Les Pigeons bisets (Columba livia) semi-domestiques sont utilisés pour des courses d’endurance ou de vitesse, des loisirs solidement ancrés dans plusieurs pays d’Europe, où des milliers de passionnés participent à des compétitions dotées de récompenses importantes. Certains pigeons de haute qualité peuvent d’ailleurs valoir plusieurs centaines de milliers d’euros, mais les colombophiles doivent parfois faire face aux attaques de certains rapaces, comme l’Autour des palombes (Accipiter gentilis), l’Épervier d’Europe (A. nisus), les Faucons pèlerin (Falco peregrinus) et sacre (F. cherrug) (lire Les Pigeons bisets occupent une place essentielle et croissante dans le régime alimentaire du Faucon sacre en Europe), et ces tensions peuvent mener à des actes illégaux contre les rapaces (tir, empoisonnement, destruction de nids, etc.). 

Faucon sacre (Falco cherrug)

Faucon sacre (Falco cherrug) tenant dans ses serres les restes d’un Pigeon biset (Columbia livia) semi-domestique près de Sainte-Foy-d’Aigrefeuille (Haute-Garonne) en janvier 2025.
Photographie : Thomas Bareyre

Dans un article publié en 2025 dans la revue Ornis Hungarica, des ornithologues de la Bulgarian Society for the Protection of Birds (BSPB), une association travaillant notamment à la conservation du Faucon sacre en Bulgarie et en Roumanie dans le cadre du projet européen LIFE Falcons (LIFE20 NAT/BG/1162), ont étudié les conflits entre colombophiles et rapaces en Bulgarie, un pays où les courses de pigeons voyageurs sont encore très populaires. Pour évaluer objectivement ces interactions, ils ont combiné des enquêtes auprès des éleveurs et posé des bagues GPS sur 18 oiseaux. 

Un questionnaire de 28 questions, diffusé auprès de 201 colombophiles dans 65 municipalités bulgares, a permis de recueillir des informations sur les pratiques d’élevage, les menaces perçues, les pertes de pigeons et les mesures préventives utilisées. Parallèlement, 72 vols de pigeons équipés de bagues GPS ont été suivis durant 23 courses en Bulgarie et en Roumanie en 2022 et 2023 afin de détecter les attaques de rapaces (13 subies).

Les résultats collectés ont révélé que les attaques de rapaces étaient perçues par les colombophiles bulgares comme constituant la première cause de perte (25 %), devant la météo, les maladies et la désorientation. Leurs pertes moyennes annuelles de pigeons atteignent environ 30 %, dont près de la moitié seraient attribuées aux rapaces. Ces attaques surviennent surtout au printemps, pendant la période de reproduction des rapaces et les entraînements intensifs des pigeons, le matin et dans les zones montagneuses boisées, souvent sur le dernier tiers du parcours, lorsque les oiseaux sont les plus fatigués.

Les auteurs ont également évalué deux mesures de prévention en 2022 : des taches colorées pulvérisées sur les ailes de 50 pigeons avec un spray, qui ont augmenté le taux de survie de 16 % par rapport aux pigeons témoins, et des “yeux peints” ur les ailes de 72 oiseaux, basés sur la méthode italienne de la Codice LIVIA et inspirés des ocelles des papillons (lire Les papillons machaons peuvent vraiment effrayer les mésanges), qui ont permis une diminution moyenne de 20 % des attaques. Ces dispositifs semblent donc partiellement efficaces.  

Les auteurs ont toutefois recensé plusieurs limites aux résultats obtenus : le caractère subjectif des données issues des questionnaires, les différences locales de conditions environnementales, et la taille modeste de l’échantillon. Ils insistent sur la nécessité de mener des recherches plus approfondies, incluant des échantillons plus larges, des suivis expérimentaux répétés et des approches interdisciplinaires.

L’étude met également en avant l’importance de l’existence d’un dialogue étroit entre les colombophiles et les acteurs de la protection de la faune, comme la BSPB. En intégrant les éleveurs dans la collecte des données et dans la recherche de solutions, il devient possible d’élaborer des stratégies de coexistence plus durables entre rapaces protégés et pigeons voyageurs.

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