Le Rossignol progné (Luscinia luscinia) est très semblable au Rossignol philomèle (L. megarhynchos), mais sa queue et son croupion sont moins roux, son dos est plus gris et le bas de sa gorge et sa poitrine sont habituellement striés. Il niche dans des habitats boisés généralement plus humides que le second.

Son chant est différent : il est moins varié, plus sonore et moins mélodieux, composé d’une série de sons gloussants et tranchants, en strophes souvent entrecoupées de sifflements aigués, mais qu’une certaine convergence vocale ait été observée dans la zone où les deux espèces cohabitent. 

Écoutez ci-dessous un enregistrement du chant du Rossignol philomèle réalisé par Jorge Leitãou Portugal le 23 avril 2025 (source : Xeno-Canto) :

Écoutez ci-dessous un enregistrement du chant du Rossignol progné réalisé par Hannu Varkki en Finlande le 23 mai 2023 (source : Xeno-Canto) :

Le Rossignol progné remplace le Rossignol philomèle du nord-est de l’Europe à la Sibérie. Il hiverne en Afrique australe, alors que le second passe la mauvaise saison en Afrique équatoriale. Leurs deux aires de répartition se chevauchent dans une étroite bande qui va du nord-est de l’Allemagne à la mer Noire, dans laquelle les deux espèces peuvent s’hybrider, les individus issus de ces croisements pouvant peut-être être fertiles. On a constaté que les mâles des couples mixtes étaient généralement des Rossignols prognés. L’isolement reproductif de ces deux passereaux, qui ont divergé il y a environ 1,8 million d’années, serait incomplet, malgré l’existence de différences dans la morphologie de leurs spermatozoïdes, un mécanisme limitant normalement le succès des accouplements interspécifiques. 

Aires de répartition des Rossignols philomèle et progné en Europe

Répartition des Rossignols philomèle (Luscinia megarhynchos) (en rouge) et progné (L. luscinia) (en jaune) en Europe. En orange, la zone de contact. L’emplacement d’une zone d’étude de la cohabitation des deux espèces en Hongrie (voir notre article) est indiqué.   
Carte : Ornithomedia.com d’après le Guide Ornitho

Le Rossignol progné est un visiteur occasionnel rare en Europe de l’Ouest, les données printanières étant plus fréquentes que celles en automne, certainement grâce à une identification plus facile à cette période de l’année par le chant. Depuis les années 1970, son aire de nidification a progressé vers l’ouest du continent (il est par exemple devenu plus commun en Finlande au cours des dernières décennies), mais cela ne s’est pas traduit par un recul de celle du Rossignol philomèle, ce qui suggère un élargissement de la zone où les deux espèces sont sympatriques.

Dans certaines régions, l’expansion du Rossignol progné semble être freinée par certains facteurs, comme l’absence d’habitats favorables : c’est par exemple un nicheur régulier dans l’est de la Slovaquie, alors qu’il ne se reproduit que de façon occasionnel dans l’ouest du pays.

En Hongrie, où il niche dans le nord-est du pays. il est même en déclin : le nombre de couples est ainsi passé par de 30 en moyenne dans les années 1970 à 4 en 1986 dans la haute vallée de la Tisza, alors que sur la même période, le Rossignol philomèle y a étendu son aire. Pourtant, il  y a trente ans, la densité des deux espèces était sensiblement la même dans la haute vallée de la Tisza : ils y cohabitaient de façon sympatrique, le Rossignol philomèle préférant les secteurs les plus secs. Mais l’exploitation sylvicole a dégradé la qualité du sous-bois des forêts alluviales, ce qui aurait désavantagé le Rossignol progné, un oiseau plus territorial.

Le Rossignol philomèle est pourtant plus petit et moins agressif et le Rossignol progné l’a remplacé dans plusieurs régions du sud de la Russie, mais en Hongrie, la fragmentation de son habitat a « changé la donne ». Le réchauffement climatique pourrait aussi avoir joué un rôle en favorisant le Rossignol philomèle, globalement plus méridional (lire Le Rossignol philomèle serait en train de remplacer le Rossignol progné en Hongrie).
  
Dans le rapport « Broedvogels in Nederland in 2023 » publié en 2024 par l’association Sovon, faisant un point sur l’avifaune nicheuse des Pays-Bas en 2023, on découvre qu’un mâle de Rossignol progné a chanté à Harderbroek (province du Flevoland) du 9 au 10 mai, et qu’un couple s’est reproduit avec succès (envol de trois jeunes) en juillet le long de la rivière Drentsche Aa, dans la province de Drenthe. L’espèce avait déjà niché dans le pays en 1995 (envol de cinq jeunes à Zeewolde, dans le Flevoland) et probablement aussi en 2005 à Lelystad, également dans le Flevoland. 

Ce nouveau cas de nidification pourrait s’inscrire dans le cadre de l’expansion vers l’Ouest de cette espèce, même si cette tendance est difficile à suivre du fait des difficultés d’identification. Il serait intéressant que les observateurs vivant à proximité de la zone de chevauchement des aires de répartition des deux rossignols se familiarise davantage avec leurs chants, grâce à l’usage par exemple d’une des nombreuses applications disponibles sur smartphone (lire Applications pour smartphones pour l’identification des oiseaux – Première partie).  

Rossignol progné (Luscinia luscinia) nicheur en à Ogre (Lettonie) en mai 2023.
Source : Aleksejs Ivanovs

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