La plaine du Pô, située dans le nord de l’Italie, est la seule zone d’Europe où nichent à la fois les Faucons crécerellette (Falco naumanni), crécerelle (F. tinnunculus) et kobez (F. vespertinus). La première tentative de nidification du premier a été découverte en 2000, et son installation pourrait résulter d’une expansion de l’espèce vers le Nord (lire Le Faucon crécerellette en Italie : progression vers le Nord et hivernage croissant). La première nidification du Faucon kobez remonte en 1995, probablement à partir d’oiseaux venus d’Europe de l’Est (lire Le Faucon kobez, un nicheur récent en Italie). Parallèlement, à partir des années 1980, la plaine a connu une augmentation considérable de la population de Faucons crécerelles.

On ignore les facteurs qui ont contribué à la récente coexistence de ces trois rapaces, mais le réchauffement climatique, la modification du régime pluviométrique (par exemple, des printemps de plus en plus secs dans la plaine du Pô) et les changements des pratiques agricoles et des types de cultures, avec notamment l’expansion des surfaces de luzerne, pourraient être impliqués (lire Le Faucon crécerellette apprécie les champs d’artichauts).

Principales zones de nidification du Faucon kobez en Italie

Principales zones de nidification du Faucon kobez (Falco vespertinus) en Italie.
Carte : Ornithomedia.com d’après Uccelli da proteggere

La population actuelle du Faucon crécerellette dans la plaine du Pô serait comprise entre 134 à 168 couples (période 2020 à 2023), répartis en 59 petites colonies pouvant atteindre 12 couples installées dans des bâtiments ruraux abandonnés. Il y aurait de 109 à 169 couples de Faucons kobez nichant en couples isolés ou en colonies lâches (jusqu’à 20 couples ensemble) dans d’anciens nids de corvidés construits sur des arbres isolés ou dans des rangées d’arbres, principalement près de Parme (Émilie-Romagne) : quatre colonies totalisant 80 couples s’y reproduisent chaque année dans des nichoirs installés par une association locale (lire Les populations de Faucons crécerellettes et kobez semblent toujours en progression dans la plaine du Pô en 2019).

Dans la plaine du Pô, le Faucon crécerelle est très commun. Il fréquente différents habitats, atteignant ses plus grandes densités dans les zones agricoles. Il niche généralement sur des bâtiments agricoles, mais il utilise aussi occasionnellement d’anciens nids de corvidés.  

Ces trois rapaces chassent dans les paysages ouverts (prairies et cultures), où ils utilisent principalement deux tactiques pour repérer leurs proies : se percher depuis un poste d’observation ou voler sur place. Les Faucons kobez et crécerellette se nourrissent principalement de gros insectes, alors que le Faucon crécerelle chasse aussi les petits mammifères et les lézards.

Du fait de leur coexistence unique et récente dans cette partie de l’Europe, ils doivent souvent utiliser les mêmes zones de chasse. Dans un article publié en 2024 sur le site web de l’IRInSubria (Institutional Repository Insubria), Alessandro Berlusconi a présenté les résultats de son étude des relations entre ces trois espèces, en particulier concernant le partage des ressources alimentaires. Il a en particulier constaté que le Faucon kobez pratiquait volontiers le kleptoparasitisme ou cleptoparasitisme (lire L’Aigle impérial pratique volontiers le cleptoparasitisme) et volait fréquemment les proies du Faucon crécerellette, avec lequel il est en compétition directe pour le type de proies et pour les habitats de chasse, mais pas celles du Faucon crécerelle, plus grand et à la niche trophique plus large. 

Dans près de 72 % des observations de Faucons kobez réalisées entre 2020 et 2022, ils étaient vus à proximité de Faucons crécerellettes se nourrissant, et dans 46 % des cas, des « attaques » sur ces derniers ont été notées, leur taux de réussite avoisinant les 34 %, principalement quand les proies transportées étaient moyennes ou grandes. La plupart (56 % pour N = 99) de ces interactions impliquaient des mâles des deux espèces. Ces attaques étaient plus fréquentes pendant la période précédant la reproduction (avril-mai), quand les mâles de Faucons crécerellettes sont très actifs et effectuent de grands déplacements pour rechercher des proies, ce qui les rend potentiellement plus vulnérables aux attaques des Faucons kobez. À leur retour de migration, ces derniers commencent la formation des couples et adoptent un comportement très territorial, affichant des niveaux d’agressivité élevés.

Ce comportement kleptoparasitaire constitue une preuve de la capacité d’opportunisme du Faucon kobez, qui a trouvé ici un moyen de se nourrir de ses proies préférées (gros insectes) tout en limitant ses efforts et les risques (en attaquant notamment à deux contre un),  profitant d’une espèce avec laquelle il ne partage normalement pas les mêmes zones de nidification.  

Ce comportement parasitaire pourrait entraîner à terme une diminution ou au moins une modification de l’aire de répartition du Faucon crécerellette dans le delta du Pô. Cette situation rappelle celle de l’arrivée de l’Élanion blanc (Elanus caeruleus) à Taïwan, qui a provoqué le déclin du Faucon crécerelle (lire L’Élanion blanc serait en train de « chasser » le Faucon crécerelle de l’île de Taïwan). 

Vidéo sur la présence du Faucon kobez (Falco vespertinus) dans la région de Parme, en Émilie-Romagne (Italie).
Source : Maurizio Ravasini

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