Brèves
Le Cormoran pygmée a probablement niché en France en 2024 et en 2025, comme cela était attendu
Cormorans pygmées (Microcarbo pygmaeus) juvéniles à gauche et adulte sur un étang de la Dombes (Ain) en août 2024.
Photographie : Pierre Crouzier / Post-Ornithos
Le Cormoran pygmée (Microcarbo pygmaeus) ressemble globalement à un Grand Cormoran (Phalacrocorax carbo), mais il s’en distingue par sa taille nettement inférieure, comparable à celle d’une Foulque macroule (Fulica atra), avec laquelle il peut même être confondu si les conditions d’observation sont défavorables. Sa queue est proportionnellement plus longue que celle du Grand Cormoran, et son bec et son cou sont plus courts. L’adulte en plumage nuptial est brun sombre avec des mouchetures blanches sur la tête et le cou. En plumage internuptial, les mouchetures sont absentes et la gorge est plus pâle. Le juvénile est brun plus clair.
Cormorans pygmées (Microcarbo pygmaeus) adultes sur un étang de la Dombes (Ain) en août 2024 (cliquez sur la photo pour l’agrandir). |
Il niche en groupes dans des arbres au bord des lacs et cours d’eau à l’eau peu profonde, souvent au sein de colonies mixtes de Grands Cormorans et d’échassiers (hérons, aigrettes, spatules). Il hiverne sur les plans d’eau côtiers et à l’intérieur des terres.
Son aire de répartition s’étend de l’Italie et de l’Autriche à l’Azerbaïdjan (lire Voyage ornithologique printanier en Azerbaïdjan – Première partie), l’Iran et l’Irak. Sa population mondiale, qui serait comprise entre 85 000 et 180 000 individus, dont plus de 70 % en Europe, est surtout concentrée dans quelques pays (Azerbaïdjan, Ukraine, Roumanie, Grèce, Turquie et Serbie).
Depuis les années 1980 et surtout 2000, la population de Cormorans pygmées est en forte augmentation en Europe après s’être effondrée à cause du drainage de nombreuses zones humides et de campagnes d’abattage et de destruction des colonies à la demande des pêcheurs. Il est en expansion vers l’ouest du continent : il se reproduit par exemple à nouveau en Hongrie depuis 1988, de nouvelles colonies se sont formées en Slovaquie, il recolonise progressivement les vallées du Danube et de son affluent la Tisza, il reniche sur le lac de Neusiedl (Autriche-Hongrie) depuis 2007 (lire Où observer les oiseaux dans la partie autrichienne du lac de Neusiedl ?) et il est en pleine expansion en Italie à partir de son bastion du delta du Pô, où il a commencé à nicher en 1981 (lire Le Cormoran pygmée poursuit sa progression en Italie).
Suite à la progression de la population nicheuse dans l’est et le sud du continent, on note depuis quelques années un accroissement significatif des données estivales en Europe centrale. En août 2021, un afflux remarquable a eu lieu en Allemagne (lire Un « afflux » remarquable de Cormorans pygmées en Allemagne en août 2021) : les oiseaux observés étaient surtout des jeunes de l’année en dispersion postnuptiale, ce qui s’explique probablement par un nombre élevé de naissances au printemps et une taille critique atteinte par plusieurs colonies installées à l’Est et au Sud, permettant un « essaimage » au-delà de l’aire de dispersion habituelle de l’espèce. Suite à cet afflux, les premiers cas de nidification ont été notés en Allemagne en 2022, et plus précisément en Bavière : au moins trois nids (au moins six poussins nés) ont été trouvés dans l’arrondissement (« Landkreis ») de Bamberg et au moins six (environ 30 jeunes nés) dans celui de Schweinfurt. L’espèce a également niché en Tchéquie en 2022 (et en 2023), Au mois d’août 2023, un nouvel afflux s’est produit en Europe centrale (lire Nouvelle arrivée estivale importante de Cormorans pygmées en Europe centrale en août 2023).
