Qu’est-ce qu’un verger traditionnel ?

Ancien verger près du village de Civry-la-Forêt (Yvelines).
Photographie : Ornithomedia.com

Un verger traditionnel, appelé aussi verger de haute-tige, de plein vent, pré-verger ou éco-verger, est un type de culture associant des arbres fruitiers et la prairie. Les arbres, qui sont assez âgés (hauteur moyenne d’au moins deux mètres), sont plantés selon une densité généralement inférieure à 100 par hectare (moyenne de 50 par hectare), contre jusqu’à 3 000 pour les cultures modernes. En Europe, les essences les plus classiques sont le pommier, le poirier, le prunier et le cerisier, dont il existe plusieurs milliers de variétés différentes. Plus au sud, d’autres arbres font leur apparition, comme l’olivier, le figuier, l’amandier et le pêcher. Ce type de verger ancien se distingue aussi par le couvert végétal qui tapisse son sol, l’herbe pouvant être pâturée ou fauchée.
Leur productivité est aussi inférieure à celle des vergers modernes car on utilise peu ou pas de produits chimiques, les variétés utilisées produisent souvent tardivement (après dix ans) et de façon irrégulière, et leur port et leur alignement imparfait compliquent la récolte.
Apparus principalement aux XVIIIe et XIX siècle en Europe, les vergers ont connu leur apogée au cours de la première partie du XXe siècle : ils étaient alors installés près des habitations, au bord des routes, à l’entrée des villages, dans les prairies, dans les cultures et dans les vignes : de cette volonté paysanne est né un riche éventail de paysages du nord  au sud de l’Europe : c’est le cas bien sûr en France, comme en Normandie (pommiers), en Lorraine et en Alsace (pruniers à mirabelles), dans le Dauphiné (noyers), en Haute-Provence (amandiers) ou en Provence (oliveraies).

Verger traditionnel près de Moscou (Russie) le 23 août 2009.
Photographie : Kor!An / Wikimedia Commons

Les surfaces de vergers traditionnels en Europe ont fortement décliné à partir de la Seconde Guerre mondiale à cause de l’arrivée des arbres-fruitiers à basses tiges qui facilitent grandement la cueillette et dont le rendement à l’hectare est bien meilleur (jusqu’à 2 000 arbres peuvent être plantés sur un hectare) et de la demande en fruits calibrés, qui réclament l’utilisation de produits phytosanitaires : à la fin des années 1960, des primes incitatives de la Commission Européenne facilitent l’arrachage des hautes tiges. Enfin, l’urbanisation a contribué à ce déclin. Pourtant, les pré-vergers ont de nombreux atouts : esthétique et paysager, génétique (il existe par exemple entre 5 000 et 10 000 variétés de pommes en France), agricole (rôle de coupe-vent, lutte contre l’érosion, protection contre la pollution des nappes phréatiques, abri pour le bétail, ressource en bois, etc.) et surtout écologique : de nombreuses espèces animales (oiseaux, chauves-souris, amphibiens, reptiles, insectes, araignées, etc.) s’y reproduisent ou s’y nourrissent, et les insectes pollinisateurs les visitent au moment de la floraison.
Parmi les mammifères réguliers dans les prés-vergers, citons le Lérot commun (Eliomys quercinus), le Loir gris (Glis glis), la Fouine (Martes foina) et différentes chauves-souris comme la Sérotine commune (Cnephaeus serotinus), l’Oreillard roux (Plecotus auritus), la Pipistrelle commune (Pipistrellus pipistrellus) ou le Murin commun (Myotis myotis).

