L’archipel maltais est composé de huit îles, dont quatre sont habitées : Malte, Gozo, Comino et Manoel. Du fait de sa situation au milieu de la mer Méditerranée, entre l’Italie et la Tunisie, il constitue un lieu de halte essentiel pour de nombreux oiseaux migrateurs franchissant la Méditerranée, incluant des raretés (lire). Malheureusement, ils subissent une très importante pression cynégétique, touchant toutes les espèces. Braconniers et chasseurs tuent ou capturent des centaines milliers d’oiseaux chaque année, le nombre exact étant inconnu et probablement sous-estimé. La période de chasse débute officiellement le 1er septembre et se termine le 31 janvier, mais elle se pratique aussi au printemps, malgré les contrôles (insuffisants).

La Marouette poussin (Zapornia parva) est une petite espèce (longueur de 17 à 19 cm) nichant dans les jonchaies et les cariçaies d’Europe et d’Asie centrale et hivernant en Afrique. Elle est discrète durant la période de nidification, mais parfois relativement facile à voir lors des passages, quand elle se nourrit en bordure de végétation aquatique (lire Où observer les marouettes dans les régions méditerranéennes françaises ?).

Situation de l'île de Malte

Situation de l’île de Malte.
Carte : Ornithomedia.com 

Au XIXe siècle, la Marouette poussin était une migratrice « abondante » au printemps sur l’île de Malte, faisant une halte dès le mois de mars dans ses zones humides, dont plusieurs ont toutefois été asséchées depuis, comme la Marsa, qui a été transformée en terrain de golf et en hippodrome. Dès le début du XXe siècle, elle était devenue peu commune. Natalino Fenech (2010) avait indiqué qu’elle était rare au printemps et très rare en automne, ajoutant qu’elle était généralement observée entre la fin février et la mi-mai au printemps et entre la fin août et le début du mois d’octobre en automne. De possibles cas de nidification sont connus dans les années 2010, par exemple dans le parc ornithologique de Burmarrad et dans la vallée de Għajn Riħana, située entre Mġarr et Bidnija, dont le ruisseau qui la traverse et plusieurs petits bassins sont en eau entre l’hiver et la fin juillet. Des massifs de Cannes de Provence (Arundo donax) y fournissent un abri idéal aux oiseaux nicheurs et de passage, même s’il existe un projet d’éradiquer cette plante qualifiée d’invasive par les autorités, malgré l’ancienneté de sa présence sur l’île.  

Cette vallée est visitée une à deux fois par semaine entre la fin de l’hiver et le printemps par les ornithologues Natalino Fenech et Michael Sammut : ils y ont noté un impressionnant afflux de Marouettes poussins en 2024, qu’ils ont décrit dans un article publié dans la revue Uccelli d’Italia. Les trois premiers oiseaux ont été repérés le 15 mars dans trois bassins dans la partie supérieure de la vallée, au niveau d’il-Wied tal-Ħżejjen. Une semaine plus tard, jusqu’à cinq mâles et deux femelles ont été observés régulièrement dans la partie supérieure de la vallée et quatre mâles et une femelle dans sa partie inférieure. Des oiseaux ont également été vus dans les vallées voisines (lacs de Chadwick et vallée de Ġnejna). Au total, 34 oiseaux ont été observés au cours de la première semaine d’avril, dont 22 uniquement le 8. Le pic semble avoir eu lieu durant la deuxième semaine du mois. Les effectifs ont commencé à diminuer à partir de la troisième semaine, puis au cours du mois de mai. Les deux auteurs estiment qu’au moins 202 Marouettes poussins étaient présentées au printemps 2024 dans ce secteur, ce qui constitue un afflux sans précédent pour l’archipel maltais. Ce chiffre est peut-être même sous-estimé, certains oiseaux ayant pu passer inaperçus et d’autres avoir été tués illégalement. Une Marouette de Baillon (Zapornia pusilla) et deux Marouettes ponctuées (Porzana porzana) ont aussi été trouvées à partir du 7 avril. 

Les conditions météorologiques du mois d’avril 2024 étaient normales et le vent léger à modéré, à l’exception des journées où soufflait le sirocco, ce qui est classique pour l’archipel : cet afflux remarquable est donc difficile à expliquer. La densité de Marouettes poussins observées dans un petit nombre de petites zones humides de petite taille montre l’importance de les protéger, mais aussi de conserver les massifs de Cannes de Provence qui y poussent. 

Marouette poussin (Zapornia parva) mâle de passage sur l’île de Lesbos (Grèce) le 4 mai 2015.
Source : Alain Fossé

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