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Magazine | Études

Le Grand Tétras en France au printemps 2019 : bilan en demi-teinte et avenir sombre

Patrick Zabé nous fait un bilan des comptages d'avril et de mai 2019, et il nous donne son opinion sur la situation de l'espèce.
12/07/2019 | Validé par le comité de lecture

Introduction

Le Grand Tétras (Tetrao urogallus) est le plus gros galliforme sauvage européen. Le mâle, au plumage globalement noir et brun sombre, peut dépasser une masse de 4 kg, tandis que la femelle, aux teintes brun et roux, atteint rarement les 2 kg. Il vit dans les forêts de montagne et dans la taïga, et son aire de répartition s’étend du nord-ouest de l’Espagne et de l’Écosse à la Sibérie orientale et à la Chine. Neuf sous-espèces sont reconnues, dont deux se rencontrent en France : T. u. major dans les Vosges et le Jura, et T. u. aquitanicus, plus petite, dans les Pyrénées. Les effectifs hexagonaux, stables ou en déclin selon les massifs, seraient compris entre 4 000 et 5 500 adultes dont 3 500 à 5 000 dans les Pyrénées, 300 dans le Jura, 200 dans les Vosges, et 30 à 50 dans les Cévennes. L’espèce a disparu des Alpes françaises.
Patrick Zabé observe et étudie le Grand Tétras depuis le milieu des années 1970, et il a analysé de façon détaillée la situation de l’espèce en France et en Europe dans son ouvrage « Le Grand tétras, caroncules écarlates et bec d’ivoire », paru en 2017. Dans cet article, il nous fait un point sur la situation de l’espèce dans l’hexagone au printemps 2019 en se basant sur ses observations réalisées dans les Vosges, le Jura, et les Pyrénées-Orientales et à partir des résultats des comptages sur les places de chant effectués en avril et en mai 2019 collectés auprès de différentes sources. Il nous livre enfin son point de vue sur la situation de l’espèce en France et sur l’inefficacité des actions d’étude et de conservation menées jusqu’à présent.

Abstract

The Western Capercaillie (Tetrao urogallus) is the largest European wild galliforme. The black and dark brown male can exceed a mass of 4 kg, while the and re female rarely reaches 2 kg. It lives in montane and taiga forests, and ranges from northwestern Spain and Scotland to eastern Siberia and China. Nine subspecies are recognized. Two of them meet in France: T. u. major in the Vosges and Jura, and T. u. aquitanicus in the Pyrenees, smaller. Hexagonal populations, stable or declining according to the massifs, would be between 4,000 and 5,500 adults including 3,500 to 5,000 birds in the Pyrenees, 300 in the Jura, 200 in the Vosges, and 30 to 50 in the Cevennes. This species has disappeared from the French Alps.
Patrick Zabé watches and studies the Western Capercaillie since the mid-1970s, and he analyzed in detail the critical situation of the species in France and Europe in his book « Le Grand tétras, caroncules écarlates et bec d’ivoire » , published in 2017. In this article, he gives us a point on the situation of the species in the hexagon in the spring 2019 based on his observations made in the Vosges, Jura, and Pyrénées-Orientales and on the results of counts in the leks in France done in April and May 2019 gathered from different sources. Finally, he gives us his point of view on the situation of the species in France and on the effectiveness of the study and conservation actions carried out so far.

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Compléments

Contact

Patrick Zabé – Courriel : Patrick.Zabe@ruag.com

Ouvrages recommandés

Sources

  • Gaël Aleix-Mata, Francisco J. Ruiz-Ruano, Jesus M. Pérez, Mathieu Sarasa et Antonio Sanchez (2019). Complete mitochondrial genome of the Western Capercaillie Tetrao urogallus (Phasianidae, Tetraoninae). Biotaxa. Volume : 4550. Numéro : 4. https://biotaxa.org
  • ONCFS (2019). Le Grand Tétras (Tetrao urogallus). www.oncfs.gouv.fr/Connaitre-les-especes-ru73/Le-Grand-Tetras-ar642
  • Francesco Foletti, Arnaud Hurstel et Gwenaël Jacob (2014). Non-invasive genetic monitoring of capercaillie in the wild: individual tracking and breeding success. Grouse News 47. Mai. www.researchgate.net

4 commentaire(s) sur ce sujet

Participer à la discussion !

Espérons que cela permettra une amélioration de la dynamique des populations de cette espèce emblématique des Pyrénées.

