L’avifaune de la Colombie est la plus riche du monde, avec plus de 1 979 espèces d’oiseaux observées, grâce à sa situation de carrefour géographique entre l’Amérique centrale et du Sud, et à la diversité de son relief et de ses habitats. Des oiseaux nouveaux pour la science y sont encore décrits assez régulièrement. 

Situation de la Sierra Nevada de Santa Marta (Colombie)

Situation de la Sierra Nevada de Santa Marta (Colombie).
Carte : Ornithomedia.com

La Sierra Nevada de Santa Marta est un massif montagneux colombien, de forme pyramidale isolé des autres chaînes du pays et bordé au nord par la mer des Caraïbes. Elle culmine à 5 775 mètres d’altitude à seulement 46 km de la côte, ce qui fait d’elle la zone montagneuse côtière la plus haute du monde. Du fait de son isolement géographique et de la variété unique de ses habitats naturels sur une relative faible surface (11 000 km²), sa richesse ornithologique est  impressionnantes : plus de 673 espèces d’oiseaux y ont été observées, dont 22 sont endémiques, une concentration exceptionnelle au niveau mondial (lire Observer les oiseaux dans la Sierra Nevada de Santa Marta). 
 
La plupart de son territoire est inclus dans un parc national, une Zone Importante pour la Conservation des Oiseaux, appelée la « Cuchilla de San Lorenzo » a été désignée, et la fondation ProAves y a créé la réserve El Dorado sur 1 300 hectares. Mais malgré toutes ces protections, de nombreuses menaces subsistent : il reste ainsi moins de 15 % de la couverture forestière originale du massif, et le déboisement, notamment agricole, demeure important. Le páramo (végétation arbustive dense altitude) reste en particulier menacé par les brûlis saisonniers et le surpâturage.  

Une visite de la réserve El Dorado permet d’observer la quasi-totalité des oiseaux endémiques de ce massif montagneux. Sur son site web, la fondation ProAves a annoncé en février 2024 qu’un de ses membres, Nemesio Andres Gulfo, avait récemment découvert une grallaire (genre Grallaria) de grande taille, a priori non encore décrite, qui se nourrissait au sol à proximité de l’écolodge de la zone protégée, et des ornithologues de l’association se sont immédiatement rendus sur place pour essayer de l’identifier. Il ressemble à la Grallaire ondée (Grallaria squamigera), une espèce vivant dans les cordillères andines de Colombie, mais après des observations intensives,  enregistrements de ses vocalisations et des mesures effectuées après une brève capture, l’équipe de ProAves a pu confirmer qu’il s’agissait d’une très probable espèce nouvelle pour la science. 

Le dessus de sa tête est gris-bleu, son dos et ses ailes sont gris-violet, et sa poitrine et son ventre présentent un dense motif écaillé gris et jaune. Son dessin facial est caractéristique, avec deux traits malaires et un collier noirs encadrant une gorge blanche. Ses vocalisations sont particulièrement intéressantes car elles ressemblent beaucoup à celles d’une autre espèce également présente dans la réserve, ce qui explique certainement, en plus de sa discrétion, qu’elle n’ait pas été repérée plus tôt par les nombreux observateurs (plus de 10 000)  qui ont déjà visité la réserve depuis 2005. En 2015, Sophie Osborn et Chad Olson avaient certes observé pendant cinq minutes un probable individu appartenant à cette espèce pendant cinq minutes, mais une seule une photographie lointaine et floue avait été prise et ils avaient considéré qu’il s’agissait d’une Grallaire ondée. 

Fait amusant, cette nouvelle espèce a été découverte dans l’ancienne propriété de Melbourne Carriker, l’un des collectionneurs d’oiseaux les plus célèbres d’Amérique du Sud au début du XXe siècle, qui ne l’avait pourtant jamais remarquée. Elle semble être étroitement apparentée à la Grande Grallaire (Grallaria excelsa), qui n’est connue que dans les forêts subtropicales de la Sierra Nevada de Mérida (Venezuela), distante de plus de 400 km.  

Plusieurs études doivent encore être effectuées pour confirmer le statut taxonomique de ce passereau, mais l’équipe de ProAves lui a déjà provisoirement donné le nom de Grallaire d’El Dorado, avant une probable future description officielle. Une équipe composée de Nemesio Andres Gulfo, d’Alex Cortes, de Juan Carlos Luna, de Paul Salaman et de Thomas Donegan, espère rassembler en 2024 tous les éléments nécessaires : en particulier, des analyses phylogénétiques seront menées en collaboration avec l’Université d’Antioquia à partir du sang prélevé sur l’individu capturé puis relâché.

Vidéo de la probable nouvelle espèce de grallaire (Grallaria sp.) découverte récemment dans la réserve El Dorado ProAves, dans la Sierra Nevada de Santa Marta (Colombie).
Source : Fundación ProAves

Réagir à notre article

Réagissez à cet article en publiant un commentaire