L’importance des vergers pour les oiseaux au printemps

Chevêche d’Athéna (Athene noctua) dans un arbre fruitier à Virelade (Gironde) le 11 juillet 2014.
Photographie : Chantal Carrere

De nombreuses espèces d’oiseaux nichent dans les vergers traditionnels : en France, on estime que de 30 à 40 espèces s’y reproduisent régulièrement, dont 14 des 27 espèces d’oiseaux désignées comme étant en déclin par le Muséum National d’Histoire Naturelle. Lors d’un suivi des populations d’oiseaux dans les vergers effectué par le Centre Technique Interprofessionnel des Fruits et Légumes (CTIFL) basé à Bellegarde (Gard), 39 espèces différentes ont été observées.
Plusieurs oiseaux cavicoles pondent dans les cavités des vieux arbres fruitiers, comme les Mésanges bleue (Cyanistes caeruleus), charbonnière (Parus major) et nonnette (Poecile palustris), le Gobemouche gris (Muscicapa striata), de l’Étourneau sansonnet (Sturnus vulgaris), les Pics épeiche (Dendrocopos major), épeichette (D. minor) et vert (Picus viridis), le Torcol fourmilier (Jynx torquilla), la Huppe fasciée (Upupa epops), le Moineau friquet (Passer montanus) (lire Comment peut-on aider le Moineau friquet ?), le Rougequeue à front blanc (Phoenicurus phoenicurus) ou la Chevêche d’Athéna (Athene noctua) (lire Bilan de la saison de reproduction 2019 de la Chevêche d’Athéna dans l’ouest des Yvelines).
D’autres espèces construisent leur nid dans les branches, comme le Merle noir (Turdus merula), la Grive musicienne (Turdus philomelos), le Chardonneret élégant (Carduelis carduelis), la Linotte mélodieuse (Linaria cannabina), le Pinson des arbres (Fringilla coelebs) ou les Pies-grièches écorcheur (Lanius collurio) et à tête rousse (L. senator).
Cet habitat leur offre aussi de la nourriture : en effet, il est riche en insectes qui vivent dans le bois des vieux arbres ou dans la strate herbacée, dont la présence attire de nombreuses espèces insectivores (mésanges, fauvettes, gobemouches, rougequeues, etc.). Quelques espèces comme le Bouvreuil pivoine (Pyrrhula pyrrhula) apprécient particulièrement les bourgeons dès la fin de l’hiver, et les fruits qui apparaissent au printemps, comme les cerises, attirent des oiseaux comme l’Étourneau sansonnet, le Loriot d’Europe (Oriolus oriolus) ou le Merle noir.

L’importance des vergers en automne et en hiver pour de nombreux oiseaux

Grive litorne (Turdus pilaris) mangeant une pomme dans un jardin près de Bruxelles (Belgique) le 30 janvier 2019.
Photographie : Marc Fasol

En automne et en hiver, les cavités des vieux arbres servent d’abri à plusieurs passereaux (lire Comment les oiseaux supportent-ils les nuits d’hiver et comment les aider ? ), mais les vergers fournissent aussi le couvert. Dans le Sud-est de la France, le CTIFL avait recensé en hiver 40 espèces d’oiseaux (dont 35 passereaux) dans 15 vergers de pommiers et 15 vergers de poiriers conduits en agriculture conventionnelle, en agriculture biologique et en protection intégrée durant la période hivernale. Ils profitent notamment des fruits (et particulier les pommes) non récoltés laissés dans les arbres ou au sol. Précisons par ailleurs que les fruits qui pourrissent au sol servent d’engrais et contribuent à enrichir le sol.
Lors d’une étude menée en hiver dans des vergers de pommiers du sud-est de la France, 41 espèces ont été observées, et un point intéressant a été noté : les vergers conventionnels « modernes » où de nombreux fruits n’ont pas été récoltés peuvent aussi accueillir beaucoup d’oiseaux en hiver.
Le nombre et la diversité des espèces observées dépendaient du pourcentage de fruits non ramassés. Les oiseaux préfèrent généralement ceux qui sont bien murs et flétris (lire Certains oiseaux seraient davantage attirés par les fruits moisis), certains les mangeant plutôt au sol, comme les grives et les merles, tandis que d’autres les picorent dans les branches, comme les mésanges et la Fauvette à tête noire (Sylvia atricapilla).
Parmi les espèces européennes mangeant régulièrement les pommes en automne et en hiver dans les vergers et les jardins, citons le Faisan de Colchide (Phasianus colchicus), le Merle noir, les Grives musicienne, mauvis (Turdus iliacus) et litorne (T. pilaris) (des grandes troupes de ces deux espèces peuvent être notées), le Rougegorge familier (Erithacus rubecula), les mésanges, les Pinsons des arbres (Fringilla coelebs) et du Nord (Fringilla montifringilla), le Geai des chênes (Garrulus glandarius), la Corneille noire (Corvus corone), les Pigeons ramier (Columba palombus) et colombin (C. oenas), le Pic épeiche, l’Etourneau sansonnet, etc. 
En Amérique du Nord, le Merle d’Amérique (Turdus migratorius), les grives du genre Catharus, les merlebleus (genre Sialia), les bruants du genre Spizella, les quiscales (genre Quiscalus), les vachers (genre Molothrus), le Geai bleu (Cyanocitta cristata) et les autres Corvidés, les pics, le Cardinal à poitrine rose (Pheucticus ludovicianus) ou même le Dindon sauvage (Meleagris gallopavo), se nourrissent régulièrement ou occasionnellement de pommes.
D’autres types de vergers jouent un rôle important pour les oiseaux migrateurs et hivernants, comme les oliveraies.

