Les oiseaux marins sont bien adaptés aux vents forts accompagnant les dépressions (tempêtes et ouragans). Malgré cela, elles peuvent provoquer des échouages sur les côtes et une forte mortalité, par exemple chez les alcidés (lire Important échouage de Macareux moines le long du littoral atlantique français), ce qui montre qu’ils ne sont pas toujours capables de manœuvrer dans des conditions climatiques extrêmes. Ainsi, le passage de la tempête Ciaran, qui a touché les îles britanniques et l’ouest de la France, durant la nuit du 1er au 2 novembre 2023, s’est accompagné par l’observation de centaines d’Océanites culblancs (Oceanodroma leucorhoa) et de Phalaropes à bec large (Phalaropus fulicarius), de petits oiseaux marins qui ont été poussés vers les côtes (voir une sélection d’observations récentes).

Les vitesses maximales des vents que les espèces pélagiques peuvent « gérer » dépendent de leur morphologie et de leur style de vol, mais la limite supérieure « acceptable » est compliquée à évaluer en raison de la difficulté à collecter des données. Pourtant, il serait utile de la déterminer pour prédire comment ces espèces peuvent faire face aux événements climatiques extrêmes, dont l’intensité et la fréquence devraient augmenter dans le futur avec le changement climatique.

Dans un article publié en 2022 sur la plateforme BioRxiv de dépôt en ligne de prépublications, des biologistes ont analysé plus de 326 000 heures d’observation provenant de 1 663 trajets de recherche de nourriture d’individus équipés de balises émettrices, qu’ils ont combinées avec les vitesses des vents à dix mètres de la surface calculées par l’European Center for Medium-Range Weather Forecast, pour 18 espèces représentatives des différents styles de vol : neuf espèces d’albatros, de puffins et de pétrels pratiquant le vol de gradient, qui consiste à planer dynamiquement en plongeant dans les creux des vagues et remontant au-dessus de la crête de la houle, cinq espèces de fous, qui effectuent typiquement une alternance de battements d’ailes et de planés, deux espèces de frégates, qui utilisent plutôt les ascendances thermiques, et deux espèces de phaéton, qui battent fréquemment des ailes.

Ils ont essayé de déterminer la vitesse limite du vent au-delà de laquelle ils évitaient de voler. Ils ont constaté que plus la charge alaire (= le rapport entre la masse et la surface portante de l’aile) d’une espèce était importante, plus celle-ci arrivait à progresser malgré des vents violents, ce qui est finalement conforme aux règles de l’aérodynamisme. Les albatros peuvent ainsi continuer à voler même si la vitesse du vent est supérieure à 23 mètres par seconde (83 km/heure), tandis que le Pétrel soyeux (Pterodroma mollis), qui est plus petit et plus léger, supporte une vitesse de 72 km/heure. Dans ces conditions, les espèces plus petites effectuent un mouvement de roulis, leurs ailes étant tenues rigides dans un même plan incliné et basculant d’un côté à l’autre.

Parmi les 18 espèces étudiées, aucune ne semblait éviter particulièrement les vents les plus violents, sauf dans quelques cas particuliers, mal compris encore. En cas du passage d’une dépression, les Albatros à nez jaune (Thalassarche chlororhynchos) et hurleur (Diomedea exulans) et le Puffin leucomèle (Calonectris leucomelas) pourraient en particulier essayer de voler vers son œil, où les conditions sont plus calmes.

Vidéo expliquant la technique de vol de l’Albatros hurleur (Diomedea exulans).
Source : IEEE Spectrum

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