L’Oie de Ross (Anser rossii)

Oies de Ross (Anser rossii) (à gauche) et des neiges (A. caerulescens) de forme blanche

Oies de Ross (Anser rossii) (à gauche) et des neiges (A. caerulescens) de forme blanche. Notez chez cette dernière (1) le bec plus long, (2) la zone sombre entre les deux mandibules, (3) la tête moins arrondie et (4) le cou plus long (cliquez sur la photo pour l’agrandir).
Photographies :  Andrew c. et Hobbyfotowiki / Wikimedia Commons

Longueur : 57 – 66 cm.

Envergure : 113 – 116 cm.

Description : il s’agit d’une petite oie au bec court, avec la base gris bleuâtre verruqueuse chez le mâle adulte. Il y a deux formes de plumages chez l’adulte et l’oiseau de première année : une forme blanche, avec seulement les rémiges primaires noires, et une beaucoup plus rare, dite « bleue », avec la calotte, le cou, le dos et la poitrine gris-noir et le reste du corps blanc.  
L’Oie de Ross ressemble à l’Oie des neiges (A. caerulescens), mais cette dernière est nettement plus grande (longueur de 65 à 84 cm et envergure de 133 à 156 cm), son cou est plus long, sa tête est moins arrondie, son bec est plus long et une zone sombre proéminente est visible entre les deux mandibules, donnant l’impression qu’elle « sourit ». Le juvénile de l’Oie de Ross est plus pâle que celui de l’Oie des neiges. Il existe des hybrides entre les deux espèces.

Voix : espèce peu vocale, l’Oie de Ross émet un caquetage « keek-keek » faible et des grognements brefs « konk-konk » .

Habitats : l’Oie de Ross niche dans la toundra et hiverne dans les cultures et les zones humides à la végétation basse.

Aire de répartition et taxonomie : son aire de nidification est principalement limitée à l’Arctique canadien, du refuge d’oiseaux du golfe Reine-Maud (Territoire du Nunavut) au sud de la baie d’Hudson (Ontario). Elle niche encore ou a niché localement en Alaska. Elle hiverne en Californie (vallées de Sacramento et de San Joaquin), dans le Colorado, le Nouveau-Mexique, le nord du Mexique, le sud du bassin du Mississippi et plus à l’Est (en petit nombre). 

Une espèce en forte augmentation

Dans les années 1930, on estime qu’il restait moins de 6 000 Oies de Ross dans le monde, mais grâce à des mesures de conservation (contrôle de la chasse et protection des zones d’hivernage) et à la diminution du taux de mortalité, l’espèce a commencé à augmenter à partir des années 1960. En 1988, la population était remontée de manière spectaculaire, avec près de 200 000 individus reproducteurs, pour atteindre plus d’un million dix ans plus tard.
Il y aurait aujourd’hui plus de deux millions d’individus, et leur nombre continue d’augmenter, provoquant même une dégradation locale de la toundra, un effet également constaté chez d’autres espèces d’oies (lire L’augmentation du nombre d’Oies à bec court, une menace possible pour la toundra ?). Son aire de nidification a progressé vers l’Est, et de nouvelles colonies se sont formées ou ont été découvertes à partir des années 1990, par exemple le long de la baie d’Hudson et sur les îles de Baffin et de Southampton.

Des oiseaux d’origine sauvage incertaine en Europe

Oies de Ross et à bec court

Oies de Ross (Anser rossii) (dont une baguée au Canada) et à bec court (A. brachyrynchus) dans un polder près de Vlissegem (Belgique) en octobre 2023 (cliquez sur la photo pour l’agrandir).
Photographie : Marc Fasol

En dehors de l’Amérique du Nord, des Oies de Ross isolées ont déjà été vues au Groenland, en Sibérie orientale, sur les îles Féroé (lire Observer les oiseaux sur les îles Féroé, un archipel isolé dans l’Atlantique Nord) et en Europe de l’Ouest.
En Islande, un couple qui a niché en 1963 et en 1964 provenait probablement d’oiseaux britanniques d’origine captive, et étaient issus d’un croisement avec l’Oie des neiges.
En Europe, l’origine sauvage des individus n’est pas toujours facile à déterminer car l’espèce est bien représentée dans les collections privées et dans les parcs zoologiques, où elle s’élève et se reproduit facilement et cohabite bien avec les autres Anatidés : des individus peuvent parfois s’échapper.
En Grande-Bretagne par exemple, l’Oie de Ross, où des oiseaux d’origine captive se reproduisent parfois dans la nature, est longtemps restée sur la liste D, qui regroupe les espèces dont l’origine naturelle est possible mais dont l’arrivée a pu être aidée volontairement par l’Homme ou qui ont pu s’échapper. En 2021, elle a été ajoutée dans ce pays dans la catégorie A des espèces sauvages soumises à homologation suite à l’analyse de l’observation d’un adulte qui a hiverné plusieurs années de suite (entre 1970 et 1974) à Plex Moss, dans le Lancashire.
En France, l’espèce ne figurait pas encore en 2020 dans les catégories A, B et C, qui recensent les oiseaux sauvages ou établis depuis longtemps (selon la liste de la Commission de l’Avifaune Française). 
En Belgique, l’espèce figure dans la catégorie E regroupant les espèces supposées d’origine captive.

L’Oostkustpolder, une zone essentielle pour l’hivernage des oies

Quatre secteurs dans les Flandres belges constituent des zones importantes pour l’hivernage des oies depuis les années 1980 : la vallée de l’Yser, les environs d’Anvers et de Damme et l’Oostkustpolder, ce dernier étant le plus important. Il couvre une superficie d’environ 20 930 hectares délimités au nord par les agglomérations de Knokke, de Duinbergen et de Heist, à l’est par les frontières avec les Pays-Bas et la province de Flandre orientale, au sud par le canal Gand-Ostende et à l’ouest par l’agglomération de Bruges et le canal Boudewijn. Il est issu de la fusion administrative en 2010 du Zwinpolder, du Nieuwe Hazegraspolder, du Damse Polder et du Sint-Trudoledeken Polder.

