La Grue du Canada (Antigone canadensis) est plus petite que la Grue cendrée (Grus grus), avec une longueur de 120 cm et une envergure de 1,6 à 2 mètres (sa taille varie toutefois selon les sous-espèces). Elle est globalement grise, son plumage étant marqué d’ocre pendant la période de nidification. Elle a le front et les lores rouges et les joues blanches. Les immatures ont le dessus roux et le ventre gris. Les deux sexes se ressemblent. Elle niche dans une grande variété d’habitats ouverts, y compris dans des secteurs relativement secs, en Amérique du Nord, à Cuba et dans le nord-est de la Sibérie. La migration concerne plus de 99 % des Grues du Canada et deux sous-espèces : A. canadensis canadensis et A. canadensis tabida.

C’est certainement la plus abondante des 15 espèces de Gruidés, avec une population globale qui atteindrait 1,7 million d’oiseaux actuellement selon l’International Crane Foundation. Historiquement, son aire de répartition était limitée à l’Amérique du Nord, seule une petite proportion traversant le détroit de Béring pour nicher en Sibérie, mais dans un article publié en 2019 dans le journal en ligne Peer-J, on apprend que le nombre d’oiseaux nichant en Sibérie et hivernant en Asie de l’Est est en progression (lire Les Grues du Canada sont en expansion en Asie). 

Du fait de la croissance de sa population et de sa capacité à s’adapter à des habitats divers, la Grue du Canada a naturellement commencé à s’installer dans les zones urbaines, qui ont tendance à s’étaler en Amérique du Nord. Cet opportunisme semble lui profiter : Michael Ward, professeur à l’Université de l’Illinois, qui a étudié l’espèce dans certains secteurs du Wisconsin et de l’Illinois, a ainsi constaté que leur taux de reproduction en ville était plus élevé que dans les zones plus naturelles. 

La réussite urbaine de la Grue du Canada pourrait être liée à une modification du comportement des prédateurs qui y sont également présents : en effet, le Raton-laveur commun (Procyon lotor) et le Coyote (Canis latrans), qui mangent volontiers ses poussins dans la nature, seraient peut-être moins susceptibles de s’en prendre à ceux-ci en ville car les humains leur fournissent involontairement d’autres aliments plus faciles d’accès, dans les poubelles par exemple. 

La vie urbaine n’est toutefois pas sans danger : les grues peuvent ainsi être heurtées par des voitures, électrocutées par des lignes électriques (lire Un éclairage ultraviolet pourrait diminuer les collisions des oiseaux avec les lignes électriques) ou s’étranger avec des morceaux de plastique. Sur le site web du magazine Sierra, Anne Readel a indiqué avoir vu sur le campus de l’Université du Wisconsin un poussin qui a failli être écrasé par un passant collé à son téléphone portable !.

Étant donné que ces oiseaux sont sociables, qu’ils ont une longue durée de vie et qu’ils sont fidèles à leurs sites de nidification, ils peuvent apprendre à utiliser au mieux les ressources de leur nouvel environnement. Tim Dellinger, chercheur adjoint à la Florida Fish and Wildlife Conservation Commission, se souvient ainsi d’une famille de grues qui vivait à côté d’une autoroute très fréquentée à six voies et qui a découvert peu à peu à éviter les secteurs les plus dangereux.

Grues du Canada (Antigone canadensis)

Grues du Canada (Antigone canadensis) dans un quartier résidentiel en Floride (États-Unis).
Photographie : Daddyrob81 / Wikimedia Commons

Les Grues du Canada peuvent être agressives, surtout lorsqu’elles vivent dans des secteurs très fréquentés. En Floride, un garçon de neuf ans a ainsi été attaqué alors qu’il se rendait à vélo à l’école dans un quartier résidentiel. Dans le Wisconsin, des policiers ont même dû abattre une grue après avoir reçu des plaintes selon lesquelles elle tapait avec son bec sur les voitures. Richard Beilfuss, président de l’International Crane Foundation, explique que type de comportement peut résulter d’une trop grande proximité avec les humains : il rapporte ainsi une conversation qu’il avait eu avec une femme en Floride, qui lui avait indiqué qu’elle nourrissait tous les jours les grues dans son jardin, ce qui est normalement illégal, et qu’elle pouvait même les caresser. Dans cet État, un couple a même pris l’habitude de visiter régulièrement une maison avec ses petits (voir la vidéo en fin d’article).

Pour réussir la cohabitation entre les habitants et les grues, Richard Beilfuss préconise de ne pas les nourrir, de couvrir les voitures les plus souvent attaquées pour éviter qu’elles ne voient leur reflet sur les vitres et sur la carrosserie (lire Pourquoi certains oiseaux attaquent-ils les vitres ?) et de placer des clôtures pour les empêcher de pénétrer dans certains lieux.  

Même si les Grues du Canada font preuve d’une remarquable adaptabilité, la préservation des zones humides naturelles reste une priorité, certaines de ses sous-espèces, comme F. c. pratensis en Floride, continuant de ne se reproduire que dans les marais naturels. Toutefois, cette dernière a également tendance depuis quelques années à s’aventurer sur les pelouses autour des maisons, des collèges, des centres commerciaux et des cours d’églises pour y rechercher des vers, et à visiter les mangeoires en hiver.

Les Grues du Canada semblent donc suivre l’exemple de la Bernache du Canada (Branta canadensis), qui a colonisé les parcs et les jardins d’Amérique du Nord au cours du XXe siècle. Vont-elles aussi dans un futur plus moins lointain finir par s’installer en Europe à partir de leur population sibérienne ? Pour le moment, elles restent accidentelles sur notre continent (lire Observation d’une Grue du Canada parmi les Grues cendrées dans la Marne en novembre 2022).

Un exemple spectaculaire de la familiarité dont peuvent faire preuve les Grues du Canada (Antigone canadensis)  dans les zones urbaines en Amérique du Nord. 
Source : The Dido

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