Le Guillemot à cou blanc (Synthliboramphus antiquus) est un petit oiseau marin (longueur de 20 à 24  cm) appartenant à la famille des Alcidés. Il a la tête, la gorge et la nuque noires, le dos gris, les flancs gris tachetés de blanc, et les côtés du cou, la poitrine et le ventre blancs. Son bec est court et pâle. L’adulte en plumage nuptial a les sourcils et le cou striés de blanc, ce qui lui donne l’impression d’avoir des « cheveux blancs », d’où son nom scientifique antiquus. En plumage internuptial, la gorge devient blanche. Les couvertures sous-alaires sont blanches, contrastant fortement avec les rémiges sombres

Guillemot à cou blanc (Synthliboramphus antiquus) 

Guillemot à cou blanc (Synthliboramphus antiquus) à l’embouchure du fleuve Odiel, en Andalousie (Espagne), le 26 mai 2023 : il s’agissait que la troisième donnée de cette espèce pour le Paléarctique occidental (cliquez sur la photo pour l’agrandir).
Photographie : Fernando Portillo de Cea / Fer_Birding

Il se nourrit de crustacés principalement, mais aussi de petits poissons. Il forme des colonies, dont la plus grande est celle de Frederick Island en Colombie-Britannique (Canada). La femelle pond en mars de un à deux œufs dans un terrier creusé sous les graminées ou des arbres, parfois dans des crevasses de rochers. Les petits ne sont pas nourris dans le nid, mais en mer, dès l’âge d’un à trois jours après l’éclosion, et pendant un mois par les deux parents.

Il se reproduit du sud-ouest de l’Alaska (îles du Commandeur) à la Colombie-Britannique (Canada), et des îles du Commandeur et de la péninsule du Kamchatka (Russie) (lire Séjour ornithologique au Kamtchatka en juin-juillet 2006 : première partie) au nord de la Chine. Il hiverne en mer au large de ses zones de nidification et il atteint la Californie et Taïwan. C’est l’une des rares espèces à traverser entièrement l’océan Pacifique Nord, volant quatre à cinq heures par jour. 

Des études génétiques ont montré que le Guillemot à cou blanc était d’origine asiatique, et qu’il avait colonisé assez récemment l’Amérique du Nord.

Deux sous-espèces sont reconnues :

  • S. a. antiquus des îles Aléoutiennes (Russie) à l’ouest du Canada.
  • S. a. microrhynchos sur les îles du Commandeur (Russie).

Il n’est pas menacé, mais il est sensible à la pollution marine, et en particulier aux marées noires.

Le Guillemot à cou blanc est très rare en dehors de l’océan Pacifique Nord, mais des oiseaux sont parfois notés (plus de 100 données homologuées) plus à l’Est, dans la région des Grands Lacs et le long des côtes atlantiques des États-Unis. En Europe, et plus largement dans le Péaléarctique occidental (lire Qu’est-ce que le Paléarctique occidental ?), il est exceptionnel, avec seulement trois données confirmées  : une en Grande-Bretagne en mai 1990 (revu en 1991 et 1992), une en Finlande en novembre 2021 (lire Comment expliquer l’arrivée d’un Guillemot à cou blanc en Finlande en novembre 2021 ?) et un en Espagne en mai 2023 (lire Un visiteur exceptionnel venu du Pacifique : un Guillemot à cou blanc découvert sur la côte andalouse en mai 2023). 

Situation de Kópasker (Islande)

Situation de Kópasker (Islande).
Carte : Ornithomedia.com 

Un quatrième Guillemot à cou blanc a été découvert le 13 juin 2025 par Guðmundur Örn Benediktsson dans une baie à l’ouest du village de Kópasker, dans la région de Norðurland eystra, au nord de l’Islande, où il était encore présent le 14 juin au moins. Cette information et deux photos prises par Yann Kolbeinsson ont été publiées sur la page Facebook de Birdng Iceland. Il s’agit de la première donnée de cette espèce pour l’Islande.

Il ne s’agit pas du premier cas d’un Alcidé originaire des côtes du nord de l’Océan Pacifique ayant atteint l’Europe : citons par exemple une Starique perroquet (Aethia psittacula) sur le lac Vattern en Suède en décembre 1860 et une Starique cristatelle (Aethia cristatella) au nord de l’Islande en août 1912, et plus récemment un Macareux huppé (Fratercula cirrhata) près de Faversham dans le Kent (Grande-Bretagne) le 16 septembre 2009 (lire Observation d’un Macareux huppé en Grande-Bretagne) et deux Guillemots à long bec (Brachyramphus perdix) en Suisse entre le 15 et le 17 décembre 1997 et à Dawlish Warren dans le Devon (Grande-Bretagne) en novembre 2006 (Brachyramphus perdix) (lire Un Guillemot à long bec en Grande-Bretagne).

Le Guillemot à cou blanc peut effectuer de grands déplacements, loin de son aire de nidification : on recense en effet plus de cent données de Guillemots à cou blanc dans le centre et l’est de l’Amérique du Nord, jusqu’à la Floride et à la Louisiane. Il faut préciser que cette espèce est capable de survivre longtemps sur des lacs d’eau douce (voir la vidéo d’un oiseau sur le lac Michigan en novembre 2019).

