Le Faucon gerfaut (Falco rusticolus) est le plus grand faucon du monde : son envergure atteint 1,35 m pour une longueur de 51 à 56 cm et son poids varie généralement entre 1 et 1,6 kg. Il a une distribution arctique circumpolaire, allant de l’Arctique canadien à la Sibérie en passant par le Groenland, l’Islande et la Scandinavie (lire La péninsule de Varanger en février 2018 : eiders, hareldes et gerfaut). Il existe plusieurs variantes de plumage, allant du blanc au noirâtre en passant par différentes nuances de gris (lire Les Faucons gerfauts les plus clairs sont favorisés). Le juvénile est brun dessus et rayé dessous (lire À propos d’un Faucon gerfaut présent en Belgique depuis le début de l’hiver).

Il est sédentaire dans la majeure partie de son aire de reproduction, et les lagopèdes (Lagopus sp.) constituent généralement ses proies les plus importantes. Les Faucons gerfauts utilisent souvent la même falaise pour nicher pendant plusieurs saisons de suite. La femelle pond généralement de trois à quatre œufs à la mi-avril et les oisillons s’envolent en juin ou au début du mois de juillet.

Les données de prédation sur le Faucon gerfaut sont exceptionnelles dans la littérature : en Suède, une Martre des pins (Martes martes) a mangé une couvée de trois jeunes, et en Russie, des Faucons pèlerins (Falco peregrinus) ont tué un subadulte. Cette rareté des cas pourrait s’expliquer par le faible nombre de prédateurs partageant l’habitat de reproduction de ce rapace. Des indices suggèrent toutefois que de jeunes Faucons gerfauts pourraient, au moins occasionnellement, constituer des proies : par exemple, Nielsen et Cade (1990) ont signalé que des restes d’oisillons avaient été trouvés à deux reprises dans des nids de Grands Corbeaux (Corvus corax), sans que l’on puisse affirmer que ces derniers les avaient bien tués, un cadavre a été repéré dans un nid d’Aigles royaux (Aquila chrysaetos) en Norvège (Hagen 1952), et Booms et Fuller (2003) ont découvert des os et des plumes de juvéniles dans deux pelotes de rejection dans un nid de Faucons gerfauts dans le centre-ouest du Groenland, sans que l’on sache s’il s’agissait d’un cas de prédation intraspécifique ou de cannibalisme (lire Un cas de cannibalisme chez le Faucon d’Éléonore).

Situation de Lierne (Norvège)

Situation de Lierne (Norvège).
Carte : Ornithomedia.com

Dans un article publié en 2023 dans le Journal of Avian Research, des ornithologues ont présenté la première preuve documentée d’une prédation de jeunes Faucons gerfauts par un autre rapace. Dans le cadre d’un programme de suivi de onze nids dans la municipalité de Lierne, située dans le centre de la Norvège, effectué durant les saisons de nidification de 2018 à 2022, des pièges photographiques Minox DTC-550 (lire Utiliser les pièges photographiques pour étudier et observer les oiseaux) avaient été posés quand les oisillons avaient au moins 18 jours. L’un d’entre eux a filmé le 5 juin 2021 un Autour des palombes (Accipiter gentilis) qui a attaqué et tué sur place trois des quatre oisillons présents. L’intrus a visité le nid au moins deux fois entre 2 h 14 et 2 h 15 du matin, environ 30 minutes avant le lever du soleil. D’après le développement de son plumage, l’aîné avait environ 23 jours. À 6 h 12, la femelle de Faucon gerfaut est revenue au nid avec une proie et a commencé à nourrir le seul survivant, qui a quand même pu être élevé avec succès et a quitté le nid le 29 juin.

En comparant la taille de l’Autour des palombes avec celle de la femelle adulte de Faucon gerfaut, le prédateur était une femelle subadulte, les deux étant nettement plus grandes que les autours mâles (lire Pourquoi les femelles de rapaces sont-elles généralement plus grandes que les mâles ?).

L’Autour des palombes est un prédateur puissant et opportuniste (lire L’Autour des palombes devient urbain) qui s’attaque à une grande variété d’oiseaux et de mammifères, y compris d’autres rapaces tels que le Hibou moyen-duc (Asio otus), la Chouette hulotte (Strix aluco) et les oisillons et parfois les adultes de l’Épervier d’Europe (Accipiter nisus), de la Buse variable (Buteo buteo), de la Bondrée apivore (Pernis apivorus) et du Balbuzard pêcheur (Pandion haliaetus).

Autour des palombes (Accipiter gentilis) dans un nid de Faucons gerfauts (Falco rusticolus)

Autour des palombes (Accipiter gentilis) femelle à côté du jeune Faucon gerfaut (Falco rusticolus) qu’elle vient de tuer à Lierne (Norvège) le 5 juin 2021.
Source : Børje C. Moen et al / The Journal of Raptor Research

Dans le centre de la Norvège, les forêts boréales et les zones subalpines et alpines sont souvent voisines, ce qui peut faciliter les interactions entre les deux espèces. Le nid attaqué était situé à environ 800 mètres d’un boisement d’Épicéas communs (Picea abies), mais aucun territoire d’autours n’était connu dans le secteur, ce qui pourrait suggérer que le prédateur était non territorial.

Les Faucons gerfauts nourrissent généralement leurs petits quatre à cinq fois par jour lorsqu’ils ont entre 20 et 25 jours, et il était donc surprenant qu’aucun adulte ne soit retourné dans l’aire plus tôt : cela pourrait être dû au fait que le risque de prédation était considéré comme faible.

L’un des jeunes faucons a commencé à se nourrir de son frère (ou de sa sœur) mort presque immédiatement après que l’autour ait quitté le nid, ce qui suggère que sa carcasse a déclenché une réaction alimentaire.

Les Autours des palombes peuvent avoir un impact négatif sur la reproduction d’autres rapaces en tuant leurs oisillons : par exemple, Kostrzewa (1991) avait montré que le taux de prédation des nids de Buses variables et de Bondrées apivores était corrélé positivement à la proximité de celui d’un couple d’autours. Le changement climatique, en favorisant l’extension des forêts boréales, pourrait dans le futur augmenter les interactions entre les deux rapaces, au détriment du Faucon gerfaut.

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