Une ronde de passereaux est un groupe composé d’au moins deux espèces d’oiseaux se nourrissant et se déplaçant ensemble dans un secteur de manière concordante et pendant une durée variable. Plusieurs hypothèses ont été avancées pour expliquer ce comportement, les deux principales étant une efficacité accrue dans la recherche de nourriture et une diminution du risque de prédation, notamment par les rapaces, grâce à une augmentation de la vigilance collective (lire Les rondes d’oiseaux).

Dans les forêts tempérées et subtropicales, ces rassemblements mixtes se forment en automne et surtout en hiver, lorsque les ressources alimentaires diminuent et/ou que les territoires de reproduction n’ont plus besoin d’être défendus. La baisse des températures constitue en effet un stimulus de la formation de rondes dans les régions où la saisonnalité est claire, ces regroupements constituant une adaptation pour surmonter ces conditions. Des espèces ayant les mêmes régimes alimentaires, par exemple des insectivores, peuvent alors prospecter ensemble une zone donnée, par exemple un bois ou en ensemble de jardins, surmontant alors leur compétition pour la recherche de proies et les risques de conflits, ces inconvénients étant probablement compensés par l’augmentation des chances de trouver des aliments, alors que ceux-ci deviennent plus rares. Certains participants modifient aussi leurs techniques de nourrissage : par exemple, ceux qui ont l’habitude de se nourrir dans la canopée de la forêt se mettent à explorer les strates basses de la végétation, et vice-versa. Cette adaptation est aussi favorisée par un élargissement du spectre alimentaire en dehors de la période de nidification, les oiseaux strictement insectivores mangeant alors également des graines. Ces changements sont enfin imposés par une plus forte concentration d’oiseaux (une dizaine en moyenne dans les régions tempérées). 

La composition des troupes mixtes varie selon les régions et des habitats. Elle comprend généralement des espèces « meneuses », qui en forment le noyau et qui sont à l’origine de la formation des groupes et du choix des directions, et des oiseaux qui les rejoignent, qui sont appelés des « suiveurs ». En Europe, les rondes sont en général constituées de plusieurs espèces de mésanges, en particulier de Mésanges bleues (Cyanistes caeruleus),  charbonnières (Parus major), nonnette (Poecile palustris), noire (Periparus ater) et huppée (Lophophanes cristatus), mais aussi d’Orites à longue queue (Aegithalos caudatus), de Sittelles torchepots (Sitta europaea), de Grimpereaux des jardins (Certhia brachydactyla), de Pics épeichettes (Dendrocopos minor), de Roitelets huppés (Regulus regulus) et à triple-bandeau (R. ignicapilla) et de Pouillots véloces (Phylloscopus collybita). 

Mésange à tête noire (Poecile atricapillus)

Mésange à tête noire (Poecile atricapillus).
Photographie : Tattooeddreamer / Wikimedia Commons

Dans un article publié en septembre 2025 sur le site web de la National Audubon Society, Andy McGlashen a cité un conseil de Kenn Kaufman, le célèbre auteur américain de plusieurs guides d’identification : « en automne, marcher dans les bois en écoutant les mésanges peut faciliter la recherche des parulines, des viréos et des autres passereaux migrateurs, qui les rejoignent volontiers lors de leurs haltes ». Bien entendu, ce conseil est surtout applicable en Amérique du Nord, mais il est possible que ces passereaux néarctiques, lorsqu’ils arrivent de façon accidentelle en Europe de l’Ouest, rejoignent aussi les rondes de mésanges locales pour bénéficier de leurs « connaissances » du terrain et de leur vigilance collective. 

En Amérique du Nord, les cris de la Mésange à tête noire (Poecile atricapillus) ont été les plus étudiés. Elle émet deux types de vocalisations : des appels rapides (« seet ») pour signaler un danger en mouvement, et des « chick-a-dee », qui servent à inciter d’autres passereaux à les rejoindre pour houspiller un éventuel prédateur perché à proximité. Plus une mésange perçoit une menace comme dangereuse, plus elle ajoute des « dee » à la fin de ses vocalisations. Elle réserve ses appels les plus longs aux petits prédateurs agiles, capables de se faufiler facilement entre les arbres, comme les chevêchettes (Glaucidium sp.) et l’Épervier de Cooper (Accipiter cooperii), mais elle se montre moins inquiète face à de plus grandes espèces moins rapides, comme le Grand-duc d’Amérique (Bubo virginianus) ou la Buse à queue rousse (Buteo jamaicensis). Plusieurs éléments suggèrent que même si les parulines, les viréos et les autres passereaux de passage ne produisent pas les mêmes sons, ils en comprennent le sens général.

Écoutez ci-dessous un enregistrement des cris du type « chick-a-dee » de la Mésange à tête noire (Poecile atricapillus) réalisé par Sue Riffe dans le Colorado (États-Unis) le 2 août 2020 (source : Xeno-Canto) :

Lors d’une expérience menée au Brésil, en Colombie et au Costa Rica, des pays où il n’y a pas de mésanges, des chercheurs ont diffusé des enregistrements des « chick-a-dee » des Mésanges à tête noire pour observer la réaction des oiseaux locaux, et même des espèces sédentaires tropicales, qui n’avaient jamais entendu ces sons auparavant, ont volé vers le haut-parleur, ce qui suggère que leur réaction est au moins en partie instinctive.

En automne, les rondes mixtes de mésanges, de Roitelets huppés et de Pouillots véloces peuvent aussi attirer des espèces venues de Sibérie, comme le Pouillot à grands sourcils (Phylloscopus inornatus) (lire Le Pouillot à grands sourcils, un « nouveau » participant aux rondes automnales de passereaux en Europe de l’Ouest).

Pouillot à grands sourcils (Phylloscopus inornatus) et Mésanges bleues (Cyanistes caeruleus) dans un bouleau dans le sud de la Suède en octobre 2022.
Source : Måns Karlsson

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