Des dizaines de millions de Faisans de Colchide (Phasianus colchicus) sont relâchés chaque année en Europe pour la chasse, mais les conséquences écologiques de ces libérations sont encore mal connues. L’un d’entre elles serait la propagation de Borrelia sp., les bactéries responsables de la maladie de Lyme (lire Les oiseaux et la maladie de Lyme) : en effet, chaque faisan peut héberger des centaines de Tiques du mouton (Ixodes ricinus), leur principal vecteur.

Dans un article publié en avril 2025 dans la revue Ecology Letters, des ornithologues ont étudié l’impact de ces lâchers sur les présences des tiques et de Borrelia sp. dans les bois où ces oiseaux sont libérés. En Grande-Bretagne (et dans d’autres pays), de jeunes faisans sont placés dans des zones clôturées munies de petites portes leur permettant de sortir et de revenir. La construction de clôtures étant coûteuse, ces espaces sont souvent utilisés pendant plusieurs années de suite. Les oiseaux y sont nourris, abreuvés et abrités. Ils sont généralement tous abattus durant la saison de chasse, mais certains enclos peuvent continuer à en accueillir au-delà de la saison pour établir ou renforcer les populations locales. En moyenne, 9 % des faisans sont encore en vie au printemps suivant leur lâcher.

Les auteurs de l’article ont étudié 25 enclos situé dans le sud-ouest de la Grande-Bretagne entre le 10 mai et le 16 juillet 2022, ce qui correspond au pic de l’activité des tiques. Les adultes et les nymphes (mais pas les larves, qui ne jouent pas ou peu de rôle dans la dissémination de Borrelia sp.) ont été recherchés et collectés dans les bois (n = 89) où des faisans avaient été lâchés l’année précédente, et dans ceux sans lâchers (=les  bois témoins), éloignés de 1 à 2,5 km de l’enclos le plus proche, une distance supérieure à la zone de dispersion typique des faisans.

L’ADN des tiques a été prélevé et des tests génétiques de dépistage de la présence de la bactérie ont été effectués. Une étude statistique a été menée pour évaluer notamment les effets des lâchers sur l’abondance des tiques et sur la prévalence de Borrelia sp. chez ces dernières. La superficie du bois, la présence de feuillus et de conifères et la densité de la végétation ont été pris en compte.  

Au total, 693 nymphes et 54 adultes de tiques ont été collectés dans les bois témoins (n =43), contre 671 nymphes et 110 adultes dans les bois où des lâchers avaient été effectués (n = 46). Toutes les tiques ont été identifiées comme appartenant à l’espèce Ixodes ricinus. L’abondance des tiques adultes était plus importante dans les bois où des faisans avaient été relâchés. La présence de Borrelia sp. a été recherchée dans 2 493 tiques (343 adultes et 2 150 nymphes), et les auteurs ont constaté que la probabilité que celles-ci soient infectées était 2,45 fois plus élevée dans les bois où des lâchers avaient été effectués. En particulier, B. garinii, plus étroitement associée aux oiseaux (lire Maladie de Lyme : les grives et les merles sont des hôtes fréquents des bactéries du genre Borrelia), a été trouvée. 

L’abondance des tiques adultes et la prévalence de Borrelia sp., la bactérie responsable de la maladie de Lyme, sont donc plus fortes dans les secteurs où des faisans ont été relâchés. Cela confirme que les résultats de nombreuses études antérieures, qui ont démontré que les espèces exotiques pouvaient contribuer à amplifier la dissémination d’agents pathogènes zoonotiques : par exemple, une prévalence plus élevée du virus des Everglades, responsable de l’Encéphalite équine de l’Est, a été constatée chez les moustiques leur servant de vecteurs depuis que le Python birman (Python bivittatus) avait envahi les Everglades de Floride. 

D’autres études seraient nécessaires pour évaluer si les effets de ces lâchers sur la propagation de la bactérie Borrelia sp. sont localisés ou pas, s’ils représentent un risque pour les éleveurs de faisans et plus largement pour le grand public, et s’ils favorisent la 

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