Une croyance ancienne

On peut parfois assister à un spectacle étrange : un oiseau attaquant furieusement une vitre, et ce à plusieurs reprises. Mais pourquoi fait-il cela ? Dans le passé, beaucoup de gens pensaient qu’il s’agissait d’un présage annonçant la mort imminente d’un membre de la famille. En effet, une croyance ancienne affirme que les oiseaux transportent les âmes des morts, et quand l’un d’eux semble voir « rentrer » dans une maison, cela correspond à l’âme d’une personne défunte devant conduire dans l’Au-delà celle d’un habitant de la maison.

Un comportement différent de celui des collisions accidentelles

Il ne faut pas confondre ce comportement avec celui d’oiseaux qui heurtent accidentellement une vitre : en effet, ils n’appréhendent pas bien le phénomène de la réflexion. Mais les solutions qui permettent de diminuer les attaques (voir le dernier paragraphe) peuvent aussi être efficaces pour réduire les chocs.

Les espèces concernées

Mésange charbonnière (Parus major) attaquant une vitre

Mésange charbonnière (Parus major) attaquant une vitre.
Photographie : extraite d’une vidéo transmise par un internaute d’Ornithomedia.com

Ce comportement est le plus souvent observé chez des espèces nichant dans les arbres et les buissons à proximité des maisons. Les espèces attaquant fréquemment des vitres en Europe sont la Mésange bleue (Cyanistes caeruleus), la Mésange charbonnière (Parus major), le Pinson des arbres (Fringilla coelebs), le Merle noir (Turdus merula) ou le Moineau domestique (Passer domesticus).
En Amérique du Nord, plusieurs espèces ont déjà été vues attaquant des vitres comme le le Merle migrateur (Turdus migratorius), le Cardinal rouge (Cardinalis cardinalis), le Moqueur polyglotte (Mimus polyglottos), le Chardonneret jaune (Carduelis tristis), le Bruant familier (Spizella passerina), le Tohi à flancs roux (Pipilo erythrophthalmus), le Dindon sauvage (Meleagris gallopavo) ou la Gélinotte huppée (Bonasa umbellus).
Jean Demolder nous informe que durant l’été 2005, deux Huppes fasciées (Upupa epops) ont attaqué une fenêtre (pas toujours la même) de sa maison durant près d’une semaine.
Leur comportement peut devenir obsessionnel, et on a déjà vu par exemple des Mésanges bleues venir plusieurs fois par jour, plusieurs jours de suite, s’attaquer à une surface vitrée.
Certains oiseaux, souvent des Corvidés, attaquent si fortement des vitres que celles-ci sont alors couvertes de salive et de sang, et alors aucune barrière ou dispositif de protection ne parviennent à les décourager.

Un comportement territorial des mâles ?

La majorité des attaques étant notées au printemps, l’explication la plus sérieuse est territoriale : quand un mâle choisit un site pour nicher, les environs constituent alors son territoire qu’il doit protéger en chassant les autres oiseaux. La plupart des oiseaux ont un fort comportement territorial, surtout pendant la saison de reproduction. Quand un mâle défendant son territoire voit accidentellement son reflet dans une surface réfléchissante comme une fenêtre, un miroir ou le pare-choc d’une voiture, il le considère comme un rival qu’il doit chasser. La plupart des oiseaux n’ont en effet pas la capacité de comprendre que cet autre oiseau n’existe pas vraiment.
L’attaque de vitres concerne ainsi plutôt des espèces urbaines qui nichent dans la végétation qui entoure les maisons. Malgré l’apparente violence de ce comportement, les oiseaux se tuent très rarement même s’ils peuvent se blesser au niveau du bec. Et de grands oiseaux peuvent briser une vitre.

La recherche de nourriture ?

Pinson des arbres (Fringilla coelebs) femelle frappant de façon répétée les vitres d’une maison le 10 mars 2017.
Source : Dan Nature

Ces oiseaux recherchent-ils éventuellement des insectes écrasés ou coincés sur les bords des vitres ou des rétroviseurs ? Cela pourrait-être en effet le cas ponctuellement, mais comment expliquer alors les états apparents d’énervement et d’excitation ?

