Le Faucon kobez (Falco vespertinus) se reproduit dans les zones ouvertes (steppes et cultures) s’étendant de la Slovaquie, de la Hongrie et de l’Italie (lire Les populations de Faucons crécerellettes et kobez semblent toujours en progression dans la plaine du Pô en 2019) à la Sibérie (lac Baïkal). Sa population européenne serait comprise entre 30 000 et 64 000 couples. Il hiverne en Afrique australe en survolant au automne les Balkans et l’est du bassin méditerranéen à partir du mois d’août, et rejoignant en avril-mai ses sites de nidification. Ce rapace est connu pour ses irruptions printanières en avril et surtout en mai (lire Comment peut-on expliquer les afflux printaniers de Faucons kobez ?), mais ces phénomènes peuvent également se produire, bien que plus rarement, en automne : par exemple en août-septembre 1996, des afflux avaient été constatés au Danemark (environ 45 oiseaux) et en Lettonie (plus de 30 individus signalés quotidiennement dans les environs de Liepāja).

Aire de nidification européenne du Faucon kobez (Falco vespertinus) et données en Allemagne en septembre 2023

Aire de nidification européenne du Faucon kobez (Falco vespertinus) et données de jeunes individus en Allemagne, en France et en Grande-Bretagne en septembre 2023 (points rouges).
Carte : Ornithomedia.com d’après Ornitho.de et Orta and Kirwan (2017)

Entre 2014 et 2016, 2 805 Faucons kobez avaient été comptés au total entre août et septembre dans le centre-est de la Pologne (principalement dans la province de Mazovie), contre une moyenne de moins de dix individus lors d’une saison normale. Un article publié en 2017 dans le Polish Journal of Ecology avait décrit les caractéristiques de ces trois irruptions automnales : 73 % étaient des oiseaux de première année, ils chassaient essentiellement des coléoptères et des orthoptères, et le pic de leur passage était atteint autour du 20 septembre. Par rapport à un automne habituel, la seule différence météorologique notable était que des vents d’Est et de Sud-est, qui accompagnaient des anticyclones centrés sur le nord-est de l’Europe, soufflaient légèrement plus forts et de façon plus constante, ce qui aurait pu favoriser l’arrivée de ces rapaces orientaux. La température moyenne était aussi légèrement supérieure (17,7 degrés contre 16,6 degrés), ce qui aurait pu prolonger leur période de dispersion postnuptiale et augmenter l’activité des insectes. Les auteurs évoquent l’influence possible du réchauffement climatique sur ces variations météorologiques, qui pourrait ainsi indirectement augmenter la fréquence des irruptions automnales de jeunes Faucons kobez en Europe centrale.

Un facteur certainement plus important a aussi été abordé par les auteurs de l’article : l’accroissement des populations nicheuses et de leur productivité dans les pays voisins, principalement en Hongrie, où le nombre de couples a augmenté de façon constante depuis 2010 : il a ainsi doublé entre 2006 et 2014, grâce notamment à la pose de nichoirs. Toutefois, chez cette espèce, les variations interannuelles peuvent être importantes : par exemple, sur la période 2000-2009, le nombre de couples a évolué entre 61 et 179 dans la région de la Voïvodine (Serbie), diminuant fortement en 2006 et en 2010.

Depuis le 10 septembre 2023 environ, un afflux particulièrement important de Faucons kobez de première année (très majoritairement) semble se produire en Allemagne : rien que le 17 septembre, près de 120 oiseaux ont été signalés sur le site web Ornitho.de, principalement dans le centre-ouest du pays. Sur le réseau social X (ex-Twitter), l’association Hessische Gesellschaft für Ornithologie und Naturschutz a signalé que depuis le début du mois , 34 jeunes individus avaient été observés dans la Hesse, soit le plus fort afflux depuis les années 1990 dans ce Länder. En nous basant sur l’article publié en 2017 dans le Polish Journal of Ecology, plusieurs hypothèses pourraient donc expliquer ce phénomène : des vents d’Est et de Sud-est soutenus, des températures élevées de fin de l’été et un nombre important de naissances dans les populations d’Europe orientale. Selon une étude publiée en 2020 dans la revue BioRXiv analysant les origines de 18 Faucons kobez immatures (de première ou de seconde année) bagués observés en Allemagne (majoritairement en août et en septembre), 14 provenaient de Hongrie, trois d’Italie et un de Roumanie.

Cet afflux estival d’une espèce orientale en Allemagne rappelle celle des Cormorans pygmées dans ce pays et dans les nations frontalières, dont la France et la Suisse (lire Nouvelle arrivée estivale importante de Cormorans pygmées en Europe centrale en août 2023).

Nous n’avons pas trouvé d’informations sur une éventuelle arrivée automnale particulièrement importante dans les pays frontaliers de l’Allemagne. En France, les observations de deux oiseaux près de Menoncourt (Territoire-de-Belfort) le 16 septembre, de quatre individus (de première année d’après les photos) près de Thiébouhans (Doubs) le 18 septembre et de trois autres (également des jeunes d’après les photos) près de Glamondans (Doubs) le 19 septembre (source : Ornitho.fr) pourraient toutefois être liées à l’afflux allemand.

En Grande-Bretagne, la donnée d’un jeune individu trouvé le 19 septembre 2023 dans la lande d’Eglingham, près d’Alnwick, dans le Northumberland, au nord-est du pays, pourrait aussi être corrélée à ce phénomène.

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