Brèves
Il devrait y avoir une forte irruption de Roselins pourprés, de Sizerins flammés et de Tarins des pins dans l’est du Canada et plus au sud durant l’hiver 2025-2026
Sizerins flammés (Acanthis flammea) se nourrissant sur une mangeoire à Toronto, dans l’Ontario (Canada), en février 2024.
Photographie : Laura Wolf / Wikimedia Commons
Certaines espèces d’oiseaux sont sujettes, de manière périodique, à des mouvements de grande ampleur, impliquant des dizaines de milliers d’individus, d’ordinaire plutôt sédentaires ou migrant sur de courtes distances. Ces irruptions seraient principalement liées à une raréfaction des ressources alimentaires dans leurs régions habituelles d’hivernage, même si cette relation est plus complexe qu’on ne le pensait (lire Les irruptions de Jaseurs boréaux ne seraient pas liées à une faible fructification des Sorbiers des oiseleurs en Scandinavie).
En Europe, on observe alors certains automnes, notamment depuis les sites de suivi de la migration, des effectifs très largement supérieurs (plusieurs dizaines ou centaines de fois) à ceux habituellement signalés pour certains passereaux, comme le Geai des chênes (Garrulus glandarius), les becs-croisés (lire Irruption de Becs-croisés bifasciés sur les îles écossaises en juillet 2019) ou le Tarin des aulnes (Spinus spinus) (lire Importants mouvements migratoires de Tarins des aulnes en octobre 2019), ainsi que parfois des espèces moins connues comme le Durbec des sapins (Pinicola enucleator) (lire Afflux de Durbecs des sapins dans le sud de la Scandinavie depuis le mois d’octobre 2021).
En Amérique du Nord, ces irruptions concernent surtout des passereaux de la taïga ou montagnards, comme la Sittelle à poitrine rousse (Sitta canadensis), le Jaseur d’Amérique (Bombycilla cedrorum), le Gros-bec errant (Hesperiphona vespertina), le Roselin pourpré (Haemorhous purpureus) ou la Grive à collier (Ixoreus naevius), qui doivent s’adapter aux variations de la fructification des conifères et de certains arbres caduques en parcourant parfois de grandes distances (lire Comment expliquer les invasions de Jaseurs boréaux et d’autres oiseaux nordiques ?).
Le Finch Research Network est une association fondée par plusieurs biologistes dédiée l’étude de certains fringilles et de leurs habitats, qui publie chaque automne une anticipation des irruptions de certains passereaux de la forêt boréale dans le sud du Canada et dans le nord des États-Unis, appelé l’Annual Winter Finch Forecast, en se basant principalement sur le taux de fructification de plusieurs essences de la taïga, ainsi que sur son niveau d’infestation par certains insectes, comme la chenille de la Tordeuse des bourgeons de l’épinette (Choristoneura fumiferana). Ces prévisions, rédigées par Tyler Hoar, qui se sont souvent révélées justes (lire ’L’irruption prévue de Gros-becs errants en Amérique du Nord durant l’automne 2022 a bien eu lieu), sont populaires parmi les observateurs américains.
Les prévisions pour l’hiver 2025-2026 ont été publiées en octobre 2025 sur le site web du Finch Research Network, et selon celles-ci, il pourrait y avoir une irruption de grande ampleur de certains passereaux nordiques dans l’est du Canada et au-delà durant l’hiver 2025-2026. En effet, de vastes zones de la forêt boréale canadienne, du centre du Québec jusqu’au Manitoba, connaissent cet automne une très mauvaise production de cônes de conifères, notamment d’Épinette blanches (Picea glauca) et noires (P. mariana) et de Mélèzes laricins (Larix laricina), ainsi que de graines de Bouleaux à papier (Betula papyrifera) et d’aulnes (Alnus sp.), poussant plusieurs espèces à migrer vers le sud à la recherche de nourriture.
La fructification a toutefois été bonne dans deux secteurs : l’est de l’Amérique du Nord, des monts Adirondacks (États de New York) jusqu’à Terre-Neuve (Canada), et le nord-ouest du continent, du Manitoba (Canada) à l’Alaska (États-Unis), où les ressources alimentaires sont aussi abondantes.