Le cas intriguant d’une femelle de Pinson des arbres

Si la plupart des oiseaux qui attaquent les vitres sont des mâles, les femelles sont parfois concernées également. Ces dernières peuvent en effet aussi participer à la défense du territoire, comme chez le Cardinal rouge (Cardinalis cardinalis), le Merle d’Amérique (Turdus migratorius) ou le Pinson des arbres (Fringilla coelebs). Dan Maan a réalisé le 10 mars 2017 la vidéo ci-dessous montrant une femelle de Pinson des arbres frappant de façon répétée et parfois pendant une heure des vitres de sa maison. Détail intéressant, il nous précise que ce comportement semble plus intense quand il est à l’intérieur de sa maison, et que le pinson semble le suivre quand il passe de sa chambre à sa salle à manger. C’est d’ailleurs la vitre de cette dernière pièce, où il passe le plus de temps, qui est la plus souvent « attaquée ». Le mâle se poste aussi parfois derrière la vitre, mais il ne frappe jamais la vitre comme la femelle. Dan nous signale que seuls les Pinsons des arbres réagissent ainsi alors que d’autres espèces de passereaux vivent dans son jardin.

Combien de temps cela peut-il durer ?

La plupart des attaques ont lieu entre fin février et la fin de l’été (cela dépend des espèces), soit pendant la saison de nidification qui s’étale de la parade à l’élevage des jeunes, soit plusieurs semaines. Chez le Merle migrateur en Amérique du Nord, les attaques peuvent se produire entre avril et août, avec des périodes d’accalmies. Sur le site Birds.suite101.com, un intervenant a vu un Cardinal rouge attaquer les fenêtres à l’avant et à l’arrière de sa maison deux à trois fois par jour pendant cinq à six semaines ! Sur le même site, une autre personne a observé un autre Cardinal rouge taper sur toutes les fenêtres de sa maison de façon constante du lever au coucher du soleil, sept jours par semaine pendant trois ans. Il l’a même vu chassant une femelle afin de continuer à s’occuper de son reflet. Quand l’espèce élève plusieurs couvées dans une année au même endroit, la durée concernée peut être plus longue. Ce comportement s’arrête si l’oiseau trouve un nouveau territoire.
Notez que la durée et l’intensité de ces attaques dépendent de chaque individu, et que certaines espèces défendent également des territoires en hiver, comme le Merle noir (Turdus merula) ou la Bergeronnette grise (Motacilla alba). Et malgré leur caractère spectaculaire, ce comportement est rarement fatal. Toutefois l’oiseau peut se blesser, surtout bien sûr au niveau du bec.

Une vidéo d’une Mésange charbonnière attaquant une vitre

L’un de nos visiteurs a filmé ci-dessous une Mésange charbonnière attaquant de façon répétée une vitre de sa maison.

Mésange charbonnière (Parus major) attaquant une vitre.
Source : vidéo transmise par un internaute d’Ornithomedia.com

Que faire ?

