Les bains de soleil chez les oiseaux

Jeune Mésange bleue (Cyanistes caeruleus)

Jeune Mésange bleue (Cyanistes caeruleus) prenant un bain de soleil en Grande-Bretagne le 12 juillet 2014 (cliquez sur la photo pour l’agrandir)
Photographie : Yvonne Pay / Voir sa galerie Flickr

De nombreux oiseaux appartenant à des familles variées ont déjà été observés prenant des bains de soleil, comme les hérons, les cormorans, les rapaces diurnes (plutôt de taille moyenne ou grande) et nocturnes, les pics, les calaos, les toucans, les columbidés (pigeons et tourterelles), les perroquets, les passereaux (alouettes, hirondelles, merles, fringilles, bruants, Corvidés, etc.), etc. En Amérique du Nord, Hauser avait recensé 33 espèces prenant des bains de soleil durant l’année 1957, mais ce comportement a été décrit chez plus de 170 espèces appartement à 48 familles ou sous-familles. 
Pour Simmons (1964), le bain de soleil serait un comportement inné car il est pratiqué dès le plus jeune âge.
Il serait volontaire et délibéré, mais Goodwin (1967) avait mentionné des cas de bains de soleil « compulsifs » chez des poussins de rapaces et de hérons.  
Cette pratique a été observée un peu partout dans le monde, des régions nordiques aux déserts en passant par les zones tempérées et tropicales.
Les oiseaux peuvent se placer dans différentes positions, l’objectif étant d’exposer le maximum de plumes aux rayons du soleil :

  • posture verticale avec les plumes gonflées et les ailes et la queue étalées (comme les rapaces) ;
  • posture horizontale, posé sur le ventre ou le côté, avec les plumes gonflées et les ailes et la queue écartées et abaissées (comme les merles) ;
  • posture horizontale, posé sur le ventre ou le côté, avec les plumes gonflées, la queue étalée et l’une des ailes relevée (comme les pigeons). Brown et Davies (1949) ont vu une rousserolle (genre Acrocephalus) soulever l’une de ses ailes alors qu’elle protégeait ses poussins de la chaleur, peut-être pour rafraîchir sa veine sous-alaire

Certains oiseaux s’exposent plus simplement, en gardant les ailes fermées comme les canards. 
Pendant leur bain de soleil, les oiseaux peuvent ouvrir leur bec et regarder fixement vers le soleil comme le Merle noir.
Les bains de soleil ne durent généralement que quelques minutes, mais parfois plus d’un quart d’heure comme chez les vautours. Les oiseaux peuvent se placer sur un sol sablonneux, terreux, rocailleux, rocheux ou herbeux ou un tronc. Le site choisi peut être régulier, comme les dortoirs des vautours ou des cigognes, ou bien changer fréquemment.

Héron cendré prenant un bain de soleil

Héron cendré (Ardea cinerea) prenant un bain de soleil dans l’Espace Naturel Sensible de la Boire des Carrés (Allier) le 10 mai 2022. 
Photographie : Patrice Ganot / Sa page Instagram

Le bain de soleil peut être individuel (merles et grives) ou bien collectif, comme chez les vautours, les tantales (genre Mycteria), les colious (genre colius) ou les hirondelles (lire Un spectaculaire bain de soleil collectif d’Hirondelles de rivage sur une route de Vendée en août 2023).
Ce comportement joue souvent un rôle social, un individu se prélassant au soleil étant fréquemment rejoint par d’autres, appartenant ou pas à la même espèce. Le rassemblement de plusieurs oiseaux permet en effet d’augmenter la vigilance du groupe afin de repérer d’éventuels prédateurs. Nous avons observé la scène suivante dans le cimetière du Père Lachaise à Paris le 7 juillet 2016, qui était une journée ensoleillée et chaude : sur un chemin de terre sombre (donc facilement chauffé par le soleil), un Merle noir (Turdus merula) mâle prenait un bain de soleil avec les ailes et la queue étalée. Peu après, deux jeunes Mésanges charbonnières (Parus major), puis une Grive musicienne (Turdus philomelos) l’ont rejoint.
Des comportements sexuels agressifs (parades, tentatives de copulation) ont été observés chez l’Hirondelle à front blanc (Petrochelidon pyrrhonota) lors de ses bains de soleil.

