Pratique | Identification
Identification d’un Bécasseau de Bonaparte en Indre-et-Loire en mai 2025 : ce n’est pas qu’une histoire de croupion blanc
Chevalier guignette (Actitis hypoleucos) à gauche et Bécasseau à croupion blanc ou de Bonaparte (Calidris fuscicollis) le long de la Loire, entre Cangey and Mosnes (Indre-et-Loire), le 8 mai 2025 : notez les flancs et la poitrine striés, les longues ailes et le bec noir légèrement arqué.
Photographie : Arnaud Amaury
Introduction
Les cours moyen et inférieur de la Loire se caractérisent par leurs bancs de sable qui deviennent plus nombreux et plus vastes au printemps et en été, quand le niveau de l’eau baisse. Ils servent de sites de nidification relativement sûrs à plusieurs oiseaux typiques, comme les Sternes pierregarin (Sterna hirundo) et albifrons (Sternula albifrons), l’Œdicnème criard (Burhinus oedicnemus) ou le Petit Gravelot (Charadrius/Thinornis dubius), et des limicoles migrateurs variés y font également halte pour s’y reposer ou s’y nourrir : si leurs effectifs sont moindres qu’au bord de la mer, leur variété est intéressante, et parmi les espèces communes et régulières, des raretés peuvent être trouvées au printemps et en été.
Le 5 mai 2025, un Bécasseau à croupion blanc ou de Bonaparte (Calidris fuscicollis), un échassier nord-américain accidentel en Europe, a ainsi été trouvé par Julien Présent sur l’île sablonneuse des Saugeons, entre Cangey et Mosnes (Indre-et-Loire), où il a été photographié par plusieurs observateurs.
Après une description du Bécasseau à croupion blanc, nous recensons les éléments qui ont servi à identifier l’oiseau de Cangey. Nous remercions Arnaud Amaury, Mathieu Garcia et Benjamin Salvarelli pour leurs clichés et leurs informations.
Abstract
The middle and lower sections of the Loire River are characterized by their sand or gravel banks, which become more numerous and larger in spring and summer, when the water level drops. They serve as relatively safe nesting sites for several typical birds, such as the Common (Sterna hirundo) and Little Terns (Sternula albifrons), the Eurasian Stone-curlew (Burhinus oedicnemus) or the Little Ringed Plover (Charadrius/Thinornis dubius). Various migratory waders also stop there to rest or feed: although their numbers are lower than at the seaside, the variety of species is interesting, and among the common and regular species, rarities can be found in spring and summer.
On May 5, 2025, a White-rumped Sandpiper (Calidris fuscicollis), a North American wading bird that occurs accidentally in Europe, was found by Julien Présent on the sandy island of Saugeons, between the villages of Cangey and Mosnes (Indre-et-Loire), where it was photographed by several birders.
After describing the White-rumped Sandpiper, we list the elements that served to identify the bird found in Cangey. We thank Arnaud Amaury, Mathieu Garcia, and Benjamin Salvarelli for their photographs and information.
Le Bécasseau à croupion blanc ou de Bonaparte (Calidris fuscicollis)
Longueur : 16 – 20 cm.
Description : le Bécasseau à croupion blanc est un petit limicole, avec une longueur intermédiaire entre celles des Bécasseaux minute (C. minuta) et cocorli (C. ferruginea), à la silhouette allongée, due à ses longues ailes (longues projections primaires) qui dépassent l’extrémité de la queue quand elles sont repliées, au bec noirâtre (à base brunâtre, un détail visible de près et dans de bonnes conditions) assez court et légèrement arqué et aux pattes vert-noir relativement courtes. En vol, une étroite barre alaire blanche et un croupion blanc en forme de U sont visibles.
Le juvénile a un dessin de la tête bien marqué, avec une couronne rousse striée de noir et des parotiques (joues) roussâtres contrastant avec la nuque et le cou gris et les sourcils blancs nets.
Le manteau et le dessus des ailes présentent un motif écaillé net roux, blanc et gris, rappelant celui du Bécasseau minute juvénile : en particulier, deux « V » (« bretelles ») blancs sont visibles sur le manteau (dos) et sur les scapulaires.
De fines stries sombres espacées sont visibles sur les flancs et sur la poitrine, qui est également teintée de chamois.
Le juvénile commence sa mue partielle dès le mois d’août et quelques scapulaires grises apparaissant alors. Le plumage de premier été est acquis après une mue partielle qui se déroule à partir de la fin de l’hiver de la seconde année civile et qui touche les plumes du corps, des couvertures alaires et des tertiaires : il présente alors un mélange de caractères juvéniles, comme la calotte et les parotiques encore nettement teintées de roux, mais le dessin du manteau et du dessus des ailes est moins coloré (moins fortement marqué de blanc et de roux) car composé de plumes juvéniles usées et de premier hiver grisâtres. La teinte chamois de la poitrine a disparu.
Après une mue complète des plumes du corps qui se déroule à partir du mois d’août et octobre, le Bécasseau à croupion blanc acquiert un plumage internuptial adulte globalement gris sombre, avec des taches noires éparses sur les ailes, et les sourcils blancs sont alors bien visibles. La poitrine et les flancs sont striés de sombre mais les marques sont moins nettes qu’au printemps.
Le plumage adulte en plumage nuptial apparaît après une mue partielle qui touche les plumes du corps (en dehors des plumes de vol) qui se débute à la fin de l’hiver : les plumes du manteau et du dessus des ailes sont brun-chamois avec le centre noir, la calotte et les parotiques sont brun chaud et striés de sombre et les sourcils blancs sont nets. Les stries sombres sur la poitrine et sur les flancs sont bien nettes et individualisées. Le mâle a une gorge blanche plus étendue que la femelle.
