Le Martinet pâle (Apus pallidus) ressemble étroitement au Martinet noir (Apus apus) et les risques de confusion sont élevés, mais il s’en distingue par plusieurs critères (lire Distinguer les Martinets noir et pâle). Ses ailes et sa tête sont un peu plus larges et son corps est plus trapu, et son plumage est brun et non pas noirâtre (même si ce critère n’est pas toujours très visible selon les conditions de luminosité et les individus) : les rémiges secondaires et primaires internes et les couvertures sont pâles et contrastent avec le manteau et les rémiges primaires externes brun sombre. Un motif écailleux pâle est visible sur le ventre et la poitrine. Le front est plus clair et la gorge blanche est plus étendue. Le juvénile a également un motif écailleux pâle (liseré blanc des plumes) sur les parties supérieures.

Les cris du Martinet pâle rappellent ceux du Martinet noir, mais ils sont dissyllabiques, râpeux et descendants.

Écoutez ci-dessous un enregistrement des cris de Martinets pâles réalisé en Espagne  par Jacobo Ramil Millarengo le 4 août 2022 (source : Xeno-Canto) :

Écoutez ci-dessous un enregistrement des cris de Martinets noirs réalisé en Suède par Alan Dalton le 25 juillet 2022 (source : Xeno-Canto) :

C’est une espèce grégaire, qui forme parfois des colonies importantes installées sur des bâtiments dans les villes et villages et sur des falaises rocheuses, généralement près de la mer. C’est un également un oiseau insectivore et migrateur : en Europe, les oiseaux reproducteurs reviennent dans leurs zones de nidification de janvier à avril, tandis que sa migration postnuptiale s’étale de la mi-août à la fin octobre, les oiseaux urbains partant plus tard que ceux nichant sur les falaises naturelles. Ces dates de départ plus tardives que celles du Martinet noir peuvent aider à le repérer à la fin de l’été. 

Le Martinet pâle niche des îles Canaries et de Madère au Pakistan et hiverne principalement en Afrique tropicale après avoir séjourné dans le Sahel. En Europe, la Suisse accueille les populations les plus septentrionales : il se reproduit depuis plusieurs années sur l’église San Antonio de Locarno (canton du Tessin), et sa nidification a été prouvée en 2022 à Brigue (Valais) et sur la place Bel-Air et sur le Rond-Point de Rive à Genève (Genève). 

Aire de répartition du Martinet pâle

Aire de répartition du Martinet pâle (Apus pallidus) (en rouge, présence en été seulement, en violet, présence toute l’année, et en bleu, présence en hiver seulement) et situations (1) de Lyon (Rhône) et (2) de Genève (Suisse).
Carte : Ornithomedia.com d’après Lynx Edicions/BirdLife International

En France, il se reproduit principalement le long des côtes rocheuses méditerranéennes (des Pyrénées-Orientales aux Alpes-Maritimes et à la Corse), mais quelques populations isolées sont installées plus au nord, principalement à Toulouse (Haute-Garonne), dans le Tarn, à Biarritz et à Urugne (Pyrénées-Atlantiques) et à Bordeaux (Gironde). 

Le 30 juin 2023, Simon Piqué a repéré deux ou trois Martinets pâles dans la rue d’Anvers, dans le VIIe arrondissement de Lyon (Rhône), grâce notamment à leurs cris différents de ceux des Martinets noirs, mais aussi à leur gorge blanche plus étendue, à la zone sombre autour des yeux contrastant avec la tête beige, à leur ventre écailleux et à ses ailes semblant plus larges. Il a vu d’autres oiseaux au cours des jours suivants, et il a repéré cinq nids occupés dans la même rue en juillet. Il suspecte aussi la présence d’un ou deux autres couples nicheurs dans le quartier. La population totale est difficile à estimer, mais pourrait compter plusieurs dizaines d’oiseaux. Le départ en migration plus précoce des Martinets noirs pourrait permettre d’y voir plus clair.

Simon Piqué précise que les Martinets pâles nicheurs de Lyon se sont installés sous des avant-toits ou dans des gouttières, parfois sur les mêmes édifices que les Martinets noirs, visitant parfois  les mêmes cavités. Les deux espèces forment souvent des vols mixtes évoluant entre et au-dessus des bâtiments.

L’installation de l’espèce à Lyon ne date peut-être pas de cette année, mais elle est certainement relativement récente.

Précisons que deux Martinets pâles ont également été découverts en juillet 2023 dans la ville de Besançon (Doubs), sans que leur nidification n’ait été prouvée jusqu’à présent, même si l’un des oiseaux a été repéré avec un jabot plein, peut-être pour nourrir des jeunes ou une femelle. Un suivi serait donc nécessaire lors de la prochaine saison de nidification. 

Ces observations et ces cas de nidification très au nord des colonies les plus proches, installées dans les département méditerranéens français, constituent des indices supplémentaires de la progression de l’espèce vers le Nord, probablement favorisée par le réchauffement climatique. L’ouvrage « Climatic Atlas of European Breeding Birds » de Stephen G. Willis, Yvonne C. Collingham, Rhys E. Green et Brian Huntley, ainsi que simulations récentes alliant paramètres climatiques et d’occupation du sol du Centre de Recherches sur la Biologie des Populations d’Oiseaux prévoient en effet une extension vers le Nord de l’aire de reproduction du Martinet pâle au cours du XXI siècle, et sa population française a fortement augmenté depuis les années 1970.  

En octobre 2022, un afflux inhabituel et remarquable de Martinets pâles, probablement entraînés par des vents provenant du Sahara, avait été noté en en Grande-Bretagne, mais aussi aux Pays-Bas et dans le nord de la France (lire Flux d’air chaud et afflux de Martinets pâles dans le nord-ouest de l’Europe en octobre 2022).

Par ailleurs, dans un article publié en 2022 sur le site web du Groupe Ornithologique du Bassin Genevois, Bastien Guibert a apporté une intéressante précision : certains oiseaux observés en Suisse (et donc peut-être à Lyon) pourraient être issus de croisements avec des Martinets noirs, comme cela a été montré en Corse. Dans la ville de Fribourg par exemple, des résultats de prélèvements génétiques effectués sur des Martinets noirs ont ainsi montré des traces d’hybridation.

Des recherches attentives du Martinet pâle dans les villes et villages des régions Bourgogne-Franche-Comté et Auvergne-Rhône-Alpes au cours des années à venir pourraient donc être instructives.

Martinets pâles (Apus pallidus)

Martinets pâles (Apus pallidus) à Lyon (Rhône) en juillet 2023 (cliquez sur la photo pour l’agrandir).
Photographie : Simon Piqué

Martinets pâles (Apus pallidus)

Martinets pâles (Apus pallidus) à Lyon (Rhône) en juillet 2023 (cliquez sur la photo pour l’agrandir).
Photographie : Simon Piqué

Réagir à notre article

Réagissez à cet article en publiant un commentaire