Le mimétisme est une stratégie adaptative d’imitation dont la principale fonction est la protection. Il peut être visuel (reproduction de la morphologie ou des couleurs d’un modèle), chimique, acoustique, tactile ou comportemental. Le mimétisme batésien consiste, pour certaines espèces inoffensives, à bénéficier de la crainte qu’en inspirent d’autres qui sont agressives, dangereuses ou toxiques en imitant leur aspect, leurs vocalisations ou leur comportement afin de diminuer les risques de se faire attaquer ou manger.

Certains exemples sont bien connus : les couleurs et les motifs du plumage du Coucou gris (Cuculus canorus), qui rappellent ceux de l’Épervier d’Europe (Accipiter nisus), lui permettent de diminuer les réactions violentes de ses hôtes potentiels, même si cela fonctionne pas toujours (lire Pourquoi les Coucous gris semblent moins parasiter les Pies-grièches écorcheurs en Europe depuis plus de 30 ans ?). Plusieurs espèces de papillons possèdent des ocelles sur leurs ailes qui ressemblent à de grands yeux (lire Les papillons machaons peuvent vraiment effrayer les mésanges). Le mimétisme batésien concerne aussi bien les adultes que les jeunes : le duvet orangé de l’Aulia cendré (Laniocera hypopyrrha) fait ainsi penser à une chenille indigeste et/ou urticante (lire L’étonnante ressemblance de l’oisillon de l’Aulia cendré avec une chenille toxique).

Plusieurs observations sont montré que les oisillons de plusieurs espèces de mésanges poussaient des cris ressemblant aux sifflements d’un serpent à l’approche d’un intrus, que ce soit un chat, un rongeur ou un pic (lire Un nouvel exemple d’un Pic épeiche apportant des oisillons à ses jeunes pour les nourrir). Les femelles d’au moins vingt espèces cavicoles émettent des chuintements reptiliens.

Dans un article publié en 2023 dans la revue Ethology Ecology & Evolution, des biologistes ont décrit le premier cas d’une espèce d’oiseau non cavicole ayant adopté la même stratégie : ils ont enregistré des cris d’oisillons de Cisticoles des joncs (Cisticola juncidis) dans un marais près de Banjul en Gambie, et ils ressemblent en effet beaucoup à des sifflements de serpent (cliquez sur ce lien pour télécharger et écouter l’un de ces enregistrements). Pour stimuler cette réaction, les auteurs ont utilisé la technique du « pishing », qui consiste à imiter grossièrement des cris d’alarme de passereaux (lire Pratiquer le pishing : oui, mais avec prudence). Les spectrogrammes des enregistrements obtenus (56) ont ensuite été générés puis analysés par le logicel Avisoft-SASLab Pro. Ils ont également pris en compte des enregistrements de 19 autres espèces d’oiseaux publiés sur les librairies sonores Xeno-Canto et Macaulay Library qui ressemblaient clairement à des sifflements de serpents.

Ils ont utilisé les bandes sonores de 30 vidéos de serpents provenant du site web Bilibili, et ils ont comparé les spectrogrammes des enregistrements des oisillons de cisticole avec ceux des autres espèces d’oiseaux et de reptiles. Grâce à la méthode statistique de partitionnement de données, ils ont constaté qu’ils se rapprochaient davantage des seconds que des premiers. Møller et al. avaient déjà démontré la très forte similarité entre les sifflements des petites mésanges et ceux des serpents, et les jeunes Chevêches des terriers (Athene cuniculara) produisent des cris ressemblent étroitement à ceux serpents à sonnette même s’ils n’en n’ont jamais vu ou entendu.

Les oisillons des oiseaux ne nichant pas dans les cavités, comme la Cisticole des joncs, sont donc également capables d’imiter des sifflements de serpents, même s’ils ne profitent pas de l’obscurité d’une cavité pour mieux tromper les prédateurs. Précisons que la femelle du Paon bleu (Pavo cristatus), dont le nid est installé dans la végétation au sol, siffle la nuit pour effrayer les prédateurs. 

NB : si vous avez déjà entendu ces sifflements dans un nid de Cisticoles des joncs, vous pouvez contacter Clive Richard Barlow à l’adresse birdsofthegambia@hotmail.com.

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