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Observer les oiseaux dans le parc écologique Izadia (Pyrénées-Atlantiques), un vestige de l’ancienne embouchure de l’Adour
Introduction
L‘Adour est un fleuve de 307 km de long qui prend sa source dans les Hautes-Pyrénées, à une altitude de 1 930 mètres, et qui se jette dans l’océan Atlantique au nord d’Anglet (Pyrénées-Atlantiques). L’emplacement de son embouchure a changé dans le passé en fonction des crues, de l’accumulation des sédiments et des tempêtes : elle était ainsi successivement située au niveau de Capbreton et de Vieux-Boucau, dans le département des Landes, avant d’être détournée en 1578 vers son emplacement actuel, entre Anglet et Tarnos (Landes), suite au creusement d’un chenal. Ce nouvel estuaire s’est toutefois progressivement ensablé et un delta s’est formé, l’un de ses bras atteignant même la grotte de la Chambre d’Amour, au nord de Biarritz. Les travaux de canalisation, de dragage et d’endiguement menés à partir du XVIIIe siècle ont finalement permis de stabiliser l’embouchure : les lacs de Chiberta et de l’ancien hippodrome, au sud de l’estuaire, sont des vestiges des anciennes divagations du fleuve.
Les activités hippiques ayant progressivement périclité, le site qu’elles occupaient s’est lentement transformé en friche et en dépotoir, et un projet d’urbanisation a été envisagé. Grâce à la mobilisation de la population, cet espace a été préservé, et la ville d’Anglet et l’Établissement Public de Coopération Intercommunale ont soumis au public un projet de restauration écologique du site, qui a été plébiscité. Le parc écologique Izadia a finalement été inauguré en 2007 suite à d’importants travaux de restauration écologique. Depuis, la flore et la faune recolonisent progressivement le secteur, et grâce à ses différents habitats et à sa position géographique le long d’une importante voie de migration, le parc est devenu une zone humide intéressante pour l’observation des oiseaux : des raretés y ont déjà été vues, comme un Bruant mélanocéphale en mai 2023.
Grâce à Léo Micouin et à Fabien Damestoy, respectivement agent technique et écogarde du parc, nous vous proposons une présentation de cet espace et de son avifaune. En complément, nous évoquons aussi l’intérêt d’une séance d’observation depuis la digue voisine de Tarnos.
Abstract
The Adour River is a 307 km long river which has its source in the Hautes-Pyrénées, at an altitude of 1,930 meters, and which flows into the Atlantic Ocean north of Anglet, in the Pyrénées-Atlantiques departement. The location of its mouth has changed in the past depending on floods, the accumulation of sediments and storms: it was thus successively located at Capbreton and Vieux-Boucau, in the Landes department, before being diverted in 1578 to its current location, between Anglet and Tarnos (Landes) following the digging of a channel. This new estuary, however, gradually silted up and a delta was formed, one of its arms even reaching the Chambre d’Amour cave, north of Biarritz. Canalization, dredging and damming work carried out from the 18th century finally made it possible to stabilize the mouth: the lakes of Chiberta and the old racecourse, to the south of the estuary, are vestiges of the ancient divagations of the river.
As equestrian activities have gradually declined, the site has slowly transformed into a wasteland and a dump, and an urbanization project was considered. Thanks to the mobilization of the population, this space was preserved, and the city of Anglet and the Établissement Public de Coopération Intercommunale submitted to the public an ecological restoration project for the site, which was acclaimed. The Izadia ecological park was finally inaugurated in 2007 following major ecological restoration work. Since then, flora and fauna have gradually recolonized the area, and thanks to its different habitats and its geographical position along an important migration route, the park has become an interesting wetland for bird observation: rarities have already been seen there, such as a Black-headed Bunting in May 2023.
Thanks to Léo Micouin and Fabien Damestoy, respectively technical agent and ecoguard of the park, we offer you a presentation of this space and its avifauna. In addition, we also mention the interest of an observation session from the nearby Tarnos dike.
D’un ancien hippodrome à une zone humide littorale
Situation du parc écologique Izadia (Pyrénées-Atlantiques). |
Un hippodrome avait été inauguré en 1873 au sud de l’embouchure actuelle de l’Adour, sur une cinquantaine d’hectares qui étaient occupés par des dunes, la culture de la vigne et le maraîchage, ainsi que par deux petits lacs qui étaient connectés au fleuve. Il était devenu l’un des lieux de distraction les plus en vogue de la côte basque. Dégradé par les activités militaires pendant la Seconde Guerre Mondiale, il a été rénové dans les années 1960, et de nouvelles activités ont été ajoutées : un mini-golf, un balltrap, une piste de karting et une patinoire. Malgré cela, le site a progressivement périclité, et l’hippodrome a été détruit à la fin des années 1980.
