivre le Maasvlakteboulevard pour déboucher sur un carrefour avec la Maximaweg : prendre alors à gauche (une piste cyclable longe la route). Après environ 4 km, on arrive au Vogeltelpost, une palissade d’observation en forme de rose des vents à l’abri des intempéries. Par fort vent de Nord-ouest, le passage des oiseaux marins, principalement les Fous de Bassan (Morus bassanus), les labbes et les plongeons, notamment le Plongeon arctique (Gavia arctica), est souvent intéressant. Compte tenu de la distance, une longue-vue sera utile. Il faut aussi observer les passereaux migrateurs dans les buissons du massif dunaire.

5- La Stuifdijk, la « digue des raretés »

Reprendre votre trajet le long de la digue jusqu’au Maasvlakte Olie Terminal (terminal pétrolier) : elle s’arrête là où la Meuse et le nouveau canal portuaire se jettent dans la mer du Nord. La Stuifdijk est la partie de la digue qui s’étend au-delà du café ‘Balkon van Europa », et elle est particulièrement intéressante durant les migrations car les passereaux ont l’habitude de se réfugier dans les massifs denses d’Argousiers (Hippophae rhamnoide) qui l’ont colonisée.
Des espèces rares comme le Pouillot à grands sourcils (Phylloscopus inornatus) ont déjà été notées parmi les migrateurs plus communs comme le Tarier des prés (Saxicola rubetra), la Fauvette babillarde (Curruca curruca), le Roitelet triple-bandeau (Regulus ignicapilla), le Rougequeue à front blanc (Phoenicurus phoenicurus) ou le Gobemouche noir (Ficedula hypoleuca). Au printemps, le Rossignol philomèle (Luscinia megarhynchos) et le Tarier pâtre sont nicheurs. 

Tarier de Sibérie

Tarier de Sibérie (Saxicola maurus) de premier hiver sur la Stuifdijk dans le Maasvlakte (Pays-Bas), le 23 octobre 2021 (cliquez sur la photo pour l’agrandir).
Photographie : Marc Fasol

Non loin de là, le Luzerneveld est une étendue sèche à la végétation rase qui s’étend devant la caserne des pompiers (la Brandweer Kazerne) : des pipits et des bruants, dont parfois le Bruant ou Plectrophane lapon (Calcarius lapponicus), y font une halte. Au printemps, c’est un site de nidification du Petit Gravelot et de l’Huîtrier pie (Haematopus ostralegus).
Longer ensuite la petite baie d’Edison jusqu’au café-terrasse “Balkon van Europa”, puis parcourir la digue sur quelques centaines de mètres. Plusieurs espèces peu communes peuvent être observées sur les talus envahis de buissons, comme le Torcol fourmilier (Jynx torquilla), la Huppe fasciée (Upupa epops) et le Merle à plastron (Turdus torquatus). Des raretés ont déjà été découvertes : citons entre autres un Tarier de Sibérie (Saxicola maurus) le 23 octobre 2021 (lire Identifier les Tariers pâtre, de Sibérie, de la Caspienne et de Stejneger), un Accenteur montanelle (Prunella montanella), qui a attiré des centaines d’observateurs, le 21 octobre 2016 (Afflux d’Accenteurs montanelles en Europe du Nord en octobre 2016), un Bruant à gorge blanche (Zonotrichia albicollis) le 27 octobre 2019, un Junco ardoisé (Junco hyemalis) le 1er mai 2021, un Coulicou à bec jaune (Coccyzus americanus) qui, exténué, a fini son interminable traversée en se noyant tristement sur l’estran, le 12 octobre 2022, ou encore un Pouillot à deux barres ou à pattes sombres (Phylloscopus/Seicercus plumbeitarsus) en octobre 2021 (lire Distinguer le Pouillot à pattes sombres ou à deux barres des autres pouillots ayant une ou deux barres alaires).

D’autres photos du Maasvlakte (oiseaux et paysages)

Voici ci-dessous d’autres photos prises dans le Maasvlakte (Pays-Bas) par Marc Fasol :

Vue de la

Vue de la « plage aux mammouths » et du cordon dunaire dans le Maasvlakte 2 (Pays-Bas) (cliquez sur la photo pour l’agrandir).
Photographie : Marc Fasol

Huîtriers pies et Tadornes de Belon

Huîtriers pies (Haematopus ostralegus) et Tadornes de Belon (Tadorna tadorna) se reposant dans la zone de quiétude du Slikke van Voorne, dans le Maasvlakte 2 (Pays-Bas) (cliquez sur la photo pour l’agrandir).
Photographie : Marc Fasol

Pie-grièche isabelle (Lanius isabellinus) de première année

Pie-grièche isabelle (Lanius isabellinus) de première année perchée dans les sureaux près de l’Oostvoornse Meer, « à l’entrée » du Maasvlakte 2 (Pays-Bas), le 29 octobre 2022 (cliquez sur la photo pour l’agrandir).
Photographie : Marc Fasol

Plongeon catmarin (Gavia stellata)

Plongeon catmarin (Gavia stellata) en hiver sur l’Oostvoornse Meer, « à l’entrée » du Maasvlakte 2 (Pays-Bas), le 29 octobre 2022 (cliquez sur la photo pour l’agrandir).
Photographie : Marc Fasol

Spatule blanche (Platalea leucorodia)

Spatule blanche (Platalea leucorodia) au printemps dans la Vogelvallei, dans le Maasvlakte 2 (Pays-Bas) (cliquez sur la photo pour l’agrandir).
Photographie : Marc Fasol

Gorgebleue à miroir blanc (Luscinia svecica cyanecula)

Gorgebleue à miroir blanc (Luscinia svecica cyanecula) mâle au printemps dans la Vogelvallei, dans le Maasvlakte 2 (Pays-Bas) (cliquez sur la photo pour l’agrandir).
Photographie : Marc Fasol

Huîtrier pie (Haematopus ostralegus) nicheur dans le Luzerneveld

Huîtrier pie (Haematopus ostralegus) nicheur dans le Luzerneveld, une étendue herbeuse et sablonneuse dans le Maasvlakte (Pays-Bas) (cliquez sur la photo pour l’agrandir).
Photographie : Marc Fasol

Bruant lapon (Calcarius lapponicus)

Bruant lapon (Calcarius lapponicus) en hiver dans le Luzerneveld, une étendue herbeuse et sablonneuse dans le Maasvlakte (Pays-Bas) (cliquez sur la photo pour l’agrandir).
Photographie : Marc Fasol

Torcol fourmilier (Jynx torquilla)

Torcol fourmilier (Jynx torquilla) en halte migratoire chassant les fourmis sur le chemin sablonneux qui longe la Stuifdijk dans le Maasvlakte (Pays-Bas) (cliquez sur la photo pour l’agrandir).
Photographie : Marc Fasol

Pouillot à deux barres ou à pattes sombres (Phylloscopus/Seicercus plumbeitarsus)

Pouillot à deux barres ou à pattes sombres (Phylloscopus/Seicercus plumbeitarsus) dans les argousiers sur la Stuifdijk dans le Maasvlakte (Pays-Bas) le 23 octobre 2021 (cliquez sur la photo pour l’agrandir).
Photographie : Marc Fasol

Réagir à notre article

Réagissez à cet article en publiant un commentaire