Protéger les vergers traditionnels et planter un ou des pommiers dans son jardin

Comme nous l’avons évoqué plus haut, les arbres fruitiers ont de nombreux intérêts pour les oiseaux tout au long de l’année, surtout quand ils sont cultivés de façon biologique ou extensive. Vous pouvez contribuer à sauvegarder les vergers traditionnels en décidant de manger des fruits (tels quels, en confitures ou sous forme de jus) provenant de ces derniers (quand c’est possible), en contribuant à la sauvegarde et à l’entretien de ceux qui subsistent (il existe des associations comme Vergers Vivants) ou même en plantant des arbres dans votre jardin (lire Aménager son jardin pour les oiseaux). Au niveau européen, des projets LIFE, comme celui intitulé « Prairies bocagères », financent la plantation et la conservation d’arbres fruitiers.
Le pommier est une essence facile à installer, il existe de nombreuses variétés (préférez si possible des variétés traditionnelles menacées), et ses fruits seront appréciés par de nombreux oiseaux. Il se plante d’octobre à avril, et la fructification intervient deux à quatre ans plus tard. Choisissez un emplacement ensoleillé. Habituellement, la récolte se fait par beau temps du 15 septembre au 1er octobre, mais la période, la quantité et la qualité des pommes peuvent changer en fonction des variations climatiques.

Fauvette à tête noire (Sylvia atricapilla) mangeant des pommes blettes à la fin de l’hiver dans un jardin près de Bruxelles (Belgique).
Photographie : Marc Fasol

Laissez une partie des pommes dans les branches et au sol pour les oiseaux (les premiers gels provoqueront la tombée des dernières pommes).

Donner des pommes aux oiseaux en hiver

Si vous n’avez pas de pommier, vous pouvez tout de même donner des pommes aux oiseaux en hiver : ils les préfèrent mûres (brunes) et flétries. Sinon, coupez-les en deux avant de les distribuer au sol afin qu’elles soient plus faciles à picorer. Elles attireront de nombreuses espèces, et en particulier celles dont le régime est essentiellement frugivore à cette période de l’année, comme le Merle noir et les grives. Disposez-les à découvert, à plus de deux mètres d’un buisson ou de toute autre cache pour éviter que les chats ne se cachent à proximité (lire Comment protéger les oiseaux des chats ?).
Pour les espèces plus arboricoles, comme les mésanges et les fauvettes, empalez-les sur une branche, disposez-les sur une mangeoire ou suspendez-les à un fil. Pourquoi ne pas aussi créer des « brochettes » en les coupant en deux et les enfilant comme des perles : Il est possible d’agrémenter cette « guirlande » avec des cynorhodons ou d’autres baies (lire Des décorations de Noël pour les oiseaux en hiver).
Vous pouvez enfin stocker une partie des pommes dans un espace ni trop sec ni trop humide et les distribuer progressivement au cours de l’hiver et à la fin du printemps : mêmes blettes (brunes), elles auront beaucoup de succès parmi les migrateurs précoces et affamés.

Merles noirs et Grives litornes mangeant en hiver des pommes tombées au sol  

Merles noirs (Turdus merula) et Grives litornes (T. pilaris) mangeant en hiver des pommes tombées au sol.
Source : cribdinchope

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