Le Faucon sacre (Falco cherrug) est une grande espèce (envergure de 105 à 129 cm) aux ailes assez larges. L’adulte typique a le dessus du corps, de la queue et des ailes brun terreux, vaguement nuancé de roux, et le dessous chamois blanchâtre, les flancs et le ventre fortement striés de sombre, et les « culottes » brunes. La tête est pâle avec d’étroites moustaches sombres. Les pattes et la cire (= la protubérance charnue au-dessus du bec) sont jaunâtres. Comme chez la plupart des rapaces, la femelle est plus grande que le mâle (lire Pourquoi les femelles de rapaces sont-elles généralement plus grandes que les mâles ?). Le juvénile ressemble à l’adulte, mais son ventre et ses flancs sont plus fortement striés de sombre, ses sourcils pâles sont davantage visibles car sa calotte est généralement plus sombre, et ses moustaches sont plus sombres et plus épaisses. Les pattes et la cire sont grisâtres. À tous les âges, le dessous des ailes présente un contraste entre les couvertures sombres et les rémiges secondaires et tertiaires grisâtres.

Il vit dans les forêts claires, les steppes arborées, les cultures et les semi-désert rocheux et hiverne dans des milieux ouverts variés. Il se reproduit sur des falaises, des arbres, des structures d’origine humaine (sur des pylônes par exemple) ou même parfois au sol. Il chasse principalement les rongeurs (notamment du genre Spermophilus), mais aussi les oiseaux de taille moyenne, comme les Pigeons bisets (Columbia livia) semi-domestiques, qui représentent près près de 60 % de son régime alimentaire en Slovaquie (lire Les Pigeons bisets occupent une place essentielle et croissante dans le régime alimentaire du Faucon sacre en Europe).

Son aire de répartition s’étend de l’Europe centrale à la Chine en passant par l’Asie centrale, l’Iran et la Turquie. Une partie des oiseaux hiverne en Afrique de l’Est et centrale, au Moyen-Orient et dans le sous-continent indien. Quatre sous-espèces sont reconnues. C’est une espèce rare et accidentelle en Europe de l’Ouest, et l’origine sauvage des oiseaux observés n’est pas toujours confirmée du fait de l’utilisation de l’espèce en fauconnerie (lire Le Faucon sacre observé dans le département du Rhône en mars 2022 a-t-il une origine sauvage ?).

Sa population mondiale est estimée entre 6 100 et 14 900 couples, dont de 640 à 720 en Europe. Il s’agit d’une espèce rare et menacée à cause des collisions avec les lignes électriques, des collectes illégales d’œufs et d’oisillons pour la fauconnerie (des milliers de juvéniles seraient encore capturés chaque année pour les fauconniers du Moyen-Orient), des tirs volontaires ou involontaires, des transformations de son habitat (mise en culture, plantations d’arbres, abandon du pastoralisme, etc.) et de l’empoisonnement de ses proies (rongeurs) par les agriculteurs. Le déclin serait particulièrement prononcé dans les steppes d’Asie centrale.

Le Faucon sacre est protégé dans la plupart des pays où il niche, même si cela ne suffit pas toujours pour stopper son déclin. Globalement, sa population aurait en effet baissé de 50 % au cours des vingt dernières années. C’est particulièrement le cas en Asie, malgré quelques mesures utiles, comme la pose de milliers de nichoirs en Mongolie et en Chine (provinces du Tibet et du Qinghai). Aux Émirats Arabes Unis, l’élevage en captivité a été mis en place afin de réduire les captures de jeunes dans la nature. 

La Hongrie et la Slovaquie accueillent 40 % de la population européenne. Le statut de ce rapace était mal connu en Hongrie avant 1980. Selon les sources disponibles, il se reproduisait régulièrement dans plusieurs types d’habitats, mais il n’était déjà pas commun à la fin du XIX et au début du XXe siècle. Sa population a considérablement diminué au cours du XXe siècle, tombant à moins de 50 couples après la Seconde Guerre mondiale. Les principales raisons de cette baisse étaient l’utilisation de pesticides (DDT) dans l’agriculture et la persécution (empoisonnement et tirs). L’espèce était au bord de l’extinction en Hongrie dans les années 1970, décennie à partir de laquelle il a été intégralement protégé, et grâce à des efforts de conservation soutenus, le nombre de couples nicheurs est passé de huit en 1980 à plus de 180 actuellement (lire Le nombre de couples de Faucons sacres a bien progressé en Hongrie depuis 1980, mais il fluctue depuis quelques années).

Emplacements de plusieurs nichoirs pour Faucons sacres

Emplacements de plusieurs nichoirs pour Faucons sacres (Falco cherrug) posés en Roumanie le long de la frontière hongroise.
Carte : Ornithomedia.com d’après Mátyás Prommer et al

En Roumanie, le Faucon sacre était un nicheur relativement commun au tournant des XIXe et XXe siècles dans les plaines du pays, notamment le long du Danube et dans son delta. Il a subi un fort déclin au cours du siècle dernier à cause de la modification de son habitat et des persécutions directes, et il est désormais inscrit sur la Liste rouge nationale des oiseaux nicheurs.

