Le Siffleur de Wallace (Pachycephala arctitorquis) est un passereau au bec épais mesurant environ 14 cm de long. Le mâle a un capuchon noir, une gorge blanche, une large collier sombre plus ou moins large selon la sous-espèce et le dessous blanchâtre. La femelle a le dessus brun roux et le dessous blanchâtre, avec des stries foncées sur la poitrine. Le juvénile ressemble à la femelle, mais avec un bec clair. Son chant est une série de sifflements stridents, comprenant des « tchou » et des « tchwee », parfois émis en série. Il vit dans des habitats boisés variés dans les petites îles de la Sonde (Roma, Damar, Moa, Sermata et Babar, Tayandu et Tanimbar). Trois sous-espèces ont été décrites dans les Moluques (Indonésie) : P. a. kebirensis (îles Romang, Damar, Moa et Sermata), P. a. arctitorquis (îles Tanimbar) et P. a. tianduana, qui a été décrite en 1901 dans l’archipel des Tayandu, à l’ouest des îles Kei (ou Kai).

Situation de l'île d'Heniaar (Indonésie)

Situation de l’île d’Heniaar, dans l’archipel des Tayandu, dans la province indonésienne des Moluques, où Noah Saleme a probablement redécouvert la sous-espèce tianduanadu du Siffleur de Wallace en juillet 2025.
Carte : Ornithomedia.com

La sous-espèce P. a. tianduana n’avait pas été observée depuis sa découverte par Ernst Hartert, qui avait collecté cinq spécimens entre 1901 et 1902. Dans une synthèse ornithologique publiée en 2013 dans le journal The Western Australian Naturalist, R.E. Johnstone et Bas van Balen avaient suggéré qu’elle était probablement éteinte, aucune donnée n’étant connue depuis les cinq ayant servi à sa description au début du XXe siècle.

Les résultats publiés en 2025 dans la revue Molecular Ecology d’une analyse génétique ont par ailleurs montré qu’elle représentait une population d’origine hybride entre les Siffleurs de Wallace et terne (P. griseonota), avec une contribution génomique quasiment équivalente de ces deux espèces, même si son origine évolutive reste incertaine (hybridation initiale d’un petit nombre d’individus ou flux génétique répété). Bien que les siffleurs endémiques insulaires soient souvent relativement peu exposés aux échanges génétiques étant donné leur isolement géographique relatif, des contacts restent possibles, étant donné qu’ils sont capables d’une certaine dispersion, qui leur a permis de coloniser toutes les grandes îles de l’Indopacifique, jusqu’aux Samoa à l’Est. En outre, la sous-espèce kuehni du Siffleur terne est présente dans l’archipel des Kei, qui n’est situé qu’à 30 km environ des îles Tayandu, où a été décrite P. a.  tianduana, seules les eaux peu profondes de la mer de Banda les séparant.    

Ayant vécu plusieurs années sur les îles Kei, Noah Saleme est un jeune observateur qui a eu l’occasion de faire quelques voyages dans l’archipel voisin des Tayandu, bien avant même que sa passion pour l’ornithologie ne débute. Ce dernier est toutefois relativement reculé et peu d’observateurs les visitent. L’idée d’y rechercher la sous-espèce P. a. tianduana trottait dans sa tête depuis un certain temps, et en juillet 2025, il a décidé d’y séjourner durant une semaine pour tenter de la « retrouver » et de documenter l’avifaune locale.