Les quatre secteurs en Belgique importants pour l'hivernage des oies

Les quatre secteurs de Belgique importants pour l’hivernage des oies : (A) la vallée de l’Yser, (B) l’Oostkustpolder, (C) les environs de Damme et (D) les environs d’Anvers. Deux Oies de Ross ont été vues en octobre 2023 à Jabbeke et à Vlissegem. 
Carte : Ornithomedia.com 

Plusieurs dizaines de milliers d’oies, un chiffre qui atteint même les 500 000 certains hivers, se nourrissent entre octobre et mars dans les prairies issues du drainage et de la « mise en valeur » des marais saumâtres et tourbeux à partir du Moyen-Âge, mais aussi de plus en plus de résidus des récoltes de pommes de terre, de betteraves sucrières et de céréales d’hiver, dont les surfaces progressent (lire Pourquoi certaines espèces d’oies profitent-elles de l’agriculture moderne ?).
Les deux espèces les plus nombreuses sont les Oies à bec court (Anser brachyrhynchus) et rieuse (A. albifrons) (lire Distinguer les Oies cendrée, rieuse, des moissons de la taïga, de la toundra et à bec court). Des milliers d’Oies cendrées (A. anser) sont aussi comptées chaque année, mais elles stationnent moins longtemps que les précédentes et principalement durant les passages migratoires, même si une population férale nicheuse sédentaire est en expansion.
L’Oie à bec court est la véritable « vedette » de l’Oostkustpolder, celui-ci accueillant chaque hiver, en fonction des conditions climatiques, entre 80 et 90 % de la population nicheuse du Svalbard (lire Observer les oiseaux au Svalbard), qui représente entre 45 000 et 50 000 individus.
À la fin de l’été, elles quittent leurs sites de nidification, font une halte sur l’île aux Ours (Bjørnøya), la plus méridionale de l’archipel norvégien du Svalbard, et arrivent vers la mi-septembre au Danemark, où les différents groupes se concentrent. Elles rejoignent ensuite en octobre la Frise (Pays-Bas) après avoir survolé la mer du Nord, puis les Flandres belges, où elles arrivent normalement au cours de la première semaine de novembre et repartent avant la fin février.
Lors de l’hiver 2018-2019, des troupes ont aussi été vues en dehors de l’Oostkustpolder, atteignant les communes de Sijsele, d’Oedelem, de Beernem, de Maldegem, de Jabbeke, de Zedelgem, de Gistel, de Koekelare et d’Ichtegem et se nourrissant dans les grands champs de maïs avant de retourner le soir dans leur zone classique.

Observation de deux Oies de Ross parmi des Oies à bec court en Belgique en octobre 2023

Aires de répartition des Oies de Ross et à bec court

Aires de nidification (A) et d’hivernage (B) de l’Oie de Ross (Anser rossi) et aires de nidification (C) et d’hivernage (D) de l’Oie à bec court (A. brachyrhynchus). Flèche rose : trajet migratoire des Oies à bec court entre le Svalbard et l’Oostkustpolder (Belgique). Les deux Oies de Ross canadiennes auraient suivi un groupe d’Oies à bec court pour rejoindre la Belgique.
Carte : Ornithomedia.com 

Le 9 octobre 2023, Natuurpunt a annoncé la découverte de deux Oies de Ross dans un champ de maïs à Stalhille, dans la commune de Jabbeke, en Flandre occidentale. L’une des deux avait été baguée dans le Territoire canadien du Nunavut, confirmant son origine sauvage. Selon l’association, elles auraient rejoint la Norvège depuis l’Arctique canadien et auraient ensuite suivi  des Oies à bec court jusqu’en Belgique.
Ces oiseaux ont été observés auparavant en Norvège (l’oiseau bagué avait été noté à Eidsbotn, près de Levanger, le 18 septembre, où il a été rejoint trois jours plus tard par le second qui aurait survolé les îles Lofoten,), au Danemark (à Store Vildmose, à Ulvedybet et à Mandø le 7 octobre) et aux Pays-Bas (à Den Haag et au Maasvlakte le 8 octobre). Elles été découvertes en Belgique le 9 octobre, où elles étaient encore présentes les 15 (près de Vlissegem) et 16 octobre (à Klemskerke-Weiden puis à De Haen, sur le côte de la mer du Nord).

Un changement prévisible de catégorie en Belgique

L’observation d’une Oie de Ross née dans l’Arctique canadien confirme que cette espèce peut arriver naturellement en Europe de l’Ouest : elle va donc pouvoir être placée dans la catégorie A des oiseaux de Belgique. Cela n’est pas vraiment une surprise car c’est une espèce migrant sur de longues distances et qui est en forte progression numérique (+ 8 900 % en quarante ans !) et géographique (vers le nord-est du Canada). D’autre part, d’autres Anatidés nord-américains ont déjà été vus à plusieurs reprises ou hivernent même sur notre continent, l’exemple le plus connu étant l’Oie rieuse du Groenland (Anser albifrons flavirostris), qui niche sur cette grande île proche de l’Arctique canadien et qui hiverne en Écosse et en Irlande.
Toutefois, l’origine sauvage d’une Oie de Ross vue en Europe continuera à être difficile à déterminer avec certitude si l’on ne dispose pas d’éléments concrets, comme une bague.

Réagir à notre article

Réagissez à cet article en publiant un commentaire