Voix : les cris sont des « tzeet » ou « triiiiit » courts et aigus, répétés, rappelant ceux d’une souris ou d’un insecte. Le chant nuptial particulier est émis lors d’une parade aérienne élaborée effectuée par les deux sexes.
Écoutez ci-dessous un enregistrement des cris du Bécasseau à croupion blanc réalisé en Bolivie le 30 août 2013 par Andrew Spencer (source : Xeno-Canto) :
Habitats : le Bécasseau à croupion blanc niche dans la toundra arctique dense et il stationne en migration et hiverne sur les plages, les vasières, les marais et les prairies inondées à l’intérieur des terres et le long des côtes, souvent en compagnie d’autres petits limicoles.
Aire de répartition : il niche du nord-est de l’Alaska à l’île de Baffin (Canada) et et il passe l’hiver dans le sud-est de l’Amérique du Sud, au sud du tropique du Capricorne, du centre-est du Brésil à la Terre de Feu (Argentine). Il effectue l’une des plus longues migrations d’oiseaux d’Amérique du Nord, parcourant parfois 4 000 kilomètres sans interruption.
Une espèce occasionnelle rare en Europe, plus fréquente en automne qu’au printemps
Le Bécasseau à croupion blanc est un limicole occasionnel rare en Europe, mais sa longue migration, couplée au fait qu’il effectue de longs trajets sans arrêt et que son trajet postnuptial est situé plus à l’est qu’au printemps, en fait l’un des échassiers néarctiques les plus « souvent » observés en Europe à la fin de l’été et au début de l’automne. Il est plus rare au printemps (avril-mai). En Grande-Bretagne et en France, 349 et 28 données homologuées ont été recensées entre 1958 et 2003, la majorité d’entre elles à la fin de cette période, peut-être en raison d’une présence accrue des ornithologues sur le terrain et d’une amélioration de leurs connaissances.
Sur le site web du Comité d’Homologation National, on constate que les années 2013, 2017 et 2019 ont été particulièrement « productives », avec plus de six oiseaux signalés.
Il a été noté dans d’autres pays d’Europe, et notamment en Islande, où il est pratiquement annuel, mais aussi au Maroc, en Turquie et en Israël.
Observation et identification d’un Bécasseau à croupion blanc en Indre-et-Loire en mai 2025
La découverte par Julien Présent d’un Bécasseau à croupion blanc sur l’île sablonneuse des Saugeons, entre les villages de Cangey et Mosnes (Indre-et-Loire), a été publiée le 5 mai 2025 sur la plateforme participative Faune-france.org. Il a été revu et photographié par d’autres observateurs jusqu’au 8 mai au moins.
Plusieurs critères ont permis d’identifier cet individu :
- Un croupion blanc, visible en vol ou quand les ailes sont déployées.
- De longues ailes dépassant largement de l’extrémité de la queue quand l’oiseau est posé. Il semble ainsi très allongé et rappelle un Bécasseau de Baird (C. bairdii). Cette longue projection primaire le distingue notamment du Bécasseau semipalmé (C. pusilla).
- Des stries sombres sur la poitrine et sur les flancs, le distinguant aussi du Bécasseau de Baird.
- Un bec sombre légèrement arqué à base brune plus long que celui du Bécasseau à cou roux (C. ruficollis) entre autres (lire Distinguer les Bécasseaux à cou roux et minute).
- Des sourcils blancs nets.
- Les pattes vert sombre.
Son âge est difficile à déterminer, mais le mélange de plumes chamois et gris au centre noir net sur le manteau et le dessus des ailes suggère un oiseau de premier été (seconde année calendaire) ou un adulte en plumage nuptial. Les rémiges primaires externes peu usées (voir la seconde photo ci-dessous) plaideraient peut-être plutôt en faveur d’un oiseau de premier été, mais les observateurs n’ont pas pu se prononcer.
Une vidéo d’un Bécasseau à croupion blanc adulte en plumage nuptial au Canada
Bécasseau à croupion blanc (Calidris fuscicollis) adulte en plumage nuptial près de Chruchill, dans le Manitoba (Canada), le 8 juin 2012. Notez les stries nettes sur la poitrine et le flanc et la calotte et les parotiques brun chaud.
Source : Daniel Pettersson
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Compléments
Dans la rubrique Observations d’Ornithomedia.com
Bécasseau de Bonaparte (Calidris fuscicollis)
À visiter sur le Web
Le site web collaboratif www.faune-france.org
Ouvrages recommandés
- Le guide Ornitho Killian Mullarney et al
- The Handbook of Bird Identification: For Europe and the Western Palearctic de Mark Beaman, Steve Madge
- Guide des limicoles d’Europe, d’Asie et d’Amérique du Nord Stephen Message et Don Taylor
- The North American Bird Guide David Sibley
- Kaufman Field Guide to Advanced Birding: Understanding what You See and Hear de Kenn Kaufman
Sources
- Gary Allport (2020). First record of White-rumped Sandpiper Calidris fuscicollis for Mozambique. Bulletin of the African Bird Club. Volume : 27. Numéro : 2. www.researchgate.net
- Colin Rogers and Peter Koch (2018). A second record of White-rumped Sandpiper, Calidris fuscicollis, for South Australia, with some comments on identification. South Australian Ornithologist. Numéro : 43. Pages : 1-2. birdssa.asn.au
- Ding Deep (2015). Waders month by month. digdeep1962.wordpress.com
- Bird Observer. White-rumped Sandpiper (Calidris fusicollis) (WRSA). www.birdobserver.org









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