Absorber de la chaleur

Contrairement aux reptiles, qui sont des animaux à sang froid et qui ont donc besoin d’une source de chaleur externe (comme le soleil), les oiseaux sont endothermes et maintiennent leur température corporelle à peu près constante grâce à leur métabolisme interne. Les radiations solaires leurs permettent de réduire les dépenses énergétiques par temps froid ou venteux, ou après une longue nuit : les Urubus à tête rouge (Cathartes aura), dont la température corporelle diminue durant la nuit, ont besoin de prendre un bain de soleil le matin avant de quitter leur dortoir. La plupart des grands rapaces prennent des bains de soleil, comme l’Urubu noir (Coragyps atratus), le Sarcoramphe roi (Sarcoramphus papa), les Vautours royal (Sarcogyps calvus), indien (Gyps indicus) et africain (G. africanus) ou le Pygargue à tête blanche (Haliaeetus leucocephalus).
Dans le désert australien, les nuits peuvent être fraîches et plusieurs espèces comme les mérions (genre Malurus), le Diamant mandarin (Taeniopygia guttata) ou la Colombine longup (Ocyphaps lophotes) s’installent le matin dans des endroits abrités et ensoleillés. Dans les villes, les Pigeons bisets (Columba livia) se rassemblent volontiers en début de matinée sur les corniches exposées au soleil. Tous ces oiseaux semblent réellement prendre du plaisir lors de ces séances.

Éliminer les parasites

Hirondelle rustique (Hirundo rustica) prenant un bain de soleil

Hirondelle rustique (Hirundo rustica) prenant un bain de soleil, dans la North Chagrin Reservation, à Mayfield Heights, Ohio (États-Unis), le 23 mai 2007.
Photographie : Bryan Olesen / Voir sa galerie Flickr

Pour éliminer les parasites, les oiseaux s’aspergent d’eau et/ou de poussière ou de cendres (lire Installer un « bain sec » pour les oiseaux dans son jardin), mais les bains de soleil pourraient aussi avoir une fonction de nettoyage. La chaleur reçue gênerait en effet les tiques, les poux et les mites et les délogerait des parties inaccessibles comme la nuque, les rendant alors plus faciles à éjecter avec le bec ou les pattes (lire Pourquoi les Vautours indiens ont-ils peu de poux ?). Les rayons UV pourraient tuer certains parasites, et des températures élevées pourraient diminuer le nombre de bactéries dégradant les plumes.
Cette fonction antiparasitaire expliquerait pourquoi des oiseaux restent immobiles plusieurs minutes sur des surfaces brûlantes. Entre juillet 2019 et août 2016, un Tyran huppé (Myiarchus crinitus) a par exemple été vu à plusieurs reprises prenant des bains de soleil sur une bâche en vinyle noir surchauffée dans le Maryland (États-Unis). Plusieurs espèces d’hirondelles peuvent par exemple s’installer (de courts instants) sur des surfaces dont la température dépasse les 52°c, comme des toits en aluminium.
Charles et Leann Blem (1993) avaient mené des expériences pour vérifier si les bains de soleil avaient un effet sur la quantité d’ectoparasites. Un groupe d’hirondelles avait été traité avec un pesticide, et un autre non (groupe témoin). Ils ont constaté que pendant les deux semaines d’efficacité du produit, les oiseaux non traités avaient pris beaucoup plus de bains de soleil que les autres (respectivement 23 et 2). Au-delà de cette durée, leur fréquence a augmenté pour tous les oiseaux, mais encore plus pour le groupe de contrôle (49 contre 29). 
Les bains de poussière et de soleil peuvent se succéder : dans la forêt atlantique brésilienne, une femelle de Jacamar à queue rousse (Galbula ruficauda) a été vue s’aspergeant de poussière pendant neuf minutes sur un chemin. Elle s’est ensuite plaquée au sol, les ailes écartées, levant de temps en temps la tête pour regarder les insectes voler, puis elle a éjecté par le bec une pelote composée de restes durs d’insectes (chitine). Elle s’est alors posée sur une branche et a lissé ses plumes durant cinq minutes.

Produire de la vitamine D

Merle noir (Turdus merula)

Merle noir (Turdus merula) mâle prenant un bain de soleil à Tamerton Foliot (Grande-Bretagne) le 26 juin 2011.
Photographie : Barry et Carole Bowden  

Les bains de soleil pourraient favoriser la synthèse de vitamine D, un précurseur de la sécrétion cireuse produite par la glande uropygienne qui sert à lisser les plumes pendant la toilette (lire Les étourneaux sont capables d’identifier le sexe de leurs congénères par leur odeur), à assurer leur flexibilité et à lutter contre les bactéries en inhibant leur croissance. Le soleil stimulerait aussi l’activité de cette glande.
Comme les mammifères, les oiseaux ont besoin de vitamine D. Hart avait remarqué que quand des poussins recevaient un régime pauvre en vitamine D et qu’ils ne voyaient pas la lumière du soleil, ils devenaient amorphes et faibles, et leurs plumes devenaient rêches. Les oiseaux captifs mangent parfois leurs plumes, ce qui leur procure de la vitamine D.