En général, ce comportement s’achève avec la fin de la saison de nidification : il suffit donc d’être patient, mais ce n’est pas toujours facile. La solution est bien sûr de couvrir les surfaces réfléchissantes, mais cette solution n’est pas toujours très efficace : en effet, quand une fenêtre est protégée, l’oiseau ira souvent chercher son rival imaginaire sur d’autres fenêtres. On connaît ainsi des Merles d’Amérique (Turdus migratorius) ayant attaqué toutes les fenêtres (jusqu’à 15 !) des différents étages d’une maison. Les oiseaux n’attaquent toutefois habituellement qu’une fenêtre particulière, mais les autres peuvent aussi servir de cibles suivant la position du soleil.
Ce n’est par contre pas vraiment la peine de gaspiller de l’argent avec des silhouettes de rapaces à coller sur les vitres car le rival imaginaire sera toujours visible, et les oiseaux territoriaux apprennent rapidement que ces artefacts ne constituent pas une menace.  Par contre, il semble efficace de coller une photo de chat (lire Une photo efficace pour limiter les collisions d’oiseaux contre les vitres).
Couvrez les fenêtres prioritaires, comme celles des chambres à coucher pour que ses occupants ne soient pas réveillés à l’aube : dans le cas d’un comportement impliquant des attaques successives sur différentes surfaces vitrées, le cycle peut quelquefois être stoppé si la première étape de la séquence est supprimée.
Quand on a décidé de couvrir une fenêtre, il faut le faire complètement : une toile en plastique ou un film en Cellophane translucide, conviendront bien car ils laisseront passer la lumière tout en éliminant les reflets. On peut les fixer en haut et à l’extérieur de la fenêtre pour qu’ils pendent librement : non seulement l’oiseau ne verra plus son reflet, mais en plus le mouvement du plastique agité par le vent l’effraiera.
Certains oiseaux (comme les petits passereaux) voient les ultraviolets (lire La vision des oiseaux) et des films adhésifs transparents pour nous mais reflétant les ultraviolet (UV) peuvent être collés sur la partie externe des vitres. Il faudra choisir des filtres reflétant les UV sur une large bande de longueurs d’onde pour toucher le maximum d’espèces. Souvent leur durée de vie est limitée à quelques mois, il faudra donc les changer de temps en temps. Plusieurs sociétés proposent des filtres, comme Ornilux, WindowAlert, Wilderness Fred’s ou Collidescape qui affirme être de longue durée et éliminer en outre les reflets pour empêcher les effets du comportement territorial.
Des rideaux composés de bandes de plastique sont plutôt efficaces. Des feuilles de journaux peuvent être utilisées, mais certains oiseaux les déchirent car ils pensent que leur adversaire se cache derrière. La Bird Screen Company propose des écrans pour éloigner les oiseaux des vitres. Certains autocollants contenant un composant reflétant brillamment les ultraviolets peuvent être parfois efficaces.
La société Window Alert propose un produit à pulvériser appelé « Stop Window Attack » qui élimine la réflexion de la lumière sur les vitres. Vous pouvez aussi dessiner des croix avec un surligneur fluo (à nettoyer avec un chiffon imbibé de vinaigre préalablement chauffé puis rincer à l’eau froide). Vous pouvez diminuer la réflexion de vos vitres en étalant du savon.

Mésange bleue (Cyanistes caeruleus)

Mésange bleue (Cyanistes caeruleus) attaquant furieusement son reflet dans le rétroviseur d’une voiture en Charente-Maritime (France) en mars 2016.
Photographie : Nathalie Santa Maria / Blog Birdwatching and Photography

Essayez éventuellement de suspendre devant vos vitres (grâce à une ventouse) des CDs qui bougeront avec le vent, mais leur efficacité sera variable selon les oiseaux.
Éloignez aussi au maximum de vos vitres les mangeoires et les bassins où les oiseaux se baignent.
Si vous constatez qu’un oiseau a un perchoir favori où il se pose avant de s’attaquer à votre fenêtre, tentez de le supprimer.

Les voitures aussi

Des oiseaux peuvent aussi attaquer les vitres, les rétroviseurs, les pare-chocs ou les parties chromées des voitures : vous pouvez couvrir votre voiture avec une bâche, placer des feuilles de journaux, des tissus (par exemple des chaussettes sur les rétroviseurs !), des sacs en plastique, des films de cellophane, étaler des substances éliminant les reflets (savon, dentifrice, fausse neige, suie, surligneur fluo « Stop Window Attack »…), garer votre véhicule dans un garage (si possible), à l’ombre d’un arbre, à un emplacement situé en dehors du territoire de l’oiseau (en tout cas durant la saison de reproduction) ou éloigné du perchoir habituel d’où il lance ses « attaques ».
Ne pas laver sa voiture (pendant la période des attaques) peut aussi aider.

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