Laissé à l’abandon, il a été envahi par les déchets et les plantes exotiques, principalement le Séneçon en arbre (Baccharis halimifolia) et l’Herbe de la Pampa (Cortaderia selloana), tandis que les lacs étaient utilisés pour la pêche. La zone a fait l’objet d’un projet d’aménagement (construction d’un complexe hôtelier et d’une marina) qui a finalement échoué. Au début des années 2000, grâce la mobilisation de la population, cet espace a finalement été préservé. La ville d’Anglet et l’Établissement Public de Coopération Intercommunale ont alors soumis au public un projet de restauration écologique qui a été plébiscité et qui s’est concrétisé en 2005.
Sur les bases d’un diagnostic scientifique détaillé, différents travaux ont été réalisés par la société Mutabilis pour un budget de 2,5 millions d’euros pour mettre en valeur et favoriser les richesses floristiques et faunistiques des lieux : arrachage des plantes invasives, plantations d’arbustes, création d’une « plage aux oiseaux » par inondation à marée haute et exondation à marée basse, rétablissement de la connexion entre le lac nord et l’Adour, création d’un sentier pédagogique, de palissades d’observation, d’un belvédère, d’une Maison de la Nature, etc. Le parc écologique Izadia, qui signifie « nature » en basque, a été inauguré en 2007.
Différents habitats naturels créés ou recréés
Bien que d’une faible superficie (15 hectares), le parc est composé de différents habitats :
- le lac salé nord, en communication avec l’estuaire de l’Adour par une canalisation souterraine qui s’ouvre et qui se ferme selon les marées et les coefficients afin de ne laisser entrer que l’eau salée.
- Le lac saumâtre sud, qui est alimenté par deux nappes phréatiques qui apportent respectivement de l’eau salée sous l’influence des marées et de l’eau douce en provenance du massif forestier du pignada en fonction des précipitations. Ces deux eaux se confrontent et forment un biseau salé (remontée d’eau salée) qui a été découvert par des relevés. Les deux plans d’eau sont séparés par la digue de l’Entre-deux-lacs mais sont reliés par une passe à anguilles. Seul le lac nord peut se déverser dans le lac sud grâce à la différence de niveau. Leur profondeur maximale est comprise entre trois et cinq mètres.
- Une « plage aux oiseaux » créée artificiellement par inondation à marée haute et par exondation à marée basse, riche en invertébrés (vers, mollusques, crustacés, etc.) et attractive pour les limicoles.
- Un marais saumâtre dominé par le Jonc maritime (Juncus maritimus) et la Laîche étirée (Carex extensa) qui constitue un biotope de prédilection pour les libellules, les amphibiens et plusieurs passereaux.
- Des mares d’eau douce.
- Des bosquets de Tamaris communs (Tamarix gallica) sur le pourtour des deux lacs.
- Une pelouse à Hélianthèmes à gouttes (Tuberaria guttata), qui constitue le biotope favori des Lapins de garenne (Oryctolagus cuniculus), qui contribuent à son maintien.
Aulnaie et jonchaie dans le parc écologique Izadia à Anglet (Pyrénées-Atlantiques) (cliquez sur la photo pour l’agrandir). |
- Une dune grise avec une lande à Cistes à feuilles de sauge (Cistus salviifolius) qui s’est développée à proximité de l’océan Atlantique sur un sol sablonneux et qui est favorable aux reptiles.
- Un peuplement d’Aulnes glutineux (Alnus glutinosa) dans les dépressions humides, où l’on trouve notamment le Dryoptéris des Chartreux (Dryopteris carthusiana), une fougère protégée.
- Une ormaie littorale sur la rive orientale du lac sud. Ce milieu boisé rare sur le littoral basque joue notamment un rôle d’épuration des nappes phréatiques.
- Un boisement de Pins maritimes (Pinus pinaster) et de Chênes lièges (Quercus suber) planté au milieu du XIXe siècle afin de fixer l’arrière-dune. Un incendie a touché le parc le 30 juillet 2020, détruisant en grande partie cet habitat.
Le parc fait partie du site Natura 2000 de la zone Adour depuis février 2012.