Plusieurs facteurs peuvent expliquer cette augmentation : les différentes mesures de conservation prises dans la plupart des pays européens à partir des années 1970, la protection de certaines zones humides où l’espèce niche, les empoissonnements et les alevinages organisés par les pêcheurs, la création de gravières, de bassins piscicoles et de réservoirs, la diminution de la pollution chimique des eaux en Europe centrale et orientale suite à l’effondrement du Bloc de l’Est dans les années 1980, l’eutrophisation des fleuves, des rivières, des étangs et des lacs à cause des épandages agricoles de fumiers, de lisiers et d’engrais dans les champs, qui favorise des poissons appréciés par le Cormoran pygmée, le réchauffement climatique, qui contribuerait notamment à sa progression en Russie, et une vitesse de développement (croissance corporelle) et un taux de survie des jeunes plus importants que ceux du Grand Cormoran.
Situation de la Dombes (Ain). |
En France, le Cormoran pygmée est un oiseau non nicheur et rare, mais le nombre d’observations est en nette progression depuis une dizaine d’années et l’espèce y est désormais annuelle (voir une synthèse des observations récentes en France), et une installation à moyen terme de l’espèce dans l’hexagone était à prévoir (lire Le Cormoran pygmée en France : vers une installation future ?).
Selon un article publié sur le site web Post-Ornithos, la première nidification de l’espèce dans l’hexagone a probablement eu lieu en 2024 dans la Dombes, une région d’étangs créés pour la pisciculture située dans le département de l’Ain (lire Une population de Talèves sultanes va-t-elle s’établir dans la Dombes ?). Durant l’hiver 2023-2024, quatre individus avaient hiverné sur les plans d’eau de Miribel-Jonage (Ain-Rhône), situés à moins de 30 km au sud.
Le 27 juillet 2024, Marc et Pierre Crouzier ont repéré un adulte en vol qui s’est posé dans un petit étang des Dombes d’accès difficile, envahi de branches mortes et de buissons feuillus immergés, comparable aux milieux de reproduction de l’espèce en Roumanie ou en Hongrie. Intrigués, les deux observateurs ont décidé de suivre assidûment ce site. Un autre adulte a été repéré, et les deux oiseaux ont été notés quasi quotidiennement jusqu’au 11 août. Le 15 août, l’un d’entre eux était accompagné de deux très jeunes oiseaux en plumage juvénile typique (dessous brun clair, dessus brun foncé avec des liserés crème aux scapulaires et aux couvertures sus-alaires, tête brun-roux montrant des restes de duvet ici et là et avec un très petit bec), manifestement envolés de fraîche date, et encore présents le 19 août au moins.
Le 17 novembre 2024, sept Cormorans pygmées ont été observés dans un dortoir de Grands Cormorans. Le 6 décembre, il ne restait plus qu’un juvénile. De manière intéressante, la diminution des effectifs dombistes semble étroitement corrélée à l’apparition puis à l’augmentation du nombre des oiseaux sur les plans d’eau de Miribel-Jonage.
En 2025, la configuration du site de reproduction utilisé en 2024 était beaucoup moins favorable, et l’espèce n’a pas été notée, mais à la fin du mois d’août, trois oiseaux ont été photographiés à Bouligneux (Ain), un autre étang situé dans le centre de la Dombes. D’après l’examen des photos publiées sur le site web Faune-France, deux des oiseaux étaient manifestement des jeunes de l’année et le troisième semblait en plumage adulte, ce qui permet de soupçonner un second cas de reproduction dans l’Ain en 2025.
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Compléments
Dans la rubrique Observations d’Ornithomedia.com
Cormoran pygmée (Microcarbo pygmaeus)
Dans la galerie d’Ornithomedia.com
Cormoran pygmée (Microcarbo pygmaeus)
Ouvrage recommandé
Le guide Ornitho de L. Svensson et al
Sources
- Pierre Crouzier (2025). Le Cormoran pygmée a très probablement niché en France en 2024. Post-Ornithos. Date : 30/08. marcduquet.com
- Birdguides (2025). Pygmy Cormorant expands range with likely first breeding in France. Date : 02/09. www.birdguides.com





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