En juin 22, Patrick Zabé en doute dans les colonnes de chassons.com :
https://www.chassons.com/chasse-en-france/faits-divers/pourquoi-linterdiction-de-la-chasse-du-grand-tetras-annonce-sa-disparition-en-france/376086/

« Un moratoire de cinq ans, sur la chasse du grand tétras, vient d’être validé par le conseil d’État. Il est censé protéger l’oiseau alors qu’en réalité il va avoir tous les effets contraires. Ce n’est que la première étape avant la classification du grand coq pyrénéen Tetro urogallus aquitanicus espèce protégée. Pour le quidam, ce moratoire peut paraître logique pour une espèce mise en difficulté mais les réalités sont bien plus complexes que cela. Cela se traduit aussi par un manque d’information de la part des associations anti-chasses et surtout leur volonté de discréditer au maximum le monde de la chasse.
Le grand public doit donc être informé de ce qui se passe réellement et de l’avenir funeste de nos tétras :
Il ne faut pas nous leurrer, ce moratoire est la première étape avant la fermeture définitive de sa chasse. L’oiseau est condamné à disparaître et le compte à rebours a commencé depuis bien longtemps. Le paradoxe de toute cette histoire est que les chasseurs sont les premiers protecteurs du grand coq de bruyère par leurs multiples actions menées pour sa protection et à maintenir des populations suffisantes pour exercer quelques prélèvements durant les quinze jours que dure cette chasse spécifique. Alors je me pose les questions suivantes :
Qui va aménager dorénavant les territoires à grand tétras ?
Qui va marquer les zones de quiétude ?
Qui va baliser les câbles des remontées mécaniques ?
Qui va contrôler la pression d’un pastoralisme « sauvage » ?
Quels sont les chasseurs de sangliers qui voudront bien contrôler des populations pléthoriques de suidés dans ces conditions et surtout pour un oiseau dont on parle beaucoup mais que l’on voit de moins en moins ?
Qui réalisera les comptages estivaux du grand coq ?
Et la liste n’est malheureusement pas exhaustive
Tout cet immense travail était réalisé pour pouvoir chasser une poignée d’oiseaux, un prélèvement ridicule et homéopathique surtout qu’il était remis en question par les chasseurs eux-mêmes qui fermaient la chasse du coq si l’indice de reproduction annuel était mauvais. De plus, malgré tous ces efforts consentis, les arrêtés autorisant la chasse du grand coq étaient attaqués chaque année par les associations anti-chasses avec la bénédiction de juges sympathisants à la cause ou mal renseignés.
Cette chasse hautement restrictive et responsable permettait toutes ces actions bénéfiques qui petit à petit vont disparaître malheureusement avec sa suppression officielle. Toute la différence se joue sur la sémantique « officielle », qui est une fermeture imposée et définitive, ou celle qui est fermée suite à une mauvaise année de reproduction. Un plan de chasse égal à zéro et une fermeture irrévocable, ne signifie pas la même chose. Irrévocable veut bien dire ce que cela veut dire, et dans notre pays on ne revient jamais en arrière, ce qui est définitif reste définitif.
L’office national des forêts et la foresterie privée vont se voir délivrer de toutes contraintes car il y aura de moins en moins d’oiseaux jusqu’à l’extinction totale. Les stations de sports d’hiver vont pouvoir continuer à installer leurs infrastructures en toute liberté avec un minimum de contraintes puisque le grand gallinacé n’est plus.
Le scénario classique de la disparition est le suivant :
Régression généralisée des places de chant
Disparition des petites places de chant à coq unique
Augmentation des effectifs sur les grandes places de chant dites échantillons faisant croire à une remontée d’effectifs
Puis subitement quelques années plus tard un effondrement dramatique du nombre d’individus fréquentant ces mêmes places échantillons sera constaté.
Les derniers grands tétras subsistant se diluent dans l’immensité des massifs, en bref c’est le signe avant-coureur de l’extinction totale de l’espèce.
Les efforts de gestion de l’espèce par les chasseurs n’ont pas été retenus ni pris en compte.
C’est une triste victoire verte, elle ne va faire que précipiter plus rapidement l’extinction du grand tétras, la chasse n’est qu’un bouc émissaire dans cette histoire elle n’est qu’une victime collatérale de l’activisme judiciaire de nos détracteurs, la seule véritable victime aujourd’hui est le grand tétras.
Les tristes expériences vosgienne et jurassienne vont se répéter dans les Pyrénées, rappelons-le le grand tétras n’est plus chassé depuis 1972-73 dans l’est de la France et ce n’est pas pour autant qu’il a ressuscité, au contraire c’est l’extinction pour les Vosges et le déclin irrémédiable pour le Jura. Le grand coq n’a pas besoin de lanceurs d’alertes, il n’a besoin que de véritables actions sur le terrain et de ce côté-là, les verts sont plutôt absents alors que la logique voudrait qu’ils prennent le relais…
Suite à ces engagements associatifs et judiciaires, à leur détermination à détruire le monde de la chasse, ils engagent toutes leurs responsabilités et leurs contributions indirectes à l’extinction à moyen terme du grand tétras.
Puis une autre étape consistera à créer le groupe tétras Pyrénées qui n’aura de cesse de faire classer le grand coq pyrénéen espèce protégée afin d’obtenir les subventions européennes LIFE histoire d’assister ou de subvenir à la création de quelques postes ou emplois de l’association. Cette subvention n’est versée qu’une fois le statut « protégé » de l’espèce est validé. »
Patrick Zabé »