Des études et des suivis écologiques et un accueil du public
Le parc requiert un entretien écologique constant (arrachage des plantes invasives, semis et plantation d’arbustes et d’arbrisseaux poussant dans des habitats d’intérêt communautaire, régulation du niveau et la circulation de l’eau et suivi de sa qualité, etc.). Des suivis scientifiques sont menés tous les ans pour étudier les différentes espèces animales présentes : capture-marquage-recapture des Anguilles (Anguilla anguilla), Suivis Temporels des Oiseaux Communs (STOC) et des Libellules (STELI) et comptages des reptiles par plaques et transects et des ragondins, lapins et chevreuils par Indice kilométrique d’abondance (IKA).
L’équipe anime par ailleurs des visites guidées pour des groupes. Enfin, la Maison de la Nature propose une exposition permanente qui présente l’histoire du site, l’écologie, les habitats, les réseaux trophiques et les migrations, tandis que des expositions temporaires sont organisées chaque année.
Des plantes, des libellules, des reptiles et des amphibiens peu communs ou rares
Petite Centaurée à fleurs serrées (Centaurium chloodes) dans le parc écologique Izadia à Anglet (Pyrénées-Atlantiques) (cliquez sur la photo pour l’agrandir). |
Dix espèces végétales protégées ont été recensées dans le parc, dont la Petite Centaurée à fleurs serrées (Centaurium chloodes) (dernière station connue en France, en danger critique d’extinction), la Bellardie (Bartsia trixago), le Sérapias à petites fleurs (Serapias parviflora) et la Clipéole (Clypeola jonthlaspi).
Quinze espèces de libellules ont été notées dont deux sont rares ou remarquables au niveau régional : l’Agrion de Graëlls (Ischnura graellssi) (présence probable) et la Naïade aux yeux rouges (Erythromma najas).
Trois espèces d’amphibiens et quatre de reptiles sont présentes, dont l’Alyte accoucheur (Alytes obstetricans), la Grenouille de Pérez (Pelophylax perezi), le Crapaud épineux (Bufo spinosus), le Lézard des murailles (Podarcis muralis), la Couleuvre verte et jaune (Hierophis viridiflavus) et l’Orvet fragile (Anguis fragilis). Le Lézard ocellé (Timon lepidus) est absent, les stations les plus proches étant situées dans les dunes de Tarnos (Landes), à seulement 500 mètres du parc.
Dix espèces de mammifères (dont trois chiroptères) ont été recensées, dont le Renard roux (Vulpes vulpes), le Lapin de garenne et le Hérisson d’Europe (Erinaceus europaeus). Le Vison d’Europe (Mustela lutreola) est absent du parc, mais on peut le trouver dans la plaine d’Ansot, un espace naturel géré par la Ville de Bayonne.
Accès et points d’observation
Carte du parc écologique Izadia (Pyrénées-Atlantiques) et de la digue de Tarnos ou Barre de l’Adour (Landes). En (1), la Maison de la Nature. |
Le parc écologique Izadia est situé au nord de la ville d’Anglet, près du quartier de Chiberta. Depuis le centre-ville, on peut prendre le boulevard des Plages jusqu’à l’Adour, puis tourner à gauche sur l’avenue de l’Adour. Une aire de stationnement a été créée près de la Maison de la Nature. On peut aussi rejoindre le parc avec les bus Txik Txak (numéros 36, 38 et H). On peut aussi rejoindre le parc depuis Anglet en suivant la promenade littorale piétonne Victor Mendiboure sur environ quatre kilomètres.
Un sentier de découverte ponctué de dix stations et de sept observatoires permet de découvrir le parc. Il est fermé le lundi et de novembre à avril pour l’entretien annuel.
En complément de la visite du parc, il est conseillé durant les migrations et en hiver de se rendre sur la Barre de l’Adour (ou digue de Tarnos) qui délimite au nord l’estuaire de l’Adour. Pour cela, depuis le centre-ville d’Anglet, il faut traverser le fleuve au niveau du pont Henri Grenet, puis suivre le chemin de Saint-Bernard (D309) jusqu’à Tarnos, puis enfin prendre la route de la Barre (D85).
Un intérêt ornithologique durant les migrations
Depuis 2008, 150 espèces d’oiseaux ont été recensées dans le parc écologique Izadia. Le Petit Gravelot (Charadrius dubius), le Tarier pâtre (Saxicola rubicola) et le Pipit farlouse (Anthus pratensis) font partie des 34 espèces qui se reproduisent dans le site, qui est toutefois surtout attractif durant les migrations, notamment pour l’observation des limicoles.
Les effectifs des échassiers de passage ne sont jamais très importants du fait de la petite taille du parc, mais leur variété est intéressante. Les espèces les plus régulières sont les Chevaliers gambette (Tringa totanus) et aboyeur (T. nebularia), l’Échasse blanche (Himantopus himantopus), l’Avocette élégante (Recurvirostra avosetta), les Barges à queue noire (Limosa limosa) et rousse (L. lapponica), les Courlis cendré (Numenius arquata) et corlieu (N. phaeopus), le Pluvier argenté (Pluvialis squatarola), le Tournepierre à collier (Arenaria interpres), le Bécasseau variable (Calidris alpina) et le Grand Gravelot (Charadrius hiaticula).
Le Balbuzard pêcheur (Pandion halietus) est régulier aux passages, tout comme de nombreux passereaux, comme le Traquet motteux (Oenanthe oenanthe) et la Bergeronnette printanière (Motacilla flava). Parmi les espèces régulières ou communes, des surprises sont possibles, comme en témoigne l’observation d’un mâle de Bruant mélanocéphale (Emberiza melanocephala) en mai 2023.
En hiver, le parc est fermé, mais il peut alors servir de refuge aux oiseaux marins après les tempêtes : Mouette tridactyle (Rissa tridactyla), Goélands argenté (Larus argentatus), brun (L. fuscus) et marin (L. marinus), Sternes caugek (Thalasseus sandvicensis) et pierregarin (Sterna hirundo), Plongeon imbrin (Gavia immer), Harle huppé (Mergus serrator), Grèbe castageux (Tachybaptus ruficollis), etc.
La digue de Tarnos, un excellent site d’observation des oiseaux marins
La digue de Tarnos (Landes) constitue un excellent site d’observation du passage des Océanites culblancs (Oceanodroma leucorha) en novembre (cliquez sur la photo pour l’agrandir). |
Au nord de l’estuaire, la Barre de l’Adour (ou digue de Tarnos) constitue un excellent site de suivi de la migration des oiseaux marins en automne (de juillet à novembre) et en hiver. En effet, elle s’avance en mer sur près d’un kilomètre.
La variété est remarquable, et les effectifs sont parfois importants pour certaines espèces. Parmi les oiseaux pélagiques réguliers (mais plus ou moins rares), citons le Fulmar boréal (Fulmarus glacialis), les Puffins cendré (Calonectris diomedea), fuligineux (A. griseus), des Anglais (Puffinus puffins), des Baléares (P. mauritanicus), le Fou de Bassan (Morus bassanus), la Mouette de Sabine (Xema sabini), la Mouette tridactyle, les Sterne caugek et pierregarin, les Labbes pomarin (Stercorarius pomarinus), parasite (S. parasiticus) et à longue queue (S. longicaudus), le Grand Labbe (Catharacta skua), les Goélands brun argenté et marin, les Mouettes mélanocéphale (Ichthyaetus melanocephalus) et pygmée (Hydrocoloeus minutus), etc.
La Macreuse noire (Melanitta nigra) passe en grand nombre, et différentes espèces de limicoles, de canards de surface, de grèbes, de plongeons et d’Alcidés sont vues chaque année.
Après les tempêtes automnales, la digue est réputée pour l’observation de l’Océanite culblanc (Oceanodroma leucorha) et du Phalarope à bec large (Phalaropus fulicarius) (lire Les tempêtes et les arrivées d’Océanites culblanc sur les côtes).
Par ailleurs, le Bécasseau violet (Calidris maritima) est un hivernant régulier sur les blocs de béton et les rochers de la digue, qui offrent aussi un abri et de la nourriture aux passereaux de passage. Des raretés ou des insolites y ont déjà été vues, comme le Tichodrome échelette (Tichodroma muraria) et l’Accenteur alpin (Prunella collaris).
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Compléments
À lire sur le web
- Le site web du parc écologique Izadia : izadia.anglet.fr
- Le site web collaboratif Faune-aquitaine : www.faune-aquitaine.org
Ouvrages recommandés
- Le guide Ornitho de L. Svensson et al
- Atlas des oiseaux nicheurs d’Aquitaine de LPO Aquitaine et Collectif faune-aquitaine.org
Sources
- François Palangié (2023). Histoire de la forêt du Lazaret. Anglet Patrimoines. angletpatrimoines.org
- Andréas Guyot (2013). Tableau des observations à la digue de Tarnos. oiseaupyrenees.blogspot.com
- Mutabilis. Parc écologique Izadia, Anglet (64). mutabilis-paysage.com
- Le Cartographe. Zone Europe, Anglet, le parc écologique Izadia. le-cartographe.net
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