Aire de répartition du Guillemot à cou blanc

Aire de répartition du Guillemot à cou blanc (Synthliboramphus antiquus) : en bleu sombre, les zones d’hivernage et en (C) les principales colonies (en rouge et en violet). Depuis les années 2000, on assiste à une progression vers le nord (flèche orange) de la répartition de l’espèce à la fin de l’été, qui franchit désormais régulièrement le détroit de Béring (D) et stationne dans la mer des Tchouktches (en jaune). 
Carte : Ornithomedia.com d’après Cephas et le National Snow and Ice Data Center

L’individu découvert en Islande en juin 2025 pourrait avoir dans un premier temps traversé l’Amérique du Nord, puis avoir été entraîné de l’autre côté de l’océan Atlantique par les vents accompagnant une dépression. Les tempêtes automnales et hivernales peuvent en effet pousser des Alcidés sur les côtes ou à l’intérieur des terres, comme le Mergule nain (Alle alle), le Guillemot de Troïl ou le Macareux moine (Fratercula arctica) (lire Important échouage de Macareux moines le long du littoral atlantique français).

On assiste depuis une vingtaine d’années à une progression vers le nord de l’aire de répartition du Guillemot à cou blanc : il niche ainsi probablement désormais dans les îles Pribilof (lire Observer les oiseaux des îles Pribilof), soit près de 300 km au nord de ses colonies les plus nordiques, situées dans les îles Aléoutiennes. Sur l’île Saint-Laurent, située à 100 km au sud du détroit de Béring, plus de 100 oiseaux (principalement des adultes en plumage internuptial) sont observés chaque automne depuis 2008 environ. Depuis le début des années 2000, on constate aussi à une augmentation du nombre de données dans la mer des Tchouktches, au nord du détroit : des centaines d’individus sont observés chaque année entre le début du mois d’août et la fin du mois d’octobre. Il est encore rare dans la mer de Beaufort, mais il y est de plus en plus souvent signalé entre la fin août et la fin septembre. Cette espèce pourrait donc exploiter de nouvelles zones de dispersion postnuptiale, voire explorer de nouveaux sites potentiels de nidification.

D’une manière générale, l’ouverture du passage du Nord-ouest (l’espace maritime s’étendant au nord-ouest du Canada) a contribué depuis une vingtaine d’années à augmenter les échanges des populations animales (algues, poissons, oiseaux et mammifères marins) entre les océans Pacifique Nord et Arctique : le Fou de Bassan (Morus bassanus) est ainsi de plus en plus souvent noté le long des côtes de l’océan Pacifique, et des Macareux huppés et cornus ont été récemment observés au nord du Canada et au Groenland. 

Les Guillemots à cou blanc observés en Europe auraient donc pu utiliser le passage du Nord-Ouest, désormais libre de glace en été, puis longer les côtes du Groenland, comme cela a déjà été constaté pour les Macareux huppés et cornus (lire Le réchauffement climatique pourrait favoriser l’installation des Macareux huppé et cornu dans l’Atlantique Nord), ou bien il aurait pu suivre les côtes arctiques russes, même si cette hypothèse semble moins probable (ou moins documentée). 

Cette hypothèse d’une arrivée d’alcidés originaires des côtes de l’océan Pacifique via le passage du Nord-Ouest pourrait également expliquer les observations de deux Stariques cristatelles adultes au nord de l’Islande en août 1912 et près de Nuuk, au sud-ouest du Groenland, entre 1986 et 1972 , ainsi que celle d’un Starique perroquet adulte sur le lac Vättern, en Suède en décembre 1860. Après leur saison de reproduction, qui se déroule d’août à octobre, un nombre important de ces petits alcidés originaires de l’océan Pacifique se déplace en effet vers le Nord, vers les mers des Tchouktches et de Beaufort, malgré leurs eaux relativement peu productives. Des individus errants pourraient donc arriver dès la fin de l’été ou la fin de l’automne le long de la côte atlantique du continent nord-américain. Ce scénario semble confirmé par les observations de Stariques cristatelles (et d’autres alcidés originaires de l’océan Pacifique) épuisées à l’intérieur de l’Alaska et du nord du Canada.

Certains oiseaux pourraient pourraient ensuite rester dans l’océan Atlantique, la survie hivernale en mer en dehors de leur aire de répartition habituelle d’alcidés originaires du Pacifique ayant par exemple été documentée chez le Guillemot de Kittlitz  (Brachyramphus brevirostris) : on pourrait donc envisager l’hypothèse que le Guillemot à cou blanc découvert en Islande en juin 2025 est le même que celui qui a été vu en Espagne en mai 2023, et qui remonterait peu à peu vers le nord du continent américain. 

Vidéo du Guillemot à cou blanc (Synthliboramphus antiquus) découvert à l’embouchure du fleuve Odiel, en Andalousie (Espagne), en mai 2023.
Source : Sara Manga

Réagir à notre article

Réagissez à cet article en publiant un commentaire