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L’expansion spectaculaire de l’Effraie des clochers dans le Caucase et en Iran depuis une vingtaine d’années
Effraie des clochers (Tyto alba) de la sous-espèce guttata à Kovilovo (Serbie) en novembre 2023.
Photographie : Ivan Vezenkovic / Wikimedia Commons
L’Effraie des clochers (Tyto alba) est un rapace crépusculaire et nocturne mesurant de 34 à 44 cm de long et avec une envergure de 85 à 110 cm. Elle est facilement reconnaissable à son masque facial pâle en forme de cœur. Le dessus de son corps est gris cendré à brun jaune, finement pointillé et perlé de fines taches blanchâtres ourlées de noir. Le dessous est blanchâtre à blanc roussâtre plus ou moins piqueté de brun foncé (lire Les Effraies des clochers les plus tachetées sont favorisées). Ses ailes sont longues et plutôt étroites. Ses pattes sont longues, couvertes de plumes blanches et munies de doigts puissants aux serres bien développées. Son bec est pâle et de couleur corne. L’iris est noir. Les deux sexes se ressemblent, mais la femelle est un peu plus sombre et plus grande que le mâle (lire Pourquoi les femelles de rapaces sont-elles généralement plus grandes que les mâles ?).
Les cris habituels de contact sont des gloussements rauques et stridents caractéristiques (« khrûh » ou « khraikh »). Le chant territorial du mâle est un « chhhhhh » de courte durée. Les parades et les accouplements sont accompagnés de cris intimes variés.
L’Effraie des clochers est majoritairement active à partir du crépuscule. Elle se nourrit presque exclusivement de petits mammifères (campagnols, mulots, souris et musaraignes), voire de mammifères plus grands (belettes et lapins), et dans une moindre mesure d’amphibiens, de petits oiseaux, de chauves-souris et d’insectes, qu’elle repère par la vue et l’ouïe.
Elle vit dans des habitats ouverts variés (prairies naturelles, zones cultivées avec ou sans haies, marais, landes, steppes, savanes, semi-déserts, zones urbaines, etc.). Elle niche de préférence dans les vieux bâtiments (clochers d’églises, combles de châteaux, greniers, pigeonniers, granges, hangars, etc.) (lire Favoriser la nidification de l’Effraie des clochers dans un bâtiment : un exemple réussi en Belgique). Elle peut aussi choisir des emplacements plus inattendus, comme un mirador d’observation, une guérite, une meurtrière ou une cheminée. Elle s’installe parfois dans les carrières et des falaises, comme c’était le cas dans le passé, mais elle rentre alors en concurrence dans certaines régions avec un dangereux compétiteur, le Grand-duc d’Europe (Bubo bubo). Elle utilise aussi les nichoirs mis à sa disposition.
Aire de répartition européenne de l’Effraie des clochers (Tyto alba) (en rouge) et expansion dans le Caucase et en Iran depuis les années 2000 (en orange). |
Son aire de répartition est très vaste, couvrant tous les continents à l’exception de l’Antarctique. Neuf sous-espèces sont reconnues, dont T. a. alba en Europe de l’Ouest et du Sud, en Afrique du Nord et dans la partie occidentale de l’archipel des Canaries, T. a. guttata en Europe centrale jusqu’à l’Ukraine et dans les Balkans et T. a. erlangeri de la Crète (Grèce) et de Chypre jusqu’au sud-ouest de l’Iran, au nord-est de l’Égypte et au sud de la péninsule Arabique.
Après un déclin significatif entre les années 1970 et 1990, la population européenne semble stable, grâce entre autres à la protection dont elle bénéficie et à la pose de nichoirs. Les principales menaces qui continuent de peser sur l’espèce sont l’intensification des pratiques agricoles, l’urbanisation, le développement routier et la destruction ou de la rénovation des vieux bâtiments.
Globalement, l’Effraie des clochers n’est pas menacée et son aire de répartition est même en expansion continue vers l’Est et le Sud-est du continent européen depuis les années 2000 au moins. Jusqu’au milieu du XXe siècle, elle n’était ainsi présente que sporadiquement ans les États baltes, dans l’ouest de la Biélorussie et de l’Ukraine, ainsi qu’en Moldavie. En 1942, un individu erratique avait été capturé au Turkménistan. À la fin du XXe siècle, la fréquence des données a augmenté dans l’est du continent, et depuis le début du XXIe siècle, une expansion importante a été constatée dans le sud de l’Ukraine, en Crimée, dans le Caucase et en Iran.
