Le Paon spicifère (Pavo muticus) diffère notamment du Paon bleu (Pavo cristatus) par sa taille inférieure, sa teinte générale verte, sa crête en forme de pointe et sa zone de peau dénudée jaune-orangée sur les joues. La femelle est moins colorée et elle ne possède pas la longue traîne du mâle. Il niche dans les forêts claires. Il était autrefois présent dans tout le Sud-est de l’Asie, du nord de l’Inde à l’Indonésie en passant par le Myyanmar (anciennement Birmanie), mais son aire de répartition est aujourd’hui très morcelée à cause de la destruction de son habitat et de la chasse, et il est désormais considéré comme étant en danger par l’Union Internationale pour la Conservation de la Nature.

La déforestation constitue certainement la menace la plus sérieuse pesant sur cette espèce : le Myanmar a ainsi perdu près de 155 000 km² de forêts naturelles entre 1990 et 2020 à cause des coupes légales et illégales, des défrichements agricoles et du développement des plantations de Palmiers à huile (Elaeis guineensis), d’Hévéas du Brésil (Hevea brasiliensis) et de Tecks d’Indochine (Tectona grandis).

Situation de la chaîne de Pegu Yoma (Myanmar)

Situation de la chaîne de Pegu Yoma (Myanmar).
Carte : Ornithomedia.com

Le Pegu Yoma ou Bago Yoma est une chaîne de basses montagnes et de collines s’étendant entre les fleuves Irrawaddy et Sittaung, dans le centre du pays. L’altitude y est généralement inférieure à 800 mètres. Suite à la disparition des forêts naturelles de Tecks d’Indochine au XIXe et au XXe siècles et pour répondre à la demande croissante en bois de cette essence, des plantations d’une superficie totale de 1 700 km² ont été créées dans les années 1970. En 2007, le gouvernement a autorisé des compagnies privées à exploiter les forêts et à développer encore la culture du teck, contribuant à augmenter la fragmentation des habitats naturels et la perte de la biodiversité.

Pourtant, une étude récente menée par Sukumal et al. (2020) avait monté que la chaîne de Bago Yoma constituait l’un des six derniers bastions birmans du Paon spicifère, avec une population minimale estimée à 500 oiseaux vivant essentiellement dans les forêts sèches mixtes de feuillus (Tectona grandis et Xylia xylocarpa principalement) et de diptérocarpacées (Pterocarpus macrocarpus principalement). Toutefois, les plantations mâtures de tecks pourraient également, sous certaines conditions, constituer des refuges et des zones d’alimentation importantes pour cette espèce.

Dans un article publié en 2023 dans la revue Ornithological Applications, des biologistes ont présenté les résultats d’une étude visait à estimer plus précisément la population de Paons spicifères dans cette zone montagneuse et à mieux comprendre le rôle des plantations de tecks dans leur écologie. Ils ont effectué pour cela des comptages entre janvier et avril 2020 à l’aide de la méthode des transects (lignes virtuelles)  : 47 ont été répartis dans quatre secteurs composés de boisements naturels et plantés par l’Homme.

Le Paon spicifère a été détecté le long de 18 de ces transects. Les auteurs ont constaté que sa densité moyenne était de 0,8 mâle chanteur par km² dans l’ensemble de la zone d’étude, les résultats étant comparables dans les forêts naturelles et dans les plantations (respectivement 0,825 et 0,866 mâle par km²), des chiffres faibles par rapport à ceux obtenus par exemple dans le sud du plateau de Shan (entre 1,13 et 2,63 mâles par km²) ou dans le sanctuaire de Huai Kha Khaeng en Thaïlande (jusqu’à 11,34 mâles par km²), mais qui montrent que cette espèce utilise de façon importante les plantations. Les biologistes ont estimé que la superficie totale des habitats favorables dans la chaîne du Pegu Yoma était de 8 554 km² divisés en huit grandes parcelles de plus de 40 km², seuls 729 km² étant protégés.

Les plantations de tecks pourraient servir de corridors reliant les forêts naturelles si elles étaient gérées de façon adéquate, d’autant plus que les compagnies forestières qui les exploitent luttent plus efficacement que les autorités contre les coupes illégales et interdisent la chasse. La progression de ces surfaces plantées, qui semble inévitable, devrait se faire idéalement dans les secteurs déjà déboisés afin de relier entre eux les fragments naturels.

Le Paon spicifère peut faire preuve d’une certaine capacité d’adaptation, comme le montre sa présence dans les petits boisements bordés de cultures proches des monastères et des temples bouddhistes birmans (lire Les monastères du Myanmar servent de refuges aux Paons spicifères).

Paon spicifère (Pavo muticus) mâle dans une forêt sèche dans la réserve de chasse de Ban Hong, dans la province de Lamphun (Thaïlande) le 25 mars 2019.
Source : Pete Hines

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