Quelques couples se reproduisent encore dans la Dobroudja, dans le sud-est du pays : ils représentent la partie la plus occidentale d’une population orientale centrée sur l’Ukraine et en déclin rapide. Ce rapace avait cessé de nicher dans les plaines occidentales dans les années 1970, mais une nouvelle population s’y est installée récemment grâce à la progression du nombre de couples en Hongrie et à la pose de plateformes du côté roumain.

Entre 2001 et 2013, dix supports ont ainsi été érigés dans des habitats favorables et en 2006, un couple a été vu sur l’un d’entre eux, bien qu’aucune nidification n’ait été documentée. Entre 2006 et 2014, dans le cadre de deux programmes européens LIFE Nature menés en Europe centrale, 92 oiseaux hongrois ont été équipés de balises émettrices, ce qui a permis de découvrir que plusieurs d’entre eux séjournaient longuement dans l’ouest de la Roumanie. En 2013 et en 2014, 83 nichoirs en aluminium ont été installés sur des pylônes de lignes électriques dans des zones favorables régulièrement visitées, et dès 2014, six territoires, d’où 14 jeunes ont pris leur envol avec succès, ont été identifiés. 

Dans un article publié en 2025 dans la revue Ornis Hungarica, trois ornithologues ont analysé l’évolution de la population de Faucons sacres entre 2016 et 2023 dans une bande de 10 à 80 km de large, d’une superficie de 17 100 km², parallèle à la frontière hongroise, bordée par la Serbie au sud et par l’Ukraine au nord. Ils ont pris en compte plusieurs paramètres démographiques, comme le taux d’occupation des nichoirs  (N =84), le succès moyen de nidification et la taille des couvées. Ils ont également vérifié statistiquement (à l’aide d’un modèle linéaire généralisé mixte) les facteurs pouvant les influencer, comme la taille et l’éloignement de la colonie de Spermophiles d’Europe (Spermophilus citellus) la plus proche.

En 2023, la population de Faucons sacres dans l’ouest de la Roumanie avait atteint 43 couples, contre moins de 15 en 2016, la distance entre les nichoirs occupés passant de 9,9 km à 6,1 km. Au moins 255 tentatives de reproduction ont été recensées, dont 192 ont abouti, donnant naissance à 794 jeunes. La taille moyenne des couvées des couples ayant réussi leur nidification était de trois jeunes. Le taux d’occupation des nichoirs était positivement corrélé à la distance de la zone de chasse la plus proche et au nombre de colonies de spermophiles dans un rayon de cinq kilomètres. 

Ces résultats obtenus dans l’ouest de la Roumanie confirment l’efficacité de la pose de nichoirs et de plateformes pour faciliter la croissance et l’expansion des populations de Faucons sacres dans des zones favorables : cette mesure a en effet donné de bons résultats en Hongrie, en Mongolie et en Autriche (lire Où observer les oiseaux dans la partie autrichienne du lac de Neusiedl ?).

Cette espèce ne construisant pas d’aire, elle ne se reproduit pas dans les zones dépourvues de nids construits par d’autres oiseaux (corvidés principalement) ou de falaises naturelles. Toutefois, les données du suivi par satellite montrent qu’elle est capable de saisir rapidement de nouvelles opportunités de nidification lorsqu’elles se présentent, comme la pose de nichoirs dans l’ouest de la Roumanie en 2013 et en 2014 : en effet, peu après, plus d’une douzaine de couples, composés d’oiseaux venus des pays voisins (principalement de Hongrie, mais peut-être aussi de Serbie, de Slovaquie, d’Autriche ou de Tchéquie), avaient déjà été recensés. L’observation d’une femelle baguée en 2020 en Roumanie et retrouvée en train de se reproduire en Hongrie en 2022 confirme l’hypothèse de déplacements d’individus entre les pays de la région.

La présence de colonies importantes de spermophiles dans les environs des nichoirs constitue un facteur important du succès de l’établissement d’une population de Faucons sacres, et la conservation d’étendues suffisantes de steppes est donc essentielle. Le suivi par satellite a toutefois montré que les adultes reproducteurs pouvaient parcourir jusqu’à 25 km par jour pour visiter certaines colonies, en contournant d’autres a priori moins intéressantes. L’espèce est par ailleurs capable de compenser le déclin des populations de ces rongeurs en choisissant d’autres proies, principalement des Pigeons bisets semi-domestiques, comme c’est le cas en Hongrie et en Slovaquie (lire Trois bons secteurs pour observer les oiseaux dans les plaines slovaques). 

Nichoir occupé par le Faucon sacre (Falco cherrug) en Roumanie en 2019.
Source : Șoimul Dunărean I Falco Cherrug I Wildlife Romania Live Stream

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