Évacuer de la chaleur en excès

L’une des fonctions principales du bain de soleil serait la dissipation de la chaleur en excès : en effet, certains s’exposent  alors qu’il fait très chaud. Le 18 août 1969 à 16 heures, dans le zoo de Los Angeles (États-Unis), un ornithologue a ainsi vu des vautours, des perroquets, des toucans, des calaos, des colombes, des geais et des pies avec les ailes écartées et les plumes gonflées alors qu’il faisait près de 35 °c. Ils ouvrent parfois également le bec pour se ventiler.

Sécher le plumage

Le bain de soleil sert aussi à sécher les plumes mouillées, les cormorans et les anhingas étalant leurs ailes après avoir pêché étant des exemples bien connus. En Afrique, les colious (genre Colius) prennent des bains de soleil collectifs après des chutes de pluie ou la rosée du matin. Les vautours étalent parfois leurs ailes après la pluie.
On a aussi remarqué que les jeunes mésanges prenaient davantage de bains de soleil que les adultes. Cela pourrait s’expliquer par le fait que leur plumage duveteux est moins étanche, les obligeant ainsi davantage à se sécher après s’être mouillés.

Un rôle possible dans la mue

Merle noir (Turdus merula) prenant un bain de soleil

Merle noir (Turdus merula) mâle prenant un bain de soleil le 3 juin 2013.
Photographie : Simon George / Voir sa galerie Flickr

Le soleil pourrait stimuler le développement des plumes et les systèmes endocriniens et nerveux : les bains de soleil seraient donc utiles pour la mue. Même des oiseaux nocturnes comme la Chouette hulotte (Strix aluco) exposent leurs plumes au soleil durant les mues.

Le formicage, une forme dérivée du bain de soleil

Certaines espèces d’oiseaux prennent des « bains de fourmis » ou bien frottent activement leurs plumes avec ces insectes (lire Une Bondrée apivore utiliserait des rameaux pour attirer des fourmis). Ce comportement peu commun et peu répandu (200 recensées dans le monde, principalement des passereaux) est appelé formicage (« anting ») et dériverait du bain du soleil (les deux peuvent d’ailleurs se combiner ou se succéder). L’acide méthanoïque (appelé aussi acide formique) que les fourmis synthétisent aurait des propriétés insecticides, acaricides, fongicides et bactéricides, et en tout cas, il dérangerait suffisamment les parasites (poux, tiques), les rendant plus accessibles. Le formicage diminuerait aussi l’irritation de la peau liée à la croissance des nouvelles plumes après la mue (les corneilles muant pratiquent souvent le formicage) et servirait à l’entretien du plumage. Après avoir poussé les fourmis à éjecter tout leur acide, des oiseaux peuvent les manger. La plupart des fourmis utilisées appartiennent à la sous-famille des formicinés (genres Formica, Lasius et Camponotus).
Il existe deux types de formicage :

  • la méthode « active », consiste à saisir dans le bec une ou plusieurs fourmis et à les frotter rapidement contre certaines plumes (surtout les rémiges primaires, parfois aussi les rectrices), qu’elles imprègnent ainsi d’acide formique mêlé à leur propre salive. Le Pinson des arbres (Fringilla coelebs) et le Pipit farlouse (Anthus pratensis) n’utilisent qu’une seule fourmi à la fois, tandis que l’Étourneau sansonnet (Sturnus vulgaris) et la Pie bavarde (Pica pica) en attrapent une pleine becquée à chaque opération.
  • La méthode passive ou « bain de fourmis » consiste à se poser sur une fourmilière pour provoquer les insectes et les inciter à lancer des jets d’acide formique. Les geais s’appuient sur leur queue et étendent leurs ailes devant eux, la Corneille mantelé (Corvus cornix) piétine les fourmis en gardant les ailes entrouvertes, et les merles et les grives s’accroupissent au milieu d’elles. En Afrique, le Crécerelle des rochers (Falco rupicolus), le Grébifoulque d’Afrique (Podica senegalensis), la Huppe d’Afrique (Upupa africana) et le Coliou à dos blanc (Colius colius) sont quelques-unes des espèces pratiquant le formicage passif.

Vidéo d’un Geai des chênes (Garrulus glandarius) pratiquant le formicage (« anting ») le 29 juillet 2010.
Source : Blutey

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