La Marouette de Baillon (Zapornia pusilla) est une petite espèce de Rallidé très rare en Europe, où il est menacée d’extinction (elle est inscrite sur l’annexe I de la Directive Oiseaux de l’Union Européenne) : sa petite taille, son habitat (végétation marécageuse basse et dense), son comportement plutôt nocturne et son chant inhabituel, ressemblant beaucoup à celui de la Grenouille de Lessona (Pelophylax lessonae), en font toutefois une espèce méconnue, dont les effectifs exacts sont difficiles à estimer.  

En France, la Marouette de Baillon est une migratrice rare mais régulière dans le sud du pays (lire Où observer les marouettes dans les régions méditerranéennes françaises ?). C’est également une nicheuse très rare, même si le nombre de couples est difficile à estimer. Jusqu’en 2018, seuls quelques chanteurs (moins de dix) étaient repérés chaque printemps dans le pays, mais dans le rapport des oiseaux nicheurs rares publié en 2021 dans la revue Ornithos, on apprend que l’année 2019 a été marquée par un nombre record de mâles vocalisant, avec 19 individus contactés en juin, dont au moins 14 en Grande-Brière (Loire-Atlantique) (lire Observer les oiseaux au pays du roseau : la Grande Brière Mottière) suite à des prospections ciblées nocturnes. Des chanteurs ont aussi été trouvés en Brenne, dans les Landes et dans la Somme. Les milieux fréquentés sont surtout des cariçaies et des peuplements de jussies, et leur surface est parfois très réduite. Il y aurait sans doute davantage de chanteurs de cette espèce que de Marouettes poussins (Z. parva). Des recherches plus ciblées et plus systématiques menées en 2020 et en 2021 ont permis de confirmer cette hausse du nombre de chanteurs repérés, avec de 19 à 21 en 2020 et de 15 à 19 en 2021, dont 1 à 12 dans la plaine maritime picarde (lire Où observer les oiseaux dans la baie et dans la basse vallée de la Somme ?).

Situation de l'étang du Canet ou de Saint-Nazaire (Pyrénées-Orientales)

Situation de l’étang de Canet ou de Saint-Nazaire (Pyrénées-Orientales).
Carte : Ornithomedia.com

L’étang de Canet ou de Saint-Nazaire est une lagune saumâtre peu profonde de 480 hectares située dans la plaine du Roussillon, à 25 km au nord de la frontière espagnole, entre les villages du Canet-en-Roussillon, de Saint-Nazaire, de Saint-Cyprien et d’Alénya. Il est séparé de la Méditerranée par un cordon dunaire (lido) de 3 km de long, et ne communique avec elle que par un chenal, le grau des Basses.  Cette zone humide se caractérise par une grande variété de biotopes : plages, dunes mobiles et fixées, lagune, mares permanentes et temporaires, canaux et cours d’eau, sansouires, prés salés, prairies humides, roselières, cultures, ripisylves, bosquets et fourrés méditerranéens.

Plus de 250 espèces d’oiseaux y ont déjà été observées. Elle accueille des nicheurs remarquables comme le Blongios nain (Ixobrychus minutus), la Lusciniole à moustaches (Acrocephalus melanopogon) ou la Talève sultane (Porphyrio porphyrio), cette dernière étant devenue rare (lire Observer les oiseaux de l’étang de Canet ou de Saint-Nazaire).

Charles Navarro nous avait signalé qu’une Marouette de Baillon adulte et deux poussins avaient été observés furtivement à plusieurs reprises le 12 août 2019 dans une roselière basse inondée bordant l’étang après plusieurs semaines de suivis réguliers dans des zones favorables. Il nous a nouveau informé de la nidification de l’espèce en juillet 2025 dans cette zone humide. Le premier indice de cette reproduction remonte au 29 avril, lorsqu’un contact acoustique nocturne avec un mâle chanteur avait été établi, suivi d’enregistrements sonores réalisés durant la semaine suivante dans une zone humide peu profonde, à la végétation dense. La végétation, qui occupait la quasi totalité de la zone (moins de 2 % d’eau libre), était essentiellement composée de joncs, avec près de 70 % de la surface, mais de Roseaux communs ou Phragmites (Phragmites australis) et de hautes herbes. Des prospections régulières et discrètes, effectuées à distance, n’avaient alors pas permis de confirmer visuellement la présence de l’espèce.

Marouette de Baillon (Zapornia pusilla) juvénile

Marouette de Baillon (Zapornia pusilla) juvénile dans un marais près de l’étang de Canet (Pyrénées-Orientales) en juillet 2025 (cliquez sur la photo pour l’agrandir).
Photographie : Renaud Counienc

Le 13 juillet, en début de matinée, trois individus (deux juvéniles et un adulte) de taille comparable ont été observés ensemble à environ 800 mètres du lieu initial du contact acoustique. Deux d’entre eux, peu farouches, s’alimentaient sur la rive, à faible distance de l’observateur, le troisième se tenant un peu plus en retrait. L’observation, effectuée d’abord à l’œil nu, puis aux jumelles, n’a duré quelques minutes. L’habitat était composé d’îlots denses de phragmites et de rives vaseuses et de petites mares peu profondes. Le niveau d’eau n’était de quelques centimètres en queue de marais.  

Les 15 et 17 juillet, un seul oiseau a été observé à chaque visite. Au même endroit, un Râle d’eau (Rallus aquaticus) juvénile et une Talève sultane adulte ont également été photographiés.

Il s’agit donc du premier cas confirmée de nidification de l’espèce sur le site depuis 2019, la dernière donnée précédente remontant à 2005, dans un autre secteur de l’étang de Canet : un adulte avec deux poussins avaient alors été signalé (observation de Charles Navarro, une donnée non homologuée faute de photographie). 

Le site choisi en juillet 2025 pour la nidification était très favorable : il était petit mais tranquille et protégé de toute présence humaine directe, il était composé d’une végétation dense, et le niveau d’eau était faible grâce à des conditions météorologiques printanières favorables (précipitations modérées ayant permis le maintien d’un niveau d’eau bas et constant au printemps comme en été). D’autres rallidés y ont également niché : la Foulque macroule (Fulica atra), la Gallinule poule-d ’eau (Gallinula chloropus), le Râle d’eau et Talève sultane. L’ensemble de la zone est une mosaïque dense de roselières, de jonchaies et de cariçaies légèrement saumâtres, en bordure de prairies inondables. 

L’été 2025 pourrait avoir été favorable à la reproduction de la Marouette de Baillon en Europe : l’espèce a par exemple de nouveau niché en Autriche après 70 ans sans donnée confirmée (lire La Marouette de Baillon a niché de nouveau en Autriche en 2025, soit 70 ans après la dernière reproduction confirmée). 

Marouette de Baillon (Zapornia pusilla) juvénile

Marouette de Baillon (Zapornia pusilla) juvénile dans un marais près de l’étang de Canet (Pyrénées-Orientales) en juillet 2025 (cliquez sur la photo pour l’agrandir).
Photographie : Renaud Counienc

Talève sultane (Porphyrio porphyrio)

Talève sultane (Porphyrio porphyrio) dans un marais près de l’étang de Canet (Pyrénées-Orientales) en juillet 2025 (cliquez sur la photo pour l’agrandir).
Photographie : Renaud Counienc

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