La Macreuse à front blanc (Melanitta perspicillata) est un gros canard marin plongeur mesurant environ 55 cm de longueur pour une envergure de 78 à 92 cm. Elle se distingue de la Macreuse noire (M. nigra) par son imposant bec conique (lire Identifier les macreuses dans des conditions d’observation difficiles). Le mâle en plumage nuptial est noir avec des grandes tâches blanches sur le front et sur la nuque et son bec orange, noir et blanc. La femelle adulte est brun foncé avec le bec sombre, une calotte noire et des taches pâles sur les côtés de la tête. Le jeune ressemble à la femelle, mais son ventre est blanchâtre.

Macreuse à front blanc (Melanitta perspicillata)

Macreuse à front blanc (Melanitta perspicillata) mâle adulte à Cologny sur le lac Léman (Suisse) le 23 novembre 2023 (cliquez sur la photo pour l’agrandir).
Photographie : Frédéric Bacuez / Ornith’ondar

La Macreuse à front blanc niche sur les berges des plans d’eau dans la forêt boréale des îles Aléoutiennes et de l’Alaska au labrador (Canada) et hiverne en principalement le long des côtes atlantiques et pacifiques d’Amérique du Nord, ainsi que dans le golfe du Mexique. Elle se nourrit d’invertébrés d’eau douce durant la saison de reproduction, et de mollusques (principalement des moules), de crustacés, de vers marins et d’œufs de poissons en hiver. En dehors de la saison de nidification, elle forme des troupes parfois importantes en mer, plongeant alors souvent de façon synchronisée.

Elle est rare en petit nombre en automne et en hiver le long des côtes d’Europe occidentale, notamment dans les îles britanniques (lire Les détroits de Bluemull et de Colgrave dans les îles Shetland, un « paradis » pour les eiders et les hareldes en hiver) et en Scandinavie. En France, elle est très rare et irrégulière, principalement en hiver le long du littoral atlantique, où il faut la rechercher dans les grandes troupes de Macreuses noires : la plage de la Terrière à La Tranche-sur-Mer (Vendée) est l’un des meilleurs sites pour l’observer (lire Observer les oiseaux près de La Tranche-sur-Mer), ainsi que la baie de Douarnenez (Finistère (lire La baie de Douarnenez, la baie des canards marins).

Carte du lac Léman

Carte du lac Léman (France-Suisse) et situation de Cologny (Suisse).
Carte : Ornithomedia.com

À l’intérieur du continent européen, la Macreuse à front blanc est exceptionnelle, et toute donnée attire donc les observateurs : le 20 novembre 2023, un mâle adulte non bagué mais peu farouche a été découvert par Noah Clerc, du Groupe des Jeunes de l’association Nos Oiseaux, dans la commune de Cologny, sur le lac Léman (Suisse), où il était encore présent le 26 novembre au moins. Il s’agit d’une première donnée de cette espèce dans ce pays, et sa présence a fait l’objet de reportages à la télévision helvétique, comme sur la RTS, et d’articles dans les journaux, comme dans la Tribune de Genève et dans Le Temps. L’arrivée de cet oiseau marin néarctique sur un lac alpin a probablement été favorisée par les vents forts qui ont accompagné les passages des tempêtes Ciarán et Domingos au mois de novembre 2023, qui ont poussé de nombreux Phalaropes à bec large (Phalaropus fulicarius), Mouettes de Sabine (Xema sabini) et Océanites culblanc (Oceanodroma leucorhoa) sur les côtes françaises (lire Les Océanites culblanc peuvent-ils survivre lorsqu’ils sont entraînés loin à l’intérieur des terres ?).

Observateurs et photographes à Cologny (Suisse)

Observateurs et photographes rassemblés pour voir la Macreuse à front blanc (Melanitta perspicillata) à Cologny, sur le lac Léman (Suisse) le 23 novembre 2023 (cliquez sur la photo pour l’agrandir).
Photographie : Frédéric Bacuez / Ornith’ondar

Ce mâle pourrait stationner longtemps sur le lac Léman, qui est riche en moules d’eau douce, notamment depuis l’installation à partir de 2015 puis l’expansion de la Moule quagga (Dreissena bugensis), une espèce invasive originaire du bassin du Dniepr (Ukraine).

Il stationne actuellement dans la réserve de Rive gauche du Petit-Lac, qui s’étend le long de la rive sud du lac Léman, entre Cologny et Hermance, et qui comprend la baie de la Pointe-à-la-Bise, un site connu pour ses grands rassemblements de fuligules et de Foulques macroules (Fulica atra) (lire Observer les oiseaux en hiver dans la partie ouest du Lac Léman). Au printemps, le Harle bièvre (Mergus merganser) et la Sterne pierregarin (Sterna hirundo) y nichent.

Si cette donnée est exceptionnelle, les observations d’oiseaux marins sont rares mais régulières sur le lac Léman, incluant l’Eider à duvet (Somateria mollissima), la Macreuse brune (Melanitta fusca), le Fuligule milouinan (Aythya marila), le Harle huppé (Mergus serrator) ou même des labbes (lire Où et comment observer les labbes sur le lac Léman ?).

Précisons qu’un Chevalier grivelé (Actitis macularius), une autre espèce nord-américaine, est actuellement également présent sur les rives du lac Léman, où il a été découvert le 28 octobre dans le parc Barton à Genève et son identification confirmée le 10 novembre (lire Distinguer les Chevaliers grivelé et guignette). Le 24 novembre, il était signalé dans le jardin botanique et sur le quai Wilson, toujours dans cette même ville (source : www.ornitho.ch).

 Une Macreuse à front blanc (Melanitta perspicillata) égarée sur le lac Léman (Suisse) en novembre 2023.
Source : Le Temps

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