Les amphibiens (grenouilles, crapauds, salamandres, etc.) consomment essentiellement des invertébrés (vers, moustiques…), d’autres amphibiens (notamment juvéniles) et des petits poissons, mais quelques rares espèces de grande taille sont connues pour manger occasionnellement des oiseaux : c’est le cas principalement de la Grenouille-taureau américaine (Lithobates catesbeianus), du Crapaud buffle africain (Pyxicephalus adspersus), de la Conraua goliath (Conraua goliath) et de la Grenouille à grande bouche de Khorat (Limnonectes megastomias).

Lors d’une étude menée sur les Hirondelles à front blanc (Petrochelidon pyrrhonota) dans le sud-ouest du Nebraska (États-Unis), une Grenouille-taureau américaine a par exemple été vue le 7 juillet 1998 tenter de manger l’une d’entre elles, qui avait été capturée dans un filet pour être baguée.  En 15 à 20 secondes, elle avait avalé l’oiseau jusqu’aux pattes, mais il était encore vivant, bien qu’apparemment assommé, et ses plumes étaient recouvertes de salive. Il a pu être relâché. Dans le zoo du Bronx à New-York (États-Unis), une Grenouille-taureau américaine a également été vue se jeter sur une Paruline jaune (Setophaga aestiva) et la manquer de peu.   

La Grenouille à grande bouche de Khorat, qui a été décrite en 2008 en Thaïlande, mesure plus de 12 cm de long pour le mâle. Comme son nom l’indique, elle se caractérise par sa grande bouche et les mâchoires puissantes du mâle, qui sont munies d’apophyses odontoïdes, des extensions pouvant mesurer 5 cm de long et qui lui servent de crocs. Le mâle chasse à l’affût, comme les serpents. Il se nourrit principalement d’invertébrés et d’autres amphibiens, dont L. gyldenstolpei, mais lorsqu’un petit oiseau s’approche suffisamment près, elle utilise sa langue pour l’attraper en plein vol. 

Vue du bassin à Clarensac (Gard)

Vue du bassin à Clarensac (Gard) où a eu lieu une possible attaque d’une Grenouille de Graf (Pelophylax klgrafi) ou rieuse (P. ridibundus) sur un jeune Chardonneret élégant (Carduelis carduelis) en août 2025.
Photographie (extraite d’une vidéo) : Elouan Pinck 

En Europe, les cas de prédation d’amphibiens sur des oiseaux sont exceptionnels et/ou peu documentés. La Grenouille rieuse (Pelophylax ridibundus), qui est la plus grande espèce indigène de notre continent, avec une longueur qui peut atteindre 13 cm, a un régime alimentaire varié, et de jeunes oiseaux figureraient parmi ses proies occasionnelles. Sur l’île de Chypre, une Grenouille verte de Bedriaga (Pelophylax bedriagae) adulte serait morte étouffée en essayant de consommer un oisillon qui faisait plus de la moitié de sa taille.

À la mi-août 2025, Elouan Pinck nous a décrit une scène intéressante dans un petit bassin à Clarensac (Gard). La température étant très élevée (38°c), il attirait différentes espèces d’oiseaux qui venaient y boire et s’y rafraîchir, incluant le Bruant jaune (Emberiza citrinella), la Fauvette mélanocéphale (Curruca melanocephala), la Tourterelle des bois (Streptopelia turtur) et le Chardonneret élégant (Carduelis carduelis). C’est également l’habitat de la Grenouille de Graf (Pelophylax klgrafi) et/ou de la Grenouille rieuse, l’identification de l’espèce n’ayant pas pu être faite.

Elouan a soudainement entendu un oiseau crier de manière anormale, et il a vu un Chardonneret élégant juvénile se débattre dans l’eau au bord du bassin. Pensant qu’il pouvait s’agir d’une attaque d’une Couleuvre helvétique (Natrix helvetica) ou vipérine (N. maura), régulières sur le site, il s’est rapidement rapproché pour essayer d’identifier le reptile, mais il n’a vu que deux grenouilles, qui sont parties en sautant. Le passereau semblait mort, peut-être après s’être noyé. Elouan s’est éloigné et l’une des grenouille s’est rapprochée de l’oiseau, sans essayer a priori de le consommer (pour l’instant).

il n’est pas possible d’affirmer que ce Chardonneret élégant a été la victime d’une attaque d’une grenouille, mais cela n’est pas à écarter : en effet, il pourrait s’agir d’un cas d’opportunisme alimentaire, un amphibien ayant peut-être voulu profiter de la présence régulière d’oiseaux venus s’abreuver à l’un des rares points d’eau du coin, la chaleur étant par ailleurs intense. 

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