Le lac de Neusiedl (ou lac Fertő du côté hongrois) est le plus grand lac alcalin (= dont les eaux présentent une concentration élevée en sels carbonatés) d’Europe centrale, avec une superficie de 315 km², dont 240 km² en Autriche (dans la province du Burgenland) et 75 km² en Hongrie (dans la région de Gyor-Moson-Sopron). Il est situé dans la Petite plaine de Hongrie, qui s’étend à l’ouest du bassin des Carpates. Peu profond (moins de deux mètres), il est principalement alimenté en eau par les précipitations, et son niveau peut donc varier en fonction des saisons et des années. Il est bordé par les secondes plus vastes roselières d’Europe, après celles du delta du Danube.

Situation du lac de Neusiedl ou Fertő (Autriche/Hongrie)

Situation du lac de Neusiedl ou Fertő (Autriche/Hongrie).
Carte : Ornithomedia.com

Du fait de sa situation géographique, au croisement des influences du nord de l’Europe, de la Méditerranée et des Balkans, et entre les zones alpine et euro-asiatique, de ses particularités hydrologiques et de la diversité de ses habitats, le lac de Neusiedl est d’une grande richesse ornithologique, avec plus de 350 espèces d’oiseaux déjà observées, dont plusieurs sont rares à l’ouest des Balkans, comme le Cormoran pygmée (Microcarbo pygmeus), la Grande Outarde (Otis tarda) et le Pic syriaque (Dendrocopus syriacus) (lire Les Pics épeiche et syriaque s’hybrideraient régulièrement dans le nord-est de l’Europe). On y trouve aussi d’importantes colonies mixtes de hérons et de Spatules blanches (Platalea leucorodia) et des populations significatives de Luscinioles à moustaches (Acrocephalus melanopogon) et de Marouettes poussins (Zapornia parva) (lire Où observer les oiseaux dans la partie autrichienne du lac de Neusiedl ?).

La Marouette de Baillon (Zapornia pusilla) est une petite espèce de Rallidé très rare en Europe, où il est menacée d’extinction (elle est inscrite sur l’annexe I de la Directive Oiseaux de l’Union Européenne) : sa petite taille, son habitat (végétation marécageuse basse et dense), son comportement plutôt nocturne et son chant inhabituel, ressemblant beaucoup à celui de la Grenouille de Lessona (Pelophylax lessonae), en font toutefois une espèce méconnue, dont les effectifs exacts sont difficiles à estimer.  

Piège photographique posé dans le parc national de Neusiedlersee-Seewinkel (Autriche)

Piège photographique posé dans le parc national de Neusiedlersee-Seewinkel (Autriche) en 2025 (cliquez sur la photo pour l’agrandir).
Photographie : Jakob Vratny

BirdLife Österreich a annoncé le 28 juillet 2025 sur son site web que trois probables couples ont niché avec succès cette année dans le parc national de Neusiedler See-Seewinkel, une découverte remarquable réalisée grâce aux recherches ciblées de Jakob Vratny, qui a posé plusieurs pièges photographiques (lire Utiliser les pièges photographiques pour étudier et observer les oiseaux). 

Il explique : « après avoir entendu trois mâles chanter simultanément en mai 2025, il était raisonnable de soupçonner la présence de femelles dans la région et la possibilité d’une nidification cette année ». En effet, le premier jeune oiseau a été photographié dès la fin juin, et en juillet, d’autres traces de jeunes issus de trois couvées ont été repérées. Les différents stades de développement de poussins observés sur les clichés réalisés par les pièges photographiques suggèrent la nidification de trois couples. Le contrôle du niveau d’eau effectué par le parc semble donc avoir profité à la Marouette de Baillon, mais aussi aux autres espèces partageant son habitat. Le dernier cas de reproduction avéré en Autriche remontait à 1955. 

BirdLife Österreich précise qu’une possible reproduction a également été suspectée sur une zone humide renaturalisée du domaine de St. Martins Therme & Lodge, non loin du lac de Neusiedl, mais elle n’a pas pu être confirmée. Néanmoins, cette tentative de reproduction démontre que la restauration de marais peut jouer un rôle crucial pour la conservation d’espèces menacées, dont la Marouette de Baillon (lire Le Groene Jonker aux Pays-Bas, une vraie réussite).

La découverte cette année de trois probables couples nicheurs de Marouettes de Baillon dans l’est de l’Autriche s’inscrit dans le cadre d’une augmentation du nombre de chanteurs entendus ou observés en Europe de l’Ouest depuis quelques années, et notamment depuis 2012 (lire 2012, une année à Marouettes de Baillon en Europe de l’Ouest).

Poussin de Marouette de Baillon (Zapornia pusilla)

Poussin de Marouette de Baillon (Zapornia pusilla) photographié le 6 juillet 2025 par un piège posé dans le parc national de Neusiedlersee-Seewinkel (Autriche) (cliquez sur la photo pour l’agrandir).
Photographie : Jakob Vratny

En France, la Marouette de Baillon est une migratrice rare mais régulière dans le sud du pays (lire Où observer les marouettes dans les régions méditerranéennes françaises ?). C’est également une nicheuse très rare, même si le nombre de couples est difficile à estimer. Jusqu’en 2018, seuls quelques chanteurs (moins de dix) étaient repérés chaque printemps dans le pays, mais dans le rapport des oiseaux nicheurs rares publié en 2021 dans la revue Ornithos, on apprend que l’année 2019 a été marquée par un nombre record de mâles vocalisant, avec 19 individus contactés en juin, dont au moins 14 en Grande-Brière (Loire-Atlantique) (lire Observer les oiseaux au pays du roseau : la Grande Brière Mottière) suite à des prospections ciblées nocturnes. Des chanteurs ont aussi été trouvés en Brenne, dans les Landes et dans la Somme. Les milieux fréquentés sont surtout des cariçaies et des peuplements de jussies, et leur surface est parfois très réduite. Il y aurait sans doute davantage de chanteurs de cette espèce que de Marouettes poussins (Z. parva). Des recherches plus ciblées et plus systématiques menées en 2020 et en 2021 ont permis de confirmer cette hausse du nombre de chanteurs repérés, avec de 19 à 21 en 2020 et de 15 à 19 en 2021, dont 1 à 12 dans la plaine maritime picarde (lire Où observer les oiseaux dans la baie et dans la basse vallée de la Somme ?).

Aux Pays-Bas, la population de Marouettes de Baillon est aussi en croissance depuis plusieurs années d’après l’European Breeding Bird Atlas 2 : en juin 2012, 37 chanteurs avaient été recensés, dont 21 dans la réserve de De Onlanden, dans la province de Groningue ! Depuis, le nombre de chanteurs a évolué entre 10 en 2015 et 33 en 2019. En Belgique, trois poussins sont nés en 2024 dans la réserve de Viersels Gebroekt (lire Trois poussins de Marouette de Baillon sont nés dans la réserve de Viersels Gebroekt en juillet 2024).

Présentation de l’avifaune du parc national de Neusiedlersee-Seewinkel (Autriche).
Source : NPNeusiedlerSee

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