La construction d’un nid est une activité essentielle à la réussite de la reproduction de nombreuses espèces d’oiseaux, mais elle est également coûteuse en énergie et en temps., car elle nécessite en effet notamment la recherche d’un site favorable et la collecte et le transport de matériaux. Il n’est pas surprenant que certains réutilisent d’anciens nids, construits ou non par des individus de la même espèce. Cela est notamment le cas pour les oiseaux de taille moyenne ou grande, comme les rapaces, les corbeaux ou les cigognes, dont l’élaboration des nids imposants demande plusieurs jours de travail. De même, les espèces cavicoles réutilisent souvent les cavités creusées par des spécialistes de l’excavation comme les pics (lire La Nyctale de Tengmalm, la hulotte, la filière bois-énergie et l’Épicéa bleu) et les guêpiers (lire Une remarquable colonie mixte de Guêpiers d’Europe, d’Étourneaux sansonnets et de Martinets noirs en Serbie).

Toutefois, la réutilisation d’anciens nids est un phénomène relativement rare, en particulier chez les passereaux, car elle peut augmenter le taux d’échec de la reproduction transmission de parasites, emplacement connu des prédateurs, dégradation due à l’usure, odeurs persistantes des anciens occupants, etc.). Le Martinet noir (Apus apus) est un oiseau migrateur bien connu des villes et villages d’Europe qui se distingue des hirondelles par ses ailes en forme de faucille, son corps plus effilé, sa queue courte et sa coloration globalement noirâtre à l’exception de sa gorge blanchâtre (lire Identifier les oiseaux des jardins et des parcs au printemps et en été). Courant mai, le couple construit un sorte de nid simple en forme de coupe aplatie à partir de matériaux collectés sans se poser (plumes, herbes, fils d’araignée, etc.) collés avec de la salive, principalement dans les interstices et dans les anfractuosités des bâtiments. Ils réutilisent volontiers le même emplacement d’année en année, mais la destruction et la rénovation de nombreux bâtiments anciens les privent souvent de sites de nidification (lire Edward Mayer nous en dit plus sur les briques-nichoirs pour martinets).

Emplacements des deux nids d'Hirondelles de fenêtre occupés par des Martinets noirs

Emplacements des deux nids d’Hirondelles de fenêtre (Delichon urbicum) occupés par des Martinets noirs (Apus apus) à Mayenne (Mayenne) en juin 2025 (cliquez sur la photo pour l’agrandir).
Photographie : Robin Souriou

Étant donné que le Martinet noir est ordinairement cavicole, l’utilisation d’un nid construit par une autre espèce est rare. Le 23 juin 2025, lors d’un inventaire de la faune des milieux bâtis mené dans la ville de Mayenne, située dans le département du même nom, Robin Souriou, jeune naturaliste de 13 ans, et Thomas Girard, salarié de Mayenne Nature Environnement, ont repéré deux juvéniles de Martinets noirs dans deux nids d’Hirondelles de fenêtre (Delichon urbicum) (un dans chaque nid). Ils étaient placés à proximité de 14 autres nids actifs d’hirondelles. 

Même si ce comportement est inhabituel, il n’est pas isolé. Dans un article publié en 2010 dans la revue Ar Vran, Willy Raitière et Patricia Audureau ont en effet ainsi décrit l’observation le 5 juillet 2008 de deux jeunes Martinets noirs dans un nid d’Hirondelles de fenêtre construit sous le toit d’une maison dans le bourg de Bouin (Vendée). Ils ont également énuméré ses cas similaires à Paris en 2007, à Brétigny-sur-Orge (Essonne) au début des années 2000, à Anthon (Isère) dans les années 1990 et près de Loches (Indre-et-Loire) dans les années 1950, mais aussi dans d’autres pays Europe (en Irlande en 2007 et en Allemagne en 1987, 2007 et 2008). Par ailleurs, ils précisent que le Handbuch der Vögel Mitteleuropas évoque des nidifications de Martinets noirs dans des nids d’Hirondelles de fenêtre, ainsi que, plus rarement, dans des terriers d’Hirondelles de rivage (Riparia riparia), dans des vallées fluviales pauvres en arbres.  

Dans un article publié en 2013 dans l’Anuari Ornitològic de les Balears, Xavier Morell et Manuel Suarez ont même décrit le premier cas documenté de parasitage d’un nid d’Hirondelles de fenêtre par le Martinet noir : au cours de l’été 2013, ils ont effet vu un jeune de cette espèce être nourri jusqu’à son envol par deux hirondelles dans le village d’Esporles, sur l’île de Majorque, dans les Baléares (Espagne).  

Dans la ville de Pékin (Chine), où les anciens bâtiments sont de plus en plus rares, plusieurs cas de Martinets noirs nichant dans des nids d’Hirondelles rousselines (Cecropsis daurica) sont connus depuis au moins 2011 : ces dernières revenant en moyenne de migration plus tard (au cours de la seconde partie du mois d’avril) que les premiers (début avril) dans la capitale chinoise, les martinets peuvent occuper leurs structures élaborées construites avec de la boue (lire La population française d’Hirondelles rousselines est-elle nettement sous-estimée ?), un comportement rappelant celui du Martinet cafre (A. caffer) dans la péninsule ibérique (lire Le Martinet cafre poursuit son expansion en Espagne).

Jeune Martinet noir (Apus apus) dans un nid d'Hirondelles de fenêtre (Delichon urbicum)

Jeune Martinet noir (Apus apus) dans un nid d’Hirondelles de fenêtre (Delichon urbicum) à Mayenne (Mayenne) le 23 juin 2025 (cliquez sur la photo pour l’agrandir).
Photographie : >Robin Souriou
Jeune Martinet noir (Apus apus) dans un nid d'Hirondelles de fenêtre (Delichon urbicum)

Jeune Martinet noir (Apus apus) dans un nid d’Hirondelles de fenêtre (Delichon urbicum) à Mayenne (Mayenne) le 23 juin 2025 (cliquez sur la photo pour l’agrandir).
Photographie : Robin Souriou

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