Les principaux pigments à l’origine de la couleur des plumes des oiseaux sont la mélanine et les caroténoïdes. La mélanine est produite par des cellules appelées mélanocytes qui sont situées principalement dans la peau et dans les follicules de plumes. Ce pigment se présente sous deux formes discernables, l’eumélanine et la phéomélanine : en fonction de leur concentration et de leur distribution dans les plumes, la première est à l’origine des teintes noires, grises et/ou brun foncé, tandis que la seconde est responsable des couleurs chaudes (brun rougeâtre à chamois clair). Le mélanisme se traduit généralement par un assombrissement partiel ou total du plumage, qui peut devenir noirâtre, grisâtre, brunâtre, roussâtre ou chamois. Cette fréquente anomalie de coloration est provoquée par un excès de la quantité de mélanine, une augmentation souvent associée à une mutation du gène codant pour la protéine MC1R responsable de la régulation de cette pigmentation.

Le mélanisme, en modifiant parfois radicalement l’apparence d’un oiseau, est une source de confusions pour les ornithologues, qui peuvent considérer par erreur ces individus aberrants comme des espèces distinctes. L’exemple le plus ancien et le plus connu est la Perdrix des montagnes (Perdix montana), décrite au XVIIIe siècle , qui s’est avérée être finalement une forme sombre de la Perdrix grise ( P. perdix). Lorsque le mélanisme représente un pourcentage significatif (au moins 10 % selon les auteurs) et stable de la population d’une espèce, on parle de forme du plumage (lire La phase des oiseaux, un terme à bannir ?), comme chez le Faucon d’Éléonore (Falco eleonorae) ou les Labbes parasite (Stercorarius parasiticus) et pomarin (S. pomarinus). Ces espèces sont dites polymorphes.

Situation de l'île Machias Seal, dans la province canadienne du Nouveau-Brunswick

Situation de l’île Machias Seal, dans la province canadienne du Nouveau-Brunswick.
Carte : Ornithomedia.com

Le mélanisme étant l’une des anomalies de plumage les plus fréquentes, avec le leucisme et l’albinisme (lire L’albinisme et le leucisme chez les oiseaux), il peut être noté chez la plupart des espèces. Il est toutefois relativement peu fréquent chez les oiseaux marins. Chez les Alcidés, de rares cas sont connus chez le Macareux moine (Fratercula arctica), les Guillemots de Troïl (Uria aalge) et de Brünnich (U. lomvia) et le Pingouin torda (Alca torda). Chez cette dernière espèce, seules deux données anciennes  documentées sont recensées : un spécimen naturalisé de la collection du Lord Walter Rothschild, maintenant conservée au Muséum d’Histoire Naturelle de Tring (Royaume-Uni), et un oiseau observé en 1932 en Norvège. 

Dans un article publié en 2024 dans la revue Marine Ornithology, trois biologistes (Heather L. Major, Tabatha L. Cormier et Antony W. Diamond) ont décrit l’observation à plusieurs reprises en 2022 et en 2023 d’un individu mélanique dans une colonie de Pingouins tordas installée sur la pointe nord de l’île Machias Seal, dans la province canadienne du Nouveau-Brunswick. Ses parties inférieures étaient densément tachetées de sombre, il ne possédait ni trait loral (= la ligne entre l’œil et la base du bec) ni  barre alaire blancs, et il ressemblait au spécimen de la collection du Lord Walter Rothschild.

Selon Pyle (2013), une coloration anormalement sombre des parties inférieures des Alcidés pourrait être causée par une asynchronie entre le signal hormonal et les cycles de mue, mais dans le cas de l’oiseau canadien, l’absence de barre alaire blanche, ainsi que son observation durant deux années consécutives, plaideraient plutôt en faveur d’un cas de mélanisme.  

Selon certaines études, l’état physique et le taux de survie des individus mélaniques seraient inférieurs à ceux de leurs congénères au plumage normal, mais selon d’autres, ils pourraient généralement survivre et se reproduire, y compris avec des oiseaux normaux. Cette anomalie serait même parfois un avantage (lire Les Autours noirs de forme sombre chasseraient mieux par temps nuageux). Le spécimen observé au Canada ne semblait pas nicher, mais un suivi serait intéressant pour mieux connaître ses interactions sociales. 

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