Vue du village de Yamtel, sur l'île d'Heniaar, dans l'archipel des Tayandu (Indonésie)

Vue du village de Yamtel, sur l’île d’Heniaar, dans l’archipel des Tayandu (Indonésie) (cliquez sur la photo pour l’agrandir).
Photographie : Noah Saleme

Après quatre heures de ferry, Noah est arrivé sur Heniaar, la principale île des Tayandu. Les forêts primaires et secondaires y ayant presque disparu, il avait prévu de se rendre du Walir, plus vaste et encore bien boisée. Après avoir acheté dans l’épicerie du petit village de Yamtel de quoi manger et du matériel pour camper durant deux à trois jours, il a entendu un chant qu’il ne connaissait pas et qui lui rappelait celui du Siffleur terne. Il est allé rapidement chercher ses jumelles et son appareil photo, et l’oiseau chantait toujours dans le même arbre fruitier en plein milieu du village. Malgré une certaine excitation, il a enfin réussi à le repérer et il s’agissait bien d’un beau mâle de Siffleur de Wallace, très probablement de la sous-espèce tianduana étant donné la localisation et son plumage (peu de contraste entre le capuchon et le manteau), qui est resté pendant vingt minutes. Il a pu réaliser les probables premières photos et premiers enregistrements sonores connus d’un individu de cette sous-espèce que l’on croyait éteinte.

Alors qu’il comptait rester une semaine dans l’archipel des Tayandu et camper en forêt, cette découverte aussi rapide et qu’étonnante au milieu d’un village a bien sûr bouleversé ses plans. Il quand même prospecté l’île le lendemain matin pour observer des espèces endémiques et peu étudiées, comme la magnifique Brève de Vigors (Pitta vigorsii) ou encore la Rhipidure des Kai (Rhipidura assimilis). Durant une matinée, il a contacté quatre mâles de Siffleurs de Wallace et une seule femelle, qu’il n’a pas réussi à photographier. De façon étonnante, ce taxon ne semble pas rare sur Heniaar, où il est présent dans les jardins et la forêt dégradée.

En comparant ses enregistrements avec ceux des deux autres sous-espèces connues, il a remarqué quelques différences, notamment avec les vocalisations de la sous-espèce nominale : son cri est un « wheeuuu » montant puis descendant, alors que celui de P. a arctitorquis est un « wheee«  montant. Son chant est aussi plus varié, avec davantage de combinaisons, et il est plus lent et plus fluté, se rapprochant de celui du Siffleur terne. 

Écoutez ci-dessous un enregistrement du chant de la sous-espèce tianduana du Siffleur de Wallace réalisé par Noah Saleme en juillet 2025 sur l’île d’Heniaar, dans l’archipel des Tayandu (Indonésie) (source : Xeno-Canto) :

Morphologiquement, la sous-espèce tianduana a un dos plus gris qui contraste moins avec le noir de la tête et une bande pectorale plus large que celui des deux autres sous-espèces. Tous ces éléments poussent vers une élévation possible au rang d’espèce distincte lors de la nouvelle évaluation du complexe Pachycephala qui est prévue pour 2026.

Bien que remarquable, cette découverte n’est pas étonnante, la province indonésienne des Moluques, au très fort taux d’endémisme, étant encore relativement peu connue d’un point de vue ornithologique (lire Voyage ornithologique dans les îles Moluques du Sud). La liste des taxons « oubliés » y est longue et mériterait plus d’attention, comme l’a montré Noah Saleme, qui, seul, avec son guide et ses jumelles, a redécouvert une sous-espèce qui n’avait pas été vue depuis plus de 120 ans. 

Très probable mâle de la sous-espèce tianduana du Siffleur de Wallace (Pachycephala arctitorquis)

Mâle de la sous-espèce tianduana du Siffleur de Wallace (Pachycephala arctitorquis) sur l’île d’Heniaar, dans l’archipel des Tayandu (Indonésie), en juillet 2025 (cliquez sur la photo pour l’agrandir).
Photographie : Noah Saleme

Vue de la forêt secondaire sur l'île d'Heniaar, dans l'archipel des Tayandu (Indonésie)

Vue de la forêt secondaire sur l’île d’Heniaar, dans l’archipel des Tayandu (Indonésie), où la sous-espèce tianduana du Siffleur de Wallace (Pachycephala arctitorquis) semble bien présente (cliquez sur la photo pour l’agrandir).
Photographie : Noah Saleme

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