Le Machaon jaune ou Grand porte-queue (Papilio machaon) est l’un des plus grands papillons de France, avec une envergure pouvant atteindre 8 à 10 cm. Il possède un corps mince et allongé et des ailes jaunes marquées de noir, dont l’arrière est bordé d’une rangée de taches bleu sombre et d’un ocelle rouge et est prolongé d’une « queue ». Ce dessin contrasté permettrait de surprendre et parfois d’effrayer les oiseaux (lire Les papillons machaons peuvent vraiment effrayer les mésanges).

Ses œufs sont pondus isolément au printemps sur les feuilles de plantes appartenant à la famille des Apiacées (anciennement Ombellifères), comme la Carotte (Daucus carotta), le Fenouil (Foeniculum vulgare), l’Aneth (Anethum graveolens), le Panais (Pastinaca sativa), le Persil (Petroselinum crispum), le angéliques (Angelica sp.), le Peucédan des marais (Thysselinum palustre), le lasers (Laserpitium sp.), les boucages (Pimpinella sp) etc. Au total, plus de 40 espèces d’Apiacées ont été recensées comme étant des plantes-hôtes possibles du Machaon jaune en France. On peut occasionnellement aussi l’observer sur des plantes d’autres familles botaniques, comme la Rue fétide (Ruta graveolens) ou la Fraxinelle (Dictamnus albus), qui appartiennent à la famille des Rutacées.

Chenille de Machaon jaune (Papilio machaon) au cinquième stade de développement

Chenille de Machaon jaune (Papilio machaon) au cinquième stade de développement.
Photographie : Ivanhoe / Wikimedia Commons

L’éclosion des œufs a lieu une semaine après la ponte, à partir du mois de mai. Au premier stade de développement, la chenille, très sombre et  hérissée, porte une tache blanche sur son dos et ressemble alors superficiellement à une fiente d’oiseau, un camouflage qui ne la protège toutefois pas de certains prédateurs, comme les araignées. Elle passe au total par cinq stades de développement avant de devenir une chrysalide : durant les premiers, elle reste plutôt sombre, et ce n’est qu’à partir du cinquième (voire du quatrième selon certaines sources) qu’elle devient verte avec des rayures noires et des points orange, une livrée qui peut sembler voyante, mais qui reste relativement discrète au milieu du feuillage souvent très découpé de ses plantes hôtes. Cette étape dure généralement entre trois à quatre semaines, puis la chenille cesse de se nourrir et cherche un endroit sécurisé pour se transformer en chrysalide.

Cette coloration vive constitue un avertissement : il s’agit d’un exemple d’aposématisme, un moyen de défense qui sert à informer les prédateurs, comme les oiseaux, souhaitant manger ces chenilles que leur goût est désagréable (du fait de l’accumulation de certaines molécules chimiques végétales) et qu’il vaut mieux les éviter.

Toutefois, ce mécanisme de défense n’élimine pas totalement le risque d’être capturé, blessé, voire tué, même sans être mangé. Pour l’évaluer, une expérience avait été menée sur quinze Mésanges charbonnières (Parus major) : elles pouvaient choisir entre des vers de farine et des chenilles de Machaons jaunes à leurs derniers stades de développement. La plupart d’entre elles (73 %) ont montré une réelle attraction pour les secondes, ne s’en désintéressant ou ne les évitant qu’après les avoir goûtées une première fois. Toutefois, toutes les chenilles ont survécu à l’attaque, ce qui suggère que le coût de l’aposématisme pourrait être relativement faible pour elles. Elles pourraient en effet avoir un corps plus robuste que d’autres espèces cryptiques, dépourvues de défenses secondaires (toxicité, mauvais goût, etc.), ce qui leur permet de rester indemne après avoir été relâchées.

En plus de leurs couleurs vives, ces chenilles sont munies d’un osmeterium, un organe charnu positionné à l’avant de la tête, qui ressemble à une paire de cornes gonflables ou à la langue d’un serpent : caché au repos, il est dévaginé en cas de danger à travers la fente du prothorax. Il dégage aussi une odeur nauséabonde à base d’acide butyrique, comparée par certains à de l’ananas pourri, qui semble repousser les attaques des fourmis, des guêpes et des mouches parasites, mais qui ne ne semble pas détourner les oiseaux. Dans une étude, des chenilles de Papillons du céleri (Papilio polyxenes), de Machaons tigrés (P. glaucus) et géant (P. cresphontes), avec ou sans osmeterium fonctionnel, ont été proposées à des cailles (Coturnix sp.), des oiseaux consommant régulièrement des larves de lépidoptères : alors que pratiquement toutes les chenilles du Papillon du céleri et du Machaon géant ont été évitées, celles du Machaon tigré ont toutes été consommées. Les sécrétions osmétériales de ces trois espèces étant comparables, il est peu probable que cet organe joue un rôle majeur dans leur différence d’appétence par les cailles. 
 
En juillet 2025, Gilles Pichard a fait une observation intéressante dans son jardin dans les Côtes-d’Armor : il a vu et photographié un jeune Merle noir (Turdus merula) ayant mangé, après plusieurs tentatives, une chenille de Machaon jaune qui se nourrissait de Fenouil sauvage et qui avait pourtant atteint son dernier stade de développement. Il aurait a priori mangé les cinq ou six chenilles qui étaient présentes, même l’observateur n’a été témoin que d’une seule consommation. S’agit-il d’un cas isolé d’un oiseau ayant apprécié le goût particulier de ces chenilles ? Cette « expérience culinaire » est-elle liée simplement à son jeune âge ? Une expérience avait démontré que les Étourneaux sansonnets (Sturnus vulgaris) apprenaient à identifier un  goût amer pour prédire la quantité de toxines contenue dans chaque proie, puis à utiliser cette information pour se tourner ensuite vers des aliments moins toxiques. 

Chenille de Machaon jaune (Papilio machaon) se nourrissant d’Aneth (Anethum graveolens).
Source : 10souCfou

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