L’Hirondelle rustique (Hirundo rustica) se reconnaît à sa longue queue échancrée pourvue de gracieux filets, à son plumage bleu métallique sur le dessus et blanc crème sur le dessous, ainsi qu’à la couleur rousse de son front et de sa gorge qui est soulignée d’un collier bleu-noir. Le juvénile a le front et la gorge plus clairs, et sa queue n’a pas de filets. C’est la plus grande des hirondelles nichant en Europe. Elle se distingue de l’Hirondelle de fenêtre (Delichon urbicum) par sa queue plus longue et par l’absence de blanc sur le croupion (lire Identifier les oiseaux du jardin et des parcs au printemps et en été).

Elle niche en Eurasie (de l’Europe au Japon), en Afrique du Nord, au Moyen-Orient, en Asie du Sud et du Sud-est, en Australie, en Amérique du Nord et centrale et en Argentine (installation assez récente). Elle hiverne en Afrique tropicale, en Asie du Sud et du Sud-est, en Australie et en Amérique du Sud. Six sous-espèces sont reconnues, et en Europe, c’est la sous-espèce nominale H. r. rustica qui est présente.

Durant la période de reproduction, l’Hirondelle rustique fréquente des zones ouvertes variées : prairies, bocages, cultures ouvertes, jardins, zones humides, etc. Elle construit son nid à l’intérieur de constructions humaines disposant d’une ouverture permanente : granges, ateliers, étables, garages, entrepôts, remises, etc.    

Lors du choix de leur site de nidification, les Hirondelles rustiques doivent évaluer soigneusement la sécurité des emplacements potentiels, même si elles ont tendance à retourner dans leur ancien nid (lire Les leçons du déplacement réussi d’une colonie d’Hirondelles rustiques suite à la démolition d’une écurie). En outre, elles semblent préfèrer nicher dans ou à proximité d’habitations occupées, la présence humaine leur assurant une certaine protection contre les prédateurs, notamment les rapaces. Ce comportement suggère qu’elles pourraient avoir développé un mécanisme leur permettant de reconnaître et de se souvenir des humains qui pourraient menacer ou compromettre la sécurité de leurs nids.

Dans un article publié en 2025 dans la revue Animal Cognition, des biologistes chinois ont évalué la capacité des Hirondelles rustiques à reconnaître les humains dans leur environnement de nidification en mesurant la distance minimum d’envol des femelles couvant leurs œufs (lire Pourquoi certains oiseaux sont-ils parfois si confiants ?). Ils ont émis l’hypothèse qu’elles feraient preuve d’une plus grande tolérance à l’égard des habitants qu’elles jugeraient « bienveillants » ou en tout cas inoffensifs, s’envolant moins volontiers à leur approche, alors qu’elles quitteraient plus tôt leur nid en présence d’individus inconnus pouvant représenter un danger potentiel.

Situation du village de Caoyang (Chine)

Situation du village de Caoyang (Chine).
Carte : Ornithomedia.com

Ils ont mené leur étude de mai à juillet 2017 dans le village de Caoyang, dans la province du Guangdong, dans le sud de la Chine. Les Hirondelles rustiques y nichent généralement dans les couloirs ouverts reliant les cours. Les habitants des maisons et les expérimentateurs non connus des oiseaux portaient des vêtements neutres. Chaque personne attendait le retour des parents dans leur nid depuis un point fixe situé à 10 m de celui-ci, puis elle commençait à s’en approcher. Afin de minimiser les interférences sonores, elle restait silencieuse tout au long du processus. La distance d’envol, représentant la longueur horizontale entre la position de la personne et l’endroit situé directement sous le nid lorsque l’un des parents s’est envolé, a été mesurée de façon précise. Les résultats obtenus ont été analysés de façon statistique grâce à un modèle linéaire mixte généralisé, le type de personnes (habitant ou inconnu) et le nombre de parents revenant au nid après l’envol étant considérés comme des variables fixes. En outre, les habitants ont été classés en fonction de la régularité de leur présence dans l’habitation.  

Au total, 120 nids ont été étudiés, ce qui a donné lieu à 223 mesures de distances d’envol. Les auteurs ont constaté que les hirondelles s’envolaient moins rapidement quand la personne était connue d’elles, et ils ont aussi noté qu’elles avaient « mémorisé » son visage, leur distance d’envol étant réduite même lorsqu’elles ne l’avait pas revue depuis longtemps.  

Des expériences ultérieures, basées sur l’usage de masques, avaient démontré que certaines espèces d’oiseaux aux capacités cognitives reconnues, comme la Corneille d’Amérique (Corvus brachyrhynchos) et la Pie bavarde (Pica pica), étaient capables de reconnaître les visages des humains (lire Les Pies bavardes peuvent distinguer les humains entre eux). Cette étude suggère donc que les Hirondelles rustiques pourraient également identifier les visiteurs d’une maison, ce qui aurait un impact direct sur leur succès reproducteur : en effet, cela leur permettrait d’économiser leur énergie en évitant les réactions de fuite inutiles, allouant ainsi davantage de ressources à la reproduction et à l’élevage des poussins. Elles pourraient aussi mémoriser à long terme les comportements des humains, ce qui les aiderait à repérer les individus présentant une certaine menace. Ce processus d’apprentissage pourrait se propager d’une génération à une autre au sein d’une population donnée. 

Les auteurs relèvent toutefois deux limites à leurs conclusions : tout d’abord, l’étude était réduite à un village et à une saison de reproduction, et seule la distance minimum d’envol a été utilisée comme indicateur de la capacité des oiseaux à reconnaître des humains. D’autres indicateurs comportementaux pourraient être pris en compte, comme la fréquence et la durée des cris d’alarme.

Hirondelles rustiques (Hirundo rustica) nichant dans une maison dans l’Ontario (Canada).
Source : Backyard Ontario Wildlife

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