L’arrivée de l’espèce au Caucase remonte seulement au début des années 2000. En Géorgie par exemple, les premiers cas de nidification datent de 2003. Dès 2016, elle était considérée comme sédentaire le long de la côte de la mer Noire, et en 2021, son statut national est passé à « Préoccupation mineure », traduisant une présence stable dans l’ensemble du territoire national.
Au Moyen-Orient, l’Effraie des clochers avait autrefois une aire de distribution fragmentée du nord de la Turquie au sud du Yémen en passant par la Syrie, le Liban, Israël, l’Irak et l’Arabie saoudite. Les premières observations en Iran remontent aux années 1990, avec quelques oiseaux notés en hiver dans l’ouest et le centre du pays. Depuis le début des années 2000, les données se sont multipliées, et l’espèce niche désormais couramment dans le nord et l’ouest du pays, de la mer Caspienne à Fars et à Bushehr.
Les populations de l’espèce ont considérablement augmenté dans ces « nouvelles » régions colonisées, mais il n’existe pas encore d’estimations précises de leurs effectifs, en raison notamment de son mode de vie très discret et du manque d’observateurs dans des régions parfois peu peuplées.
Cette expansion concerne les trois sous-espèces nichant en Europe et au Moyen-Orient (T. a. alba, T. a. guttata et T. a. erlangeri), mais il est difficile d’évaluer la part de chacune dans ce processus du fait la difficulté de leur identification en raison de la variabilité individuelle importante liée à l’âge, au sexe et aux échanges génétiques entre populations. En Géorgie par exemple, les nicheurs appartiennent à plusieurs sous-espèces : T. a. guttata (à partir d’oiseaux provenant du sud de l’Ukraine et de la Russie), T. a. erlangeri (à partir d’oiseaux venus de Turquie et d’Azerbaïdjan) et T. a. alba, des lâchers de plusieurs dizaines d’oiseaux de la sous-espèce nominale élevés en captivité ayant été effectués dans les années 2020 dans la région caucasienne de la Russie.
L’expansion rapide de l’Effraie des clochers vers l’Est et le Sud-est de son aire de répartition eurasiatique est une confirmation de ses capacités d’adaptation remarquables. Elle est facilitée par sa plasticité dans le choix des sites de nidification, par son taux de reproduction élevé (les cas de deux couvées élevées par an ne sont pas rares) et par l’importance de sa dispersion postnuptiale, durant laquelle un jeune peut s’éloigner de près de 2 000 km de son lieu de naissance. Son arrivée devrait être saluée par les agriculteurs des régions colonisées, car elle est mondialement reconnue comme étant un agent naturel efficace de lutte contre les rongeurs. L’expansion de l’espèce devrait se poursuivre dans les années à venir
Effraie des clochers (Tyto alba) en Géorgie en août 2019.
Source : Georgia Wildlife Journey
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Compléments
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Effraie des clochers (Tyto alba)
Sources
- Denis Kittel et al (2025). Expansion of the Barn Owl Tyto alba in Georgia. Sandgrouse. Volume : 47. www.researchgate.net
- V. P. Belik (2024). Current Expansion of the Barn Owl (Tyto alba) (Tytonidae, Aves) in Northern Eurasia. Biology Bulletin. Volume : 51. Pages : 3154–3168. link.springer.com
- Abbas Ashoori et al (2011). Recent breeding records and status of the Barn owl Tyto alba in Gilan province, northern Iran. Sandgrouse. Volume : 33. www.osme.org
- Abbas Oseaei et al (2007). Range Extension of the Barn Owl Tyto alba in Iran. Podoces. Pages : 106-112. www.researchgate.net
- Association Terroir et Nature en Yvelines. Protéger l’Effraie, comment ? Les nichoirs. www.terroir-nature78.org
- COGARD. Fiche-action : nichoir à Effraie des clochers. cogard.org
- Nichoirs. L’Effraie des clochers. nichoirs.net




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