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Le Géospize de San Cristóbal (Galápagos) devrait être reconnu comme une espèce distincte selon une étude récente
Géospizes de San Cristóbal (Camarhynchus striatipecta) adulte et juvénile près de la lagune El Junco, sur l’île San Cristóbal, dans l’archipel des des Galápagos (Équateur).
Photographie : M. Dvorak / Fundación Charles Darwin
Les îles Galápagos sont un archipel appartenant à l’Équateur et situé dans l’océan Pacifique. Elles sont notamment connues pour leur avifaune unique, composée d’au moins 28 espèces d’oiseaux endémiques, dont les fameux « pinsons » (qui n’ont pas de lien de parenté avec les vrais pinsons) de Darwin, qui forment un groupe de 14 à 18 espèces appartenant aux genres Camarhynchus, Certhidea, Geospiza, Pinaroloxias et Platyspiza et endémiques des archipels des Galápagos et Cocos. Durant plusieurs décennies, ils ont été classés au sein de la famille des Emberizidés, mais ils sont désormais rattachés à celle des Thraupidés (lire Séjour ornithologique dans les îles Galápagos du 23 avril au 5 mai 2006).
Ces passereaux peuvent être distingués par leur taille, leur plumage et leur silhouette, mais les différences les plus remarquables concernent les dimensions et la forme de leur bec, qui s’expliquent par leur régime alimentaire et la niche écologique qu’ils occupent. L’observation de ces changements, qui constituent une adaptation à leur habitat, a contribué à l’élaboration de la théorie de la sélection naturelle par le naturaliste Charles Darwin au XIXe siècle (lire L’évolution des espèces : Darwin célébré, Wallace oublié).
Situation de l’archipel des Galápagos (Équateur). |
Les « pinsons » des Galápagos représentent un exemple remarquable de radiation adaptative (ou rayonnement adaptatif) à partir d’un ancêtre commun, qui aurait colonisé les différentes îles de l’archipel il y a deux ou trois millions d’années. L’isolement de chaque population aurait conduit à l’apparition progressive de particularités morphologiques, comportementales et génétiques. Toutefois, la rapidité et l’ampleur de ce phénomène de spéciation ont engendré des difficultés dans l’élaboration des relations taxonomiques entre les différentes espèces de « pinsons ».
Si leur taxonomie a récemment été clarifiée grâce à l’utilisation de méthodes génomiques, elle a été négligée pour certains taxons en raison d’un sous-échantillonnage : c’est le cas du Géospize pique-bois (Camarhynchus pallidus), dont les trois sous-espèces reconnues, dont celle de l’île San Cristóbal (C. p. striatipecta), n’ont jamais fait l’objet d’une évaluation phylogénétique complète concernant leur statut spécifique et leurs relations avec l’espèce-sœur apparentée, le Géospize des mangroves (C. heliobates) .
À l’aide d’outils génétiques et génomiques et d’analyses morphologiques, des ornithologues ont démontré dans un article publié en 2025 dans le Zoological Journal of the Linnean Society que la sous-espèce C. p. striatipecta était génétiquement distincte et paraphylétique (= regroupant un ancêtre commun avec une partie de ses descendants) du Géospize des mangroves. Ils proposent de l’élever au rang d’espèce à part entière, le Géospize de San Cristóbal (C. striatipecta).
Les auteurs ont utilisé des techniques qui leur ont permis d’analyser le matériel génétique des oiseaux échantillonnés avec une précision sans précédent. Les méthodes de séquençage employées ont révélé des différences génétiques significatives, distinguant la population de géospizes sur San Cristóbal . En intégrant les données génomiques aux analyses morphologiques, leur étude a mis en évidence le parcours évolutif particulier des oiseaux de cette île.
Birgit Fessl, responsable de l’équipe de conservation des oiseaux terrestres de la Fundación Charles Darwin et co-auteure de l’étude, précise : » les pinsons de Darwin constituent un exemple frappant d’évolution rapide, se diversifiant en un groupe d’environ 18 espèces en moins d’un million d’années. Ils se sont adaptés aux diverses niches écologiques des Galápagos, développant des becs spécialisés de taille et de forme différentes. Le Géospize de San Cristóbal, doté d’un bec particulièrement robuste, semble suivre le même chemin évolutif. Cette étude confirme l’hypothèse selon laquelle il est génétiquement distinct et devrait être reconnu comme une espèce à part entière, démontrant une fois de l’importance de l’isolement géographique et des pressions environnementales sur la création de la biodiversité ».
La reconnaissance d’une potentielle nouvelle espèce est essentielle à l’élaboration d’une stratégie de conservation ciblée. Or l’île de San Cristóbal est soumise à des menaces croissantes liées aux espèces envahissantes, à la dégradation des habitats et au changement climatique. Cette découverte, fondée sur des analyses génomiques et morphologiques de pointe, démontre comment des outils scientifiques avancés peuvent révéler des lignées uniques ou des espèces inconnues. Elle souligne que la biodiversité des Galápagos recèle encore de nombreux secrets.
Cette étude a été menée par les Lucinda P. Lawson (Université de Cincinnati, États-Unis) et Erwin Nemeth (BirdLife, Autriche), en collaboration avec Michael Dvorak (BirdLife, Autriche), Francesca Cunninghame, Birgit Fessl et Denis Mosquera (Fundación Charles Darwin, Équateur), Jakob C. Mueller (Institut Max Planck pour l’Intelligence Biologique, Allemagne), Beate Wendelin (Bureau d’Écologie du Paysage, Autriche) et Kenneth Petren (Université de Cincinnati, États-Unis).
La sous-espèce C. p. striatipecta du Géospize pique-bois (Camarhynchus pallidus) de l’ile San Cristóbal (Galápagos) devrait reconnue comme une espèce distincte d’après une étude récente.
Source : Richard C. Hoyer
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Compléments
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- The Birds of Ecuador: Field Guide de Robert S. Ridgely
- Birds and Mammals of the Galapagos (2021) de Dušan M. Brinkhuizen et Jonas Nilsson
- Birds of Ecuador and the Galápagos Islands: A Photographic Guide (2023) de Juan Freile et Murray Cooper
- Guide du Routard Equateur et Galapagos 2024/25 de Guides du Routard
Sources
- Fundación Charles Darwin (2025). Study Suggests Potential New Darwin’s Finch Species for Galapagos. Date : 30/01. www.darwinfoundation.org
- Lucinda P. Lawson, Erwin Nemeth, Michael Dvorak, Francesca Cunninghame, Birgit Fessl, Jakob C Mueller, Denis Mosquera, Beate Wendelin et Kenneth Petren (2025). A hidden finch from the Galapagos Islands: a genetically and morphologically distinctive woodpecker finch from San Cristobal Island Get access Arrow. Zoological Journal of the Linnean Society. Volume : 202. Numéro : 4. academic.oup.com




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