Par ailleurs, les pullulations de chenilles de la Tordeuse des bourgeons de l’épinette (Choristoneura fumiferana) constatées du Manitoba aux provinces de l’est du Canada ont fourni beaucoup de nourriture pendant la saison de reproduction des passereaux boréaux, favorisant leur nidification, mais la pénurie de cônes et de graines qui a suivi dans beaucoup de régions devrait forcer de nombreux oiseaux (dont des jeunes de l’année) à se déplacer vers le Sud, un mouvement qui a déjà débuté et a été repéré.
Roselin pourpré (Haemorhous purpureus) mâle. |
Selon Tyler Hoar, les mouvements importants vers le Sud de l’hiver 2025-2026 devraient surtout concerner trois espèces, le Roselin pourpré (Haemorhous purpureus), le Sizerin flammé (Acanthis flammea) et le Tarin des pins (Spinus pinus). Concernant le premier, on devrait assister à une irruption massive qui pourrait atteindre le sud des États-Unis, un phénomène observé dès la fin de cet été. Pour le second, une forte arrivée est prévue dans le sud-est du Canada et le nord-est des États-Unis à cause de la pénurie de graines de bouleaux et d’aulnes, une fois que la neige aura totalement recouvert les espaces ouverts (clairières, cultures et prairies) éparpillés dans la forêt boréale ou la bordant. Enfin, pour le troisième, un mouvement modéré à fort est attendu vers le sud et le centre du continent, certains oiseaux descendant jusqu’aux États du centre atlantique. Ces trois passereaux apprécient particulièrement ls graines de tournesol distribuées dans les mangeoires (lire Quelles graines à donner pour quelles espèces d’oiseaux ?).
Les mouvements des Durbecs des sapins (Pinicola enucleator) vers le sud de l’Ontario et du Québec devraient être faibles à modérés. Ce gros passereau affectionne particulièrement les baies des sorbiers (Sorbus sp.) et des pommiers à fleurs (Malus sp.), mais il fréquente aussi parfois les mangeoires, où il mange volontiers les graines de tournesol.
Les déplacements vers le sud des Becs-croisés des sapins (Loxia curvirostra) et bifascié (L. leucoptera) devraient par contre être faibles et de courte distance car la fructification a été bonne dans les forêts du nord-est (Provinces maritimes canadiennes et Nouvelle-Angleterre) et de l’ouest (du Manitoba à l’Alaska) de l’Amérique du Nord.
La migration des Gros-becs errants (Hesperiphona vespertina) vers le sud devrait aussi être modérée et concentrée dans le Québec méridional, les Provinces maritimes et le nord-est des États-Unis. Quelques individus atteindront quand même probablement la Pennsylvanie et peut-être aussi les hautes altitudes des États du centre atlantique. Les Gros-becs errants du nord-ouest de l’Ontario devraient quitter la forêt boréale et se nourrir dans les mangeoires urbaines.
Il n’existe pas à notre connaissance de prévisions similaires pour l’Europe, mais si l’on suppose que les niveaux de fructification de la taïga scandinave et sibérienne sont comparables à ceux que l’on constate dans la forêt boréale canadienne, on pourrait assister à des mouvements de passereaux forestiers nordiques vers l’Europe du Nord et centrale. Toutefois, de nombreux facteurs (composition forestière, conditions météorologiques, etc.) peuvent intervenir et rendent hasardeuse toute extrapolation d’un continent à l’autre.
Tarins des pins (Spinus pinus) se nourrissant dans une mangeoire en Amérique du Nord en février 2018.
Source : Wild Birds Unlimited Macomb
Réagir à notre article
Compléments
Ouvrages recommandés
- Guide Sibley des Oiseaux de l’Est de l’Amérique du Nord de Sibley David Allen
- Guide d’identification des oiseaux d’Amérique du Nord. 3ème édition de National geographic society
Source
Tyler Hoar (2025). Winter Finch Forecast 2025-2026. Finch Research Network. finchnetwork.org




Aucun commentaire sur ce sujet
Participer à la discussion !