Je regrette cette réaction, qui témoigne de l’incompréhension des objectifs du moratoire. D’ailleurs, si la dynamique de la population s’améliorait, des prélèvements cynégétiques pourraient de nouveau être autorisés. Le problème est que les causes de déclin trouvent leur racine dans des causes qui dépassent largement la maîtrise aussi bien du monde des naturalistes que du monde cynégétique. On peut donc décider de douter de l’effet bénéfique de ce moratoire, mais il faut bien tenter ce qui est possible tant que cela est possible. Si le monde de la chasse ne le comprend pas, c’est dommage. Et ce serait vraiment dommageable que le monde de la chasse se désinvestisse de la protection de cette espèce, sous prétexte qu’il ne peut plus la chasser pendant une période limitée dans le temps.

Contribution initialement déposée le 11/09/2019 et qui a disparu suite à une actualisation du site :
« La discussion des causes possibles et des solutions à apporter ne figure malheureusement pas dans ce court article écrit et signé par un chasseur de montagne, dont au début du mois, ayant trouvé par hasard son livre « Les secrets d’un chasseur de montagne », j’en ai justement lu la partie introductive et celle sur le Grand Tétras. Donc quelles seraient les causes de déclin de cette espèce emblématique et comment les hiérarchiser ? Je ne peux que les énumérer comme probables, car n’étant pas un spécialiste la question, je ne saurais être affirmatif. Pour plus d’informations, se reporter aux écrits des spécialistes (Eric Ménoni par exemple). Exploitation forestière désorganisée et ne tenant pas compte des espèces en déclin ? Ouverture des pistes forestières et afflux d’usagers ? Extension des stations d’hiver ? Changement climatique ? Prélèvements cynégétiques ? Dérangements liés à la chasse photographique et à des naturalistes insuffisamment précautionneux ? Autres ? Tous ces facteurs participent probablement peu ou prou au déclin du Grand Tétras. Certains facteurs seraient assez rapidement maîtrisables sous réserve d’une volonté politique (par exemple la chasse sous toutes ses formes), quand d’autres sont totalement hors de notre portée individuelle et même nationale (par exemple le changement climatique). Bref, parmi les mesures urgentes à prendre, voici quelques propositions, au moins pour les Pyrénées: – décréter un moratoire et un arrêt des prélèvements cynégétiques (pour une durée de plusieurs années à déterminer) dans les Pyrénées, quel que soit le résultat des comptages annuels, avant d’avoir à envisager des mesures coûteuses de ré-introduction non garanties ; – mettre des moyens en place pour limiter le braconnage s’il existe encore: par exemple les chasseurs pourraient s’organiser pour surveiller efficacement les forêts sensibles plutôt que d’y chasser ; – travailler avec l’ONF pour améliorer la préservation des milieux et des essences indispensables à cette espèce sensible et donc avoir aussi un appui politique local, national et européen ; – limiter les comptages au strict minimum pendant les années de moratoire pour limiter au maximum les dérangements . Est-ce que ces mesures, qui demandent pour certaines un vrai sens du sacrifice, seront suffisantes pour neutraliser, voire inverser, une tendance qu’on a du mal à bien évaluer ? On ne le saura que si on essaie. En tant qu’ornithologue-naturaliste, je ne peux que partager le constat douloureux et le cri de colère de l’auteur, qui est un chasseur, même si ses motivations pour protéger cette espèce ne puisent probablement pas aux mêmes sources que moi. Il est en effet grand temps d’agir localement de manière concertée. Et l’arrêt dans les Pyrénées de tout prélèvement cynégétique et de toute action de chasse photographique non respectueuse des bonnes pratiques, accompagné d’une surveillance des secteurs sensibles par les chasseurs pour éviter le braconnage, serait un signal très fort en faveur de la conservation de cette espèce. Est-ce possible et est-ce que ce sera suffisant ? L’avenir le dira. Et bon courage et bonne chance à ceux qui tenteront quelque chose sur le terrain. Tous mes vœux les accompagnent, car n’étant ni chasseur, ni montagnard, je n’ai hélas pas l’opportunité de participer localement à la réflexion et à l’action en faveur du Grand Tétras. »

Depuis cette date, un moratoire a été décidé:
https://www.lemonde.fr/planete/article/2022/06/01/le-grand-tetras-des-pyrenees-interdit-de-chasse-pour-cinq-ans-par-le-conseil-d-etat_6128552_3244.html

Espérons que cela permettra une amélioration de la dynamique des populations de cette espèce emblématique des Pyrénées.
Michel Antoine